tear drops // Vega

Arya était la douceur incarnée. Mais tu avais l'impression d'être parfois un des seuls à percevoir cette dualité en elle. Cette part d'ombre qui la rongeait de l'intérieur. Elle avait trop souffert cette petite, on l'avait trop abandonné. Et quand tu la regardais tu te voyais petit, quand on t'a arraché à cette mère malade, quand on t'a entrainé loin de cette folie alors que tu ne voulais qu'être aimé et pouvoir aimer.
De toutes les personnes dans cette école que tu méprisais, tu ne pourrais jamais juger Arya Strauss pour avoir été oubliée.

— « Aucun problème. »

C'est tout ce que vous aviez échangé dans le couloir. Tu avais lâché son bras au bout d'une couloir, une fois que vous fûtes sortis du champ de vision de Fowley.
Une fois à table, tu allas direct la rejoindre après avoir prévenu Borea d'un signe de main - comme quoi tu ne mangerais pas à la table des gryffondors - et tu t'assis à côté d'Arya.
C'était étrange, car vos dernières discussions concernaient Lukas. Et le souvenir de ton ami, le manque tu éprouvais malgré toi sur son absence, te sapa directement le moral.

— « Oui, c'est vrai. Je suis désolé si j'ai pu avoir l'air occupé. Il faut dire que j'ai eu pas mal d'emmerdes. »

Le fait que Soleil l'apprenne et que Borea décide de se repointer le soir d'Halloween sans te prévenir. C'était n'importe quoi.
Lola avait explosé et votre groupe aussi.
En fait, plus rien n'était comme avant. Il n'y avait plus de bande, ni avec Arya, ni avec Borea. La rancoeur avait gangrené les liens. Et les absences (morts) avaient disloqué les coeurs.

— « C'est vrai... Tu l'as appris comment ? A son retour surprise je suppose. Je sais que je ne t'en est pas parlé. J'en ai parlé à personne en fait, sous promesse. Et au fond de moi j'avais peut-être peur que ... que toi aussi tu me regardes comme un monstre. »

Même si tu te doutais fortement que ce n'était pas le genre d'Arya, tout comme elle, tu avais été surpris par les réactions excessives que cela avait pu provoquer. La peur et la rancoeur, marionnettistes de la violence.

Arya était différente de toutes. Oh, elle l'était sûrement pour plusieurs garçons. Elle l'avait été pour Floyd, pour monsieur Pendragon, sûrement pour Fowley qui pavanait d'une torpeur à pleurer... Et elle l'était pour toi. L'amour à son égard était d'un maigre platonisme, car il ne pourrait jamais en être autrement. Mais elle avait réussi sans aucun effort à creuser son trou dans ton coeur de pierre. A croire que les places étaient chères. Et beaucoup trop de filles avaient trouvé grâce à tes yeux. Malheur.

— « Haha... Ce stupide mensonge m'aura au final surtout desservi. Lola m'en a voulu et même le préfet en chef des Serdaigle est venu la ramener et me faire la morale. A croire que j'ai commis la pire des atrocités en sauvant sa vie. »

Tu essayais tout de même de faire preuve de dérision. C'était souvent ce qu'il manquait aux bad boys de ton époque.
Tes yeux s'ouvrent délicatement sur elle alors que tu redresses le menton. Tu t'attardes un instant sur le battement de ses cils démesurées, descendant pour admirer le creux esthétique de ses pommettes à peine rosées.
Et c'est finalement sa réponse qu'elle murmure comme un aveu qui te réchauffe la première fois le coeur depuis maintenant des semaines.
Tu étais un monstre, Vega.
Mais pas à ses yeux, et c'était le plus bas.

— « Arya... Je ne serais jamais non plus celui qui t'aura sauvé des ténèbres dans lequel tu t'enfonces depuis maintenant des années. »

Tu le savais, qu'il lui fallait cette personnage sage qui pourrait cependant faire plus que l'écouter. Plus qu'une épaule sur qui elle pouvait se poser. Est-ce que Fowley serait cette énième tentative désespérée ?

— « Qu'est-ce qu'il se passe Arya ? Est-ce toujours lui que tu vois en fermant les yeux ou encore un autre s'est ajouté à la liste de ceux que je dois éclater contre un mur sur mon passage ? »

Tu pensais évidemment à Pendragon. Lindberg n'était plus vraiment ton ami depuis un moment. Vous vous tolériez mais tu avais du choisir un camp. La mort t'avait rendu sanguin. Et leur vie pompeuse et brusque t'avait rendu rancunier.
Tu fixes ton assiette qui vient de se remplir par magie, et tu observes avec dédain son contenu avant de recentrer ta focal sur le visage amer de ton amie.

— « Tu devrais manger. »

Un conseil vide pour ne pas laisser le silence vous remplir.

Le récit d'Arya était douloureux. Même pour toi.
Tu n'avais jamais couru après l'amour Vega, au contraire. Tu avais toujours fui, rejeté, disparu, comme tous les chevaliers d'Arya qui sont partis. Jusqu'à ce que tu rencontres Lola, et que son impertinence et ses lèvres goût fraise t'obligent à rester.
Est-ce que ces hommes s'étaient forcé ? Au delà de leurs capacités ? Tu ne saurais jamais répondre à cette question.

Quand elle énonce le prénom de Floyd, tu fronces les sourcils. Tu avais longtemps été témoin de cette relation toxique qui les détruisaient. Mais surtout elle, car Floyd va toujours très bien. Même s'il pourrissait de lui même, il irait très bien.
Et l'ancien professeur d'astronomie, tu n'avais jamais su quoi en penser. Pour toi l'amour était si abstrait qu'il n'avait pas d'âges. Mais devant cet abandon encore plus lâche que tous les autres, tu te demandes si Arya n'était pas le prix d'un fantasme qu'il a du payer bien plus tôt que prévu.

Tu n'arrives même pas à répondre.
Tu écoutes.

Tu avais entendu parler d'un garçon, un beau blond qui ressemblait à Pendragon, qui l'avait emmené soulager sa peine à l'autre bout du monde. Très bien, parfait. Mais pourquoi fuir avant que la mission ne soit terminé ? Est-ce que tout ces hommes voyaient en Arya l'épreuve divine de la sauver ? De sa dépression, de sa dépendance, de sa déchéance... Et quand finalement quand cela se révéla trop dur...
Tu serres les poings.
Chase.
Est-ce qu'il faudrait lui donner une chance ou ton amie sera encore à ramasser à la petite cuillère ? Tu hésites, mais tu voudrais y croire si Arya y croit.

— « Arya... »

Non pas par instinct - loin de là - tu approches maladroitement et la prend dans tes bras. Son odeur se colle à tes mèches funèbres.

— « Tu es là. Tu es avec moi. Je sais qu'ils te hantent et que tu en rêveras jusqu'à ce qu'un autre vienne les balayer d'un revers de main. »

Je suis là - paraissait insignifiant comme réconfort, auxiliaire. Comme si tu avais peur de ne pas être celui qu'il fallait. Mais parfois l'amitié pouvait triompher sur ces amours maudits et impurs.

— « On dit toujours que la morsure vous réveille. Ce n'est pas un rêve, Strauss. Ce n'est pas un rêve. Je serais là désormais, pour châtier le prochain incapable d'honorer sa promesse. »