[ANIMATION #8] PAPA NOEL SECRET LIVRAISONS

Des patins aux couleurs des quatre maisons, abandonnés sur la rive du lac. Sa surface glacée ne reflète ni la lune ni les étoiles. Recouverte d’une fine couche de neige créée par les allers et venues des patineurs rebelles, ayant préféré marquer la glace du lac de leurs arabesques sans queue ni tête, plutôt que celle de la grande patinoire annuelle de Poudlard. Les rives sont toujours calmes à la nuit tombée, Pandore ne s’inquiète pas. Elle resserre son écharpe autour de son cou afin d'échapper au vent glacé qui infiltre la moindre parcelle de vêtements et remonte lentement l'allée qui mène au château, faiblement éclairé en cette nuit de pleine lune. Les couloirs sont plus froids et silencieux que d’habitude, mais l’heure est tardive et le couvre-feu proche. Pandore descend les escaliers qui mènent aux sous-sols, aussi humides qu’à leur habitude, sans croiser âme qui vive. Pas un chat dans la salle commune, ce qui intrigue légèrement la jeune fille. Des parchemins à moitié recopié, des pots d’encre ouverts, abandonnés, des livres posés à même le sol comme si les Serpentards étaient aussi désordonnés et sauvages qu’une bande de lions pré pubères. Un doute léger mais insidieux au creux du ventre, Pandore parcourt les dortoirs à la recherche de sa sœur.
« Mae? »
Personne.

À l’autre bout du château, une mélodie lancinante résonne entre des murs vides. Zachary venait de débuter sa tournée nocturne lorsqu’il entendit le piano provenant de la salle du club de musique.
« Hé, il est bientôt 21h30, tu ne devrais pas être ici. »
La fille assise derrière le piano ne lui adresse même pas un regard. Zachary soupire devant le peu de respect que son insigne de préfet lui accorde. Elle ne l’a peut-être pas bien vu. Il contourne l’instrument pour se placer face à elle. Elle lève sur lui un regard froid et ses doigts s’immobilisent au-dessus des touches noires et blanches. Il ne bouge pas. Elle ne bouge pas. Il se demande si c’est une battle de regards.
« J’ai fini, répond finalement la fille en se levant.
─ Je te raccompagne jusqu’à la tour des Serdaigles », l’informe le préfet.
Elle lui lance un regard peu amène mais ne bronche pas. Le Gryffondor, de son côté, décide de ne pas se laisser impressionner par une fille qui se teint les cheveux en rose, même si elle a une attitude déroutante. L’ambiance glauque des couloirs vides n’aidant pas. Ce n’est qu’arrivé au pied de la tour qu’ils réalisent que quelque chose ne va pas.
« Les tableaux ont disparus », note maladroitement Zachary. En fait, ce ne sont pas les cadres à proprement parler qui ne sont plus là, mais leurs occupants. Il jette un regard à la Serdaigle, qui se contente d’observer autour d’elle d’un air concentré. « Y’a un truc qui va pas », marmonne le Rouge et Or. Il fait demi-tour et descend à tout va les étages. Linyao le suit avec une curiosité détachée. Au niveau de l’aile du personnel, ils croisent une élève de Serpentard.
« Greengrass, reconnaît Zachary. Qu’est-ce que tu fais ici? Où sont les autres?
─ Tu dis ça comme si leur disparition était de mon fait », remarque froidement Pandore. Puis, sur un ton plus détaché : « Je n’ai croisé absolument personne. » Le château était aussi calme que lors des Fêtes, quand tout le monde ou presque rentrait célébrer Noël dans sa famille. Le problème, c’était que les vacances ne commençaient que dans deux jours.
« Mae ne serait pas rentrée sans moi, marmonne Pandore.
─ Allons voir si on trouve un professeur », suggère Zachary. Il réalise à ce moment-là que Linyao l’a suivi et hausse les épaules. Vu la situation, c’est plutôt rassurant d’avoir ces deux-là sur ses talons.

« Professeur ? professeur ? » Ils frappent à plusieurs portes, sans obtenir de réponse. L’inquiétude se fait de plus en plus présente, même si aucun des membres du petit groupe n’accepte de l’exprimer. Chacun sa fierté. Après une dizaine de minutes, une porte claque dans leur dos et tous se retournent pour faire face à une figure sombre, haute et inquiétante dans la semi-obscurité du couloir.
« Bon, qu’est-ce que c’est que tout ce boucan? Vous savez qu’il y a des gens qui dorment, ici?
─ Professeur Brown! » Le soulagement est palpable, même s’il ne dure que quelques secondes. C’est Brown. Pas l’adulte le plus responsable et le plus utile de Poudlard. Au point où ils en sont, cependant… « Vous savez où sont passés les autres?
─ Les autres?
─ Nous n’avons croisé personne, précise Pandore.
─ Peut-être parce qu’il est l’heure de dormir? » avance Merlin, qui semble faire une fixation sur le sujet. Difficile de dire si ses cheveux en bataille sont le fait d’un réveil brutal et inopiné, ou d’un style capillaire inné.
« Les résidents des tableaux ont disparu. »
Le groupe se tourne vers Linyao, qui a parlé.
« Quoi?
─ Rien, rien… Professeur, vous savez ce qu’il se passe?
─ J’en ai aucune fichue idée, Bones. » Devant les trois regards appuyés de ses élèves, il semble se forcer à ajouter : « Mais j’imagine qu’on a pas d’autre choix que d’enquêter.
─ Sage décision, professeur », commente Pandore avec un léger sourire, cynique. Le petit groupe entreprend donc de visiter un à un les couloirs de l’étage, ses salles vides, avant de passer au niveau suivant. Alors qu’ils se dirigent vers le sixième étage pour accéder aux tours, et par là même aux salles communes des Aigles et des Lions, une forme translucide leur coupe la route sans même les remarquer.
« Attendez! » s’exclame Zachary en suivant le fantôme.
L’esprit se retourne, l’air ailleurs, avant de dire d’un ton morne:
« Mais qu’est-ce que vous faites ici, tous les quatre?
─ Qu’est-ce qu’on a l’air de faire? grommelle le préfet, agacé de tourner en rond depuis une heure.
─ Vous êtes très, très en retard, les informe le fantôme.
─ En retard pour…?
─ Suivez-moi. » Et il s’en va flotter en direction des escaliers. Le groupe se lance à la poursuite du fantôme, très rapide, quand ce dernier tourne au coin d’un mur et… disparaît à l’intérieur. Le professeur Brown lâche un énorme soupir. Évidemment, les fantômes de Poudlard oublient toujours ce détail. Il s’appuie contre le mur et sursaute presque aussitôt.
« Qu’est-ce qu’il y a, professeur?
─ Ces parois sont glacées.
─ Parce que ce château est vieux et mal isolé, commente Pandore.
─ Non, plus que d’habitude… Vous entendez ce bruit?
─ D’accord, c’est plus drôle… » Un petit rire aigu se répercute en écho dans le couloir mal éclairé. Le professeur Brown croise les bras. Il préférerait clairement se trouver dans son lit en cet instant.
« C’est flippant.
─ C’est une piste, objecte le Gryffondor, qui mène évidemment le groupe à sa suite.
─ Je me rappellerai de ton nom si tu nous fais tous tuer, Bones.
─ Ne soyez pas dramatique, Zheng. » La Serdaigle lève les yeux au ciel. Soudain Pandore s’arrête.
« Là ! Il y a quelqu’un dans ce tableau! » Les trois élèves et le professeur se rapprochent de la peinture en question. Elle représente une salle de banquet, avec en son centre un seul personnage. Il est avachi sur sa chaise et ronfle très fort. Zachary tapote sur la toile :
« Hep, réveillez-vous! Où sont passés les autres? » Question récurrente ce soir-là. Le petit bonhomme sursaute et glisse sur le côté. Il se relève à quatre pattes, très maladroitement.
« Il semble déboussolé, remarque Pandore, mais Zachary ricane :
─ Nope. Il est bourré!
─ Hic! Quechikichpasse?
─ À vous de nous le dire, répond Linyao, agacée. Qu’est-ce que vous faites ici et pourquoi tous les occupants des tableaux ont disparu?
─ Y z’ont pas – hic – dichparu, y chont… y chont pas là, ch’tout.
─ Où sont-ils?
─ À votre avis? Nuit du 19 au 20 déchembre », précise le petit bonhomme complètement ivre. Il a l’air extrêmement satisfait de lui-même. « Ch’est plus d’mon âge, ches bêtises. Hic!
─ Il va falloir être plus précis que ça », rétorque Merlin, mais l’occupant du tableau s’est déjà rendormi – le nez dans une assiette de pudding. Le professeur soupire.
« Il se passe quelque chose de particulier, la nuit du 19 au 20? » demande Zachary.
« La nuit du… » Le regard du professeur Brown se voile. « Euh. Peut-être.
─ Peut-être?
─ Il est possible que quelqu’un ait mentionné cette date récemment… mais que je n’aie absolument pas écouté ce dont il s’agissait. »
Les élèves soupirent de concert.
« Bon, le type avait l’air complètement caisse, on peut supposer qu’il a bu quelque part… dans le château peut-être ?
─ Vous croyez qu’il y a une fête? À laquelle on ne serait pas invités ? suggère Pandore.
─ Peut-être la fête de fin d’année du personnel?
─ Je serais au courant.
─ Euh, on sait jamais, professeur… » Merlin s’apprêtait peut-être à remettre Brown à sa place, quand un nouveau rire, aigu et tout à fait éthéré, retentit au fond du couloir. Les élèves et le professeur échangent un dialogue muet, avant de se précipiter à sa suite. En suivant les échos de cette voix, ils parviennent au septième étage, devant un couloir bien particulier… Un vague son de basse fait trembler les murs.

« Oh. La salle sur demande, mais bien sûr, s’exclame Brown, ça me revient maintenant. » Sans attendre l’avis des trois autres, il pousse la porte. Ils se retrouvent instantanément entourés de lumières bleues et de musique baroque revisitée façon vieux rock. Des dizaines et des dizaines de fantômes s’avèrent être à l’origine de la lueur de la salle. Les trois élèves entrent prudemment. Tout autour d’eux, sur les murs, les occupants de tous les tableaux de Poudlard se pressent contre des cadres trop petits, des verres de vin et de champagne à la main. Même la Grosse Dame est là. Elle salue joyeusement Zachary de sa voix de soprano.
« C’est quoi cette fête?
─ L’anniversaire de… » Le professeur Brown cherche ses mots « Ouais, j’ai oublié, mais c’est l’anniversaire de l’un d’eux. » Il fait un signe vague en direction des fantômes. Qui se distinguent très clairement entre une foule de personnes bien vivantes: le personnel de Poudlard, ainsi que…
« Je le crois pas, y’a tout Serpentard qui est invité! » s’insurge Zachary. « Greengrass, t'étais au courant?
─ Absolument pas. J'imagine qu'ils ont été prévenus au dernier moment. Si vous voulez bien m'excuser… » Pandore quitte leur groupe pour partir à la recherche de sa jumelle. Linyao semble raser les murs. Un fantôme très guindé s’approche d’eux:
« Bonsoir, êtes-vous sur la liste?
─ La liste?
─ Les invités, êtes-vous sur la liste des invités? Ah, professeur Brown, ravi que vous ayez pu venir.
─ Euh… ouais, ouais. » Zachary lui donne un coup de coude. « Dites, on fête quoi déjà?
─ Les 150 ans de Sir Charles-Albert Rosier, évidemment!
─ Évidemment, répète Brown, avant d’hausser les épaules pour le Gryffondor: Qu’est-ce que j’en sais, moi? Je le connais pas, ce Charles-Albert…
─ C’est un illustre membre de notre clique fantomesque, répond l’esprit guindé. Un de mes cousins au second degré, si je puis m’en vanter. Très brillant élève de Serpentard en son temps!
─ Ce qui explique qu’ils soient tous invités, et pas nous », marmonne Zachary. Merlin se glisse sur le côté :
« Je vous laisse, je vois Blane qui me fait des signaux de détresse. » Il s’éclipse avant que Zachary ait pu dire quoi que ce soit. Le Gryffondor hausse les épaules et se dirige vers le buffet. Il y a des plats translucides, ce qui est très étrange, mais aussi des petits fours pour les vivants.
« Je ne mangerai pas ça, si j’étais vous. » La Grosse Dame a poussé tout une ribambelle de jeunes filles avec des fleurs pour se glisser dans un cadre au-dessus de Zachary. Les filles poussent des petits cris outrés, bientôt étouffés par la voix de la dame du tableau de Gryffondor: « C’est Andersem qui les a amenés. » Zachary repose le petit four aussitôt. Il jette un œil à la salle remplie d’adultes et de Serpentards et s’accoude contre le buffet.
« Et sinon, vous venez souvent par ici? »
Cette nuit n’avait pas finie d’être étrange.