(terminé) Crushing bones • ft Chase

Portable qui vibre, tu hésites un instant à y prêter attention pas manque d'envie. Pourtant tu le fais et quand tu vois l'auteur tu tiques un peu. De toutes les personnes dans ton répertoire c'était bien le dernier auquel tu t'attendais à recevoir un message. Il tombait à pic, étrangement. Parce que ça faisait trop longtemps que ça te trottait dans la tête, qu'elle occupait ton esprit avec ses paroles, ses gestes, tout ça. Mais c'était rien de positif, oh non. Serrant tes poings au phalanges fraîchement explosées tu te lèves, ce n'était pas encore l'heure, le dîner n'était même pas passé mais tu avais déjà prévu de t'en absenter depuis longtemps. Claquant la porte de ton dortoir en imaginant bien les plaintes de tes camarades tu disparais encore de nouveau, le portable dans ta poche alors que tu n'avais même pas pris la peine de lui répondre. De toute façon, il savait, il savait très bien que tu serais là.

Ironiquement, il te connaissait trop bien pour savoir que tu ne lui posera aucun lapin. Ironiquement, vous vous connaissiez trop bien pour savoir que des paroles ou une raison c'était inutile. Tu déambules, tu réfléchis, tu évites les gens, les foules, les regards, c'était une sale habitude qui te reprenait, cette sale habitude qui revenait au grand galop en un rien de temps. Juste un message, même pas une phrase, un lieu, une heure et tu étais reparti à faire le con, tu étais reparti à disparaître des couloirs pendant un temps à ne pas répondre à ton portable, à ne pas te présenter au dîner. C'était toujours la même.

Vingt-deux heures.

Ton pas est lourd, tu n'es aucunement discret, on entends les galets bouger sous tes pieds et tu le vois, tu reconnais son ombre. Aucun doute, c'était lui et tu devinais la lueur qu'il avait dans les yeux. « C'est quoi l'excuse cette fois, Fowley ? » Question rhétorique, tu n'attends pas vraiment de réponse et étrangement tu ne te prépares pas plus que ça à avoir un autre type de réponse semblerait-il. Tes mains fourrées dans tes poches, ton regard qui ne brûlait pas encore le fixait. Tu devinais déjà la rage qui bouillonnait en lui.

Tes yeux roulent dans leurs orbites alors qu'il te lance son sarcasme, cette fausse joie terriblement plate qui t'étais adressée alors qu'il te voyait venir. Pourtant tu t'arrêtes sur un mot. « Tu auras besoin de baume mais pas qu'au cœur, crois-moi »Et toi aussi certainement. Plus le temps avait avancé et plus le Poufsouffle avait pris en hargne. Si au début tu étais au dessus de lui, maintenant, tu ne pouvais plus vraiment en donner autant. Étrangement, tu appréciais ça, en un sens, qu'il soit apte à t'en distribuer des coups.

Tu le vois virer sa cape, remonter ses manches, tu tardes un peu à faire de même, tu le regardes juste, tu écoutes ses quelques mots.

Petite querelles entre ami

Tu soupires. Il n'avait pas tout son temps, hein ? Tes mains sortent finalement de tes poches, tes doigts tordus par le froid qui creusait tes blessures encore bien trop fraîches. Tu avais mal, tes poings souffraient et toi, tu allais encore plus appuyer, t'allais encore plus te détruire. Tu les ouvres, le ferme et tu as mal, le froid te ronge et tu tentes de ne pas le montrer.

Tes poings se réchaufferont assez vite. « Quoi ? Ton copain t'as laissé en plan pour aller avec une autre ? Comme c'est triste. » Sarcasme intentionnel, est-ce que tu cherchais en un sens à le provoquer ? Oui, tu voulais le pousser encore plus à bout. Tu voulais qu'il sorte ses tripes et qu'il fasse en sortes que tu t'y mettes aussi. Tu voulais qu'il explose, tu voulais tant. Parce que c'était libérateur pour toi aussi, parce que tu pouvais tout cracher, tout expulser. Et pourtant, tu ne voulais pas être celui qui portait le premier coup.

« Alors quoi ? Je pensais que t'avais la rage au ventre. Tout ce que je vois, là, c'est un animal qui gonfle son pelage pour faire le fier. » Signal d'une dernière provocation, tu viens alors serrer ses joues entre tes doigts, dans cette serre puissante, tu appuyais sans aucune restriction, déformant son visage pendant un court instant tu te doutais. Il allait répliquer assez vite et tu le ferais bien assez tôt également. Ton autre main était déjà prête à répondre.  

Tu avais presque misé bon. Presque. Pourtant, ton dernier geste avait bien été utile, ça y'est, il t'avait asséné le premier coup et tu pouvais finalement te donner une excuse. Tu pouvais finalement riposter et ce malgré le coup qui t'avais tiré une grimace douloureuse mais que tu effaces bien vite. Ton coeur démarre au quart de tour, donnant le signal à ton être tout entier, le signal que tu pouvais finalement relâcher cette bestiole remplie de rage qui te retenait.

Chase venait d'en exploser les chaines et toi, tu voulais faire exploser les siennes encore plus. C'est ton poing droit qui vient alors se heurter contre sa main qu'il avait déjà placée dans sa garde et pourtant tu réagis vite, ton autre poing vient se fracasser contre son épaule et tu sens tes mains fragilisées se crisper à l'impact. « Quoi ? C'est tout, juste ça ? Juste me foutre un coup dans le ventre ? » Tu savais qu'il pouvait faire mieux que ça. Tu voulais qu'il fasse mieux que ça.


Tu reprends ta garde, ta posture solidement ajustée et tu ne quittes pas ses mains du regard. Tu lances un autre assaut sans réellement attendre qu'il réponde à ton premier. « Je croyais que tu voulais pas y passer toute la nuit. » Ta garde bien haute, finalement tu reprends, cette fois-ci en le fixant droit dans les yeux. « A moins que tu ne sois là que pour chialer ce que t'as perdu. »

Chair écarlate et déchirée, douleur que tu ne peux plus ignorer et ton regard s'assombrit encore. Tu ne sembles même plus apte à prêter attention à ses mots, à ses paroles alors qu'il te répond.

Doigts refusant de se refermer, ton poing manquant terriblement de fermeté tes mains refusaient de t'écouter et ce n'était pas la première fois. Tu ne voulais juste pas que cela soit face à lui, pas face à quelqu'un. Tu faiblissais et il le remarquait, c'était une évidence. Il utiliserait ça contre toi, ta faiblesse apparente. La seule que tu aies pu le laisser entre-voir.

Impardonnable.

Non, non. Tu ne devais pas, pas le laisser te voir faiblir, ne pas le laisser penser que tu avais atteint tes limites alors que tes ressources n'étaient pas épuisée et que ton esprit commençait seulement à s'ébouillanter convenablement. Tu commençais seulement à vouloir briser tout en miettes. Il dit les mots, il a compris, il te nargues et ton coeur ne fais qu'un seul bon. « Ne me parles pas de hargne alors que tu as besoin de récupérer ton souffle, Chase. » Ton pied vient alors violemment se loger dans le creux de son ventre avec cette terrible volonté de vouloir l’éjecter loin de toi et de le mettre au sol. Et tu avais envie de le marteler de coups sur le sol. Tu avais envie de continuer, de te laisser aller. De tout laisser s'évacuer.

Mais rien. Tu laissais les choses aller, tu laissais ça te ronger l'intérieur plutôt que de le détruire lui.

Au fond t'avais même plus envie de ça. "Quel est ton putain de problème, Ezra ?" Elle avait raison. Tu as un problème, mais tu refuses de le voir en toi et tu veux détruire les autres pour le camoufler. Toujours à détruire plutôt que reconstruire. Toujours à vouloir t'enfoncer encore plus en emportant les autres. En créant des dommages collatéraux que tu ne pourra pas réparer.

« C'était ça que tu voulais ? Que je te fasse bouffer les galets ? Continues, tu t'y prends bien. » Paroles crachées, ton regard veut le prendre de haut, tu le toises sans répit avec ce regard noir. Tu craches une nouvelle fois sur le sol essuyant ta bouche avec tes mains tremblantes et teintées par le sang séché. Tes mains tremblent, ça se voit, c'est flagrant.  

Grognement contestataire alors qu'il veut mettre un terme à ça. Ton regard noir ne le quitte pas et tu craches alors encore par terre, libérant encore une fois ta salive mélangé au sang qui est monté dans ta bouche à cause des trop nombreux coups reçus. Il ramasse ses affaires et toi tu restes planté là, essuyant juste rapidement ta bouche et massant doucement tes mains meurtries comme pour chercher à les sentir de nouveau, à avoir une sensation quelconque alors que tes doigts passaient de phalanges en phalanges.  

« J'ai pas besoin de ça. Elles se remettront correctement toutes seules. » Tu n'en étais honnêtement pas persuadé. Depuis combien d'années tu n'avais pas vu tes mains sans une seule égratignure ? Sans un bleu, des rougeurs dues à la violence de tes coups. Tu te demandais même comment elles pouvaient encore être entières avec le traitement quotidien que tu leur infligeait. Mais là, là, tu n'y toucherai pas pendant plusieurs jours. Peut-être des semaines, tu espérais dans le fond. Mais tu n'avais pas vraiment le contrôle sur ça, n'est-ce pas ? C'était ta colère, cette stupide haine qui te bouffait qui dirigeait tout. Tu fixes sa baguette quelques secondes avant de remettre ta tenue relativement correcte. « Économises ta magie pour toi, t'en as plus besoin que moi. » Et toi, tu n'en a jamais eu besoin, c'était ce que tu voulais rajouter. Mais tu n'en fis rien. Parce qu'au fond tu savais que tu en avais besoin bien plus que n'importe quoi d'autre. Cela t'obsédait bien plus que tu ne voulais l'admettre.

Tu te rapproches alors de l'eau, rapidement, pour y rincer tes mains avant de les essuyer contre ton pantalon avant de repartir vers le château. « Bonne nuit, Fowley. » Peut-être était-ce bien la première fois que tu étais "poli" avec lui et qu'il n'y avait aucune mauvaise intention de cachée derrière tout ça, pas de provocation, rien. Juste, une simple salutation.