furieuses ♦︎ (mahault&arsene)

Les cours d’astronomie étaient d’ordinaire les cours que Mahault suivait avec l’attention la plus inégale ; pas par manque d’interêt sinon elle aurait abandonné la matière en entrant en sixième année, mais plutôt par difficulté –si le ciel et son immensité la fascinait autant qu’il la terrifiait, elle peinait à tout comprendre et devait redoubler d’efforts pour avoir des résultats convenables. Mais comme tout élève, elle avait aussi ses moments de décrochage, d’où ses notes irrégulières.
Pour une fois, elle s’était rendue en cours avec la ferme intention de le suivre et de le comprendre attentivement.
C’était sans compter sur la vipère qui n’avait de cesse de lui pourrir la vie depuis la rentrée –depuis que les rumeurs sur son compte s’étaient emballées et que la vérité sur son été agité s’était répandue comme une trainée de poudre dans les couloirs de Poudlard.
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Mahault n’avait pas vraiment vu qui exactement avait fragilisé sa chaise pour la faire tomber devant tout le monde au début du cours.
Mais elle savait exactement de qui venait la manigance et elle n’avait nullement besoin de preuves pour le prouver.

« Priest, espèce de chienne, je sais que c’est toi ! s’exclama-t-elle en se redressant, ignorant les ricanements moqueurs autour d’elle pour verrouiller son regard orageux sur la silhouette distinguée de sa pire ennemie. Tu peux pas aller t’acheter une vie avec tout ton fric au lieu d’pourrir la mienne, un jour ?! »

Le cours n’avait pas encore commencé que Mahault sentait son sang bouillir dans ses veines et réfrénait sérieusement l’envie de balancer quelque chose au visage de la vipère pour lui effacer son air supérieur et méprisant –la chaise qu’elle venait de lui casser par exemple ?

Il était de notoriété publique qu’entre Arsene et Mahault brûlait une haine mutuelle et irascible qui avait commencé quand la Serpentard avait décidé de faire de la Gryffondor la cible de nombre de mauvais coups, rumeurs crasses et méchancetés gratuites auxquelles cette dernière s’était fermement et bruyamment opposée au lieu de s’écraser. On ne s’étonnait même plus aujourd’hui dans leur promo de les voir se déchirer verbalement entre deux cours, et cette fois-ci ne faisait pas exception ; les autres élèves s’installaient tranquillement, ne prêtant pas attention à la dispute, ou tout du moins ne s’en mêlant pas –par désintérêt ou peur de l’éventuel courroux d’une des deux furies, qui sait.

« Arrête, tu te ridiculises. En plus ta voix me donne une de ces migraines. »

Et toi il suffit que tu me regardes de haut comme tu le fais toujours pour que mon sang se mette à bouillir dans mes veines.

« Puis j'ai pas besoin d'argent pour te pourrir la vie. D'ailleurs j'ai même pas besoin de la pourrir, elle est déjà moisie. Tu sais, moi, les déchets, je les préfère dans la poubelle que dans ma vie.
— Qu’est-ce que t’attends pour y plonger la tête la première avec tes deux pétasses, alors ? cracha-t-elle avec le même fiel qui suintait des jolies lèvres roses d’Arsene. Ça ferait des vacances à beaucoup de monde tu sais ? »

Mahault avait une opinion d’elle-même assez basse, quoiqu’on en dise. Mais elle était terriblement fière et craignait l’humiliation publique car elle n’avait jamais que son égo auquel se raccrocher dans les moments difficiles. Alors déterminée à ne pas laisser la vipère gagner cette manche, elle réajusta son sac sur son épaule, s’approcha du bureau d’Arsene d’un pas vif et menaçant avant de se planter devant elle et se pencher par-dessus le bois verni en y plaquant bruyamment ses deux mains.

« Maintenant t’es gentille, tes potes ont bien rigolé, c’étais sympa pendant un dixième de seconde mais tu vas virer de là puisque de toute évidence ma place n’est plus utilisable grâce à toi. Bouge. »

Elle n’allait pas hésiter à se servir de ses mains pour récupérer son dû s’il le fallait.

Arsene avait ce don terriblement énervant de pouvoir regarder les gens de haut même en étant cinq cent mètres plus bas, Mahault devait l’avouer. Il lui nécessitait probablement une estime d’elle-même frisant le ridicule et un dédain écœurant des autres pour y parvenir, et ces choses là, Mahault ne les avait pas –parce qu’elle avait beau avoir ses failles et ses défauts, au moins était-elle une personne à peu près équilibrée contrairement à d’autres.
Il y avait un petit quelque chose de différent cependant dans l’attitude de sa némésis cette fois là –il n’y avait aucun plaisir malsain dans ses yeux de glace, aucun sourire dégoulinant de fiel et de satisfaction perverse. Du mépris, de l’ennui, et encore du mépris.
C’était peut-être un détail insignifiant mais pour Mahault qui avait pris l’habitude de toujours analyser les faits et gestes d’Arsene pour tenter de prédire ses prochaines abjections à son encontre, rien n’était insignifiant avec elle.

« Maintenant tu vas me faire le plaisir de t'éloigner ton odeur me donne des hauts-le-cœur, résonna la voix lasse de la Serpentard qui lui jeta une oeillade dédaigneuse de haut en bas. Et je n'aimerais pas te faire l'honneur de te vomir dessus. »

Mahault ne répondit rien, et se contenta de lui offrir le sourire le plus hypocrite qui soit. Elle ne voulait qu’une chose, faire tomber Arsene de son trône imaginaire et si les mots ne savaient atteindre sa grosse tête trop dure, il y avait autre chose qui marcherait.
Elle donna donc un coup de pied si fort dans la chaise de sa meilleure ennemie que celle-ci, en glissant plus loin, se déroba de sous les fesses d’Arsene qui allèrent rencontrer le sol de la même façon que les siennes un peu plus tôt.
Mahault s’appuya sur le bureau pour admirer le spectacle qu’était Arsene Priest à terre et se fendit d’un ricanement narquois.

« Qui aurait cru que le sol t’irait si bien Priest ? L’air est-il plus respirable en bas ? »

Mahault aurait cru trouver plus de satisfaction à se voir faire chuter la reine des vipères de son piédestal d’arrogance ; mais il n’en n’était rien. Rien à part un sentiment latent de lassitude qu’elle tentait de combler avec la fierté d’être celle qui jamais n’aller plier face à Arsene.
Mais au fond, Mahault était fatiguée. Elle ne désirait qu’avoir la paix, mais on ne lui donnait que la guerre et il fallait bien défendre ses intérêts.
Le sourire qu’elle esquissa à la vue de son ennemie les fesses par terre n’avait rien de sincère –jubilation feinte qui servait plus à énerver la partie adverse qu’à vraiment exalter sa potentielle satisfaction. Mais l’instant ne dura pas longtemps avant qu’Arsene ne se relève pour bondir à sa gorge et l’attraper par le col avec une force que Mahault ne lui aurait pas forcément soupçonné.

« Rhodes tu oublies quelle est ta place dans ce monde, fit-elle d’un ton venimeux en rapprochant son visage du sien. »

Surprise par la vivacité de la Serpentard, Mahault n’eut pas le temps de se préparer à être poussée en arrière et se prit les pieds dans ceux de la chaise quelques pas plus loin ; à son tour, elle trébucha une seconde fois, et des rires fusaient déjà tout autour d’elles tandis qu’elle remarquait du coin de l’œil les téléphones fixés sur elles.
Et Arsene, de sa voix douce et mortelle, elle n’avait de cesse de lui répéter des choses qu’elle ne savait déjà que trop bien parce qu’on les lui avait dites toute sa vie.
Elle n’avait pas oublié sa place dans le monde ; elle ne l’avait juste jamais trouvé.

La mâchoire crispée et le sang bouillonnant, elle se releva et attrapa la première chose qui lui tombait sous la main –à savoir la chaise sur laquelle elle avait trébuché plus tôt– pour la lancer de toute ses forces en direction d’Arsene pour la pousser à esquiver et ne plus porter attention à elle pendant un instant.

« Et moi je me permet de te rappeler l’existence des pastilles à la menthe Priest, parce que putain t’en aurais bien besoin. »

Profitant du moment d’inattention de son adversaire, Mahault plaqua brusquement sa main contre le front d’Arsene avant d’appuyer avec une véritable passion contre sa tête pour la repousser en arrière à son tour.

« Tu te prends pour une reine mais tu sais plus marcher droit quand t’as personne à pourrir, elle siffla avec haine dans sa direction. J’suis bien contente de pas te ressembler parce que j’préférerait crever qu’être un sale parasite comme toi ! »

Elle espérait pouvoir se convaincre que contrairement à elle, elle pouvait véritablement être appréciée pour ce qu’elle était, sans avoir besoin de jouer les douces hypocrites pour avoir des amis.
Mais Mahault, elle avait toujours un peu de mal à croire qu’on veuille bien être son ami.

« Moi j’ai besoin de personne pour me sentir validée –c’était faux, mais elle ne s’en rendait même pas compte tant ses propres doutes étaient refoulés– ni de jouer les suceuses pour qu’on m’apprécie, on peut pas en dire pareil pour toi grosse conne ! »

Quelque chose avait changé dans le regard d’Arsene quand celle-ci se redressa ; ses manières fausses et arrogantes semblaient s’être dérobées pour laisser place à la véritable rage qui s’embrasait en elle –ironique de se dire que les deux jeune filles brûlaient d’une même colère. Elle commença à lancer ses livres de cours sur Mahault qui peinait à les esquiver ou les parer de son bras ; elle allait sûrement garder des bleus là où les épais ouvrages s’étaient écrasés.
Un rire inquiétant s’échappa de la gorge d’Arsene qui avait l’air de ne plus être elle-même –ou bien qui se laissait finalement l’être pour la première fois ?

« Complètement tarée, grinça Mahault entre ses dents en faisant un effort surhumain pour ne pas laisser ses mots acides l’atteindre. »

Mais Arsene savait frapper là où ça faisait mal, et chacun de ses mots ne faisaient que ronger plus encore la patience de la Gryffondor qui serrait les poings à s’en entamer les paumes avec ses ongles. Si Arsene continuait de l’ouvrir, elle allait la faire réellement sortir de ses gonds, et ça n’allait pas être beau à voir.
Un rictus acerbe déforma ses traits et un ricanement narquois fit écho au rire de son adversaire.

« Personne ne te respectera jamais. »

Ah,
Mahault sortait de ses gonds.

La mâchoire crispée, elle se donna un court instant pour fulminer et réfléchir à deux fois avant de faire ce qu’elle rêvait de faire depuis longtemps ; et elle se dit que la vie était trop courte pour se laisser marcher dessus de la sorte sans y grappiller un peu de plaisir au passage.

« Respecte un peu ça pour voir. »

Et sans prévenir, Mahault décocha son plus beau crochet du droit dans la mâchoire d’Arsene, avec l’espoir fou qu’elle ne s’en relèverait pas toute seule.

De tout ce bordel sans nom, Mahault était au moins fière d’une chose ; celle d’avoir suffisamment poussé Arsene Priest à bout pour qu’elle fasse tomber les masques d’elle-même. La supercherie de son caractère fabriqué pour la foule ne pouvait décemment pas tenir la route quand on la saurait capable de telles vices –pas de se jeter à corps perdu dans une bagarre au fond de la classe, mais plutôt des regards mauvais et des répliques acerbes dont elle avait fait preuve.
Si Mahault arrivait, avec cette bagarre, à effriter rien qu’un peu cette insupportable impunité dont elle jouissait grâce à ses manipulations, elle voulait bien se faire casser toutes les dents de devants.
Ça ne serait pas cher payé en comparaison à la jouissance de voir Arsene vaciller de son trône.

Le coup de genou dans son ventre la plia en deux, et la douleur fut si violente qu’elle en endormi aussitôt celle de son cuir chevelu que la Serpentard maltraitait en lui tirant les cheveux. Mahault fut prise d’une violente quinte de toux, au bord de la nausée, mais se fit violence et déglutit aussitôt pour s’empêcher de vomir. Elle saisi d’une poigne brutale le poignet d’Arsene pour lui faire lâcher prise, et sans se redresser, elle chargea une nouvelle fois contre elle pour la faire reculer contre le mur et ne plus lui laisser assez d’espace pour prendre de l’élan ou s’échapper. Elle se redressa ensuite subitement en sacrifiant son crâne déjà endolori pour assène un coup de boule spectaculaire au menton de la jeune fille en face d’elle.
Elle parvint sans trop savoir comment à se défaire de la prise d’Arsene –peut-être qu’elle y avait laissé une ou deux mèches de cheveux entre ses doigts mais elle n’y portait guère attention– et essoufflée, elle marqua une pause d’un instant pour reprendre un tant soi peu ses esprits avant de foncer dans le tas de nouveau.

Mahault était déchaînée, et si personne ne s’interposait pour l’arrêter, elle n’était pas sûre de pouvoir le faire d’elle-même si l’affrontement venait à déraper plus qu’il ne l’avait déjà fait…