l'or de sa vapeur rouge

▬ jules a les caractéristiques de l'idiotie, de ces vilains garçons à qui on ne confierait pas ses filles. il a des gestes trop grands, des sourires resplendissants de dents pointues et les insultes en ponctuation. dans les rues de sa vie on apprend à jurer avant de prendre des respirations aux virgules, on vit à deux cents à l'heure et on drift sur les pavés de son enfance.
il a connu la loyauté ou la mort, les paroles qu'on veut nonchalantes et qui affirment qu'on ne trahit jamais - c'est l'ultraviolence, les rituels de sang effectués par les poings.

dans la meute, on jure ou on crève.

on s'amuse et on rit, des immeubles qui ont toujours de la vie et qui grouillent de moutards ; il a grandi dans l'amour sans conditions et il lui en reste encore les conséquences d'un laisser-aller affectueux, de ce que certains appelleraient de la négligence là où les habitants du royaume nomment de la sagesse et de l'éducation. il parle trop vite, trop fort, sa démarche ne convient pas et ses remarques déplacées ne font plus rire les professeurs. c'est un vilain petit canard dans un monde trop lubrique ou l'intellect prime sur l'argent.
il se dit survivant car ce grand gamin n'a pas toujours connu le luxe de consommer autrement que pour la vitalité. c'est dans des choses pas très nettes qu'il trempe une fois de retour au domicile familial, les mains dans la cambouis - vivre bohème n'est pas dans son vocabulaire et s'il est bâti de nonchalance c'est qu'on lui a appris ainsi à paraître grand. ceux qui ont beaucoup sont oisifs et n'ont peur ni du froid ni du courroux, il suffit d'imiter l'insouciance.
jules vit par nécessité et se dévoue pour sa propre cause, il n'est point égocentrique mais il ne peut donner son coeur à tous puisqu'il en a besoin pour continuer à avancer, à ramer dans le fleuve.

fils de la vie citadine, trop sauvage pour le béton, trop civilisé pour la pinède, il est dans un entre-deux exubérant indescriptible : à force d'être partout il est nul part.

la crainte de l'indifférence, comme une silhouette qui le poursuit, l'étouffe, est les conséquences de sa vision factice du monde. il n'est personne et a grandi les genoux à terre car les jules il y'en a dix milles et plus encore - des jules comme lui ils sont dans les rues et on ne les connaît ni médecins ni avocats. et les rares élevés on leur murmure qu'ils sont des perles. et c'est eux ! eux qu'on vante à la télévision ! ils crient que tout va bien car il y'a des jules qui réussissent, qui viennent des même HLM abîmés mais accueillants, alors pourquoi pas lui ? c'est de la faute de personne si ce jules là, il est pas aussi brillant. c'est pas grave de ne pas être un diamant, un rubis ou un émeraude mais ça pèse d'être rien - c'est beaucoup et si peu à la fois.
on lui a vite fait comprendre qu'il n'aurait qu'un prénom et qu'un nom qu'on maudit parce qu'ils ne sonnent pas bien. il n'a rien d'unique, c'est dans sa singularité embarrassante qu'il existe.
l'humanité est son ennemie et son amante à la fois - il la veut toute entière mais craint ses ires comme un enfant pleure sous les draps les soirs d'orage.