virtuose ((ft. Huyana))

L’univers semblait s’être décidé à empêcher Huyana de s’isoler ce jour-là. Que ce soit dans sa chambre, au bord du lac noir, ou dans n’importe quel autre de ses repères habituels pour échapper l’ébullition de vie de Poudlard, tout était trop occupé à son goût. Elle avait même songé aux toits de l’école, mais en pleine journée c’était un peu risqué.
Elle avait donc erré dans les couloirs, à la recherche d’une salle, d’un couloir, d’un placard à balais même, qui ne soit pas déjà grouillant de monde, mais en vain, et ce jusqu’au sixième étage –elle avait du mal à croire qu’elle ai dû grimper tant d’escaliers pour avoir un peu de paix.

L’inscription sur la porte indiquait qu’elle se trouvait désormais devant l’Auditorium –havre de quelques clubs de l’école dont elle ne faisait pas partie. À cette heure-ci, il devait être vide, elle espérait. Elle posa donc la main sur la poignée et poussa la porte –et malheur, quelqu’un s’y trouvait déjà. Dans une mince grimace de frustration, la jeune femme allait pour refermer la porte quand elle reconnu la silhouette assise au piano au fond de la salle, trop occupé à faire chanter les touches d’ivoire pour remarquer sa présence.
Huyana ne savait pas que Bellamy savait si bien en jouer.

Comme happée par la mélodie, elle ne put s’empêcher de s’inviter, se faisant assez discrète pour ne pas briser la magie de ce moment en l’interrompant par surprise, et elle referma la porte sans un bruit avant de s’y appuyer comme pour mettre le plus de distance possible entre elle et le musicien –l’admirer de loin sans envahir son espace ; délicate dans son impolitesse.
Il y avait quelque chose de fascinant dans sa façon de jouer –il était comme pris d’un accès de folie, comme si la musique le pénétrait par tous les pores de la peau pour prendre possession de son corps. C’était à la fois superbe et effrayant.
Huyana n’avait jamais vécu ça, cette transe qui peut saisir un individu qui se plonge tout entier dans une de ses passions. Elle aimait beaucoup de chose, mais rien ne l’enflammait suffisamment pour ressentir aussi fort et s’élever au delà du corps et de l’esprit comme Bellamy semblait le faire en cet instant précis.

Elle ne savait pas vraiment si c’était la mélodie ou ces interrogations qui lui pincèrent le cœur ; une espèce de mélancolie étrange s’était emparée d’elle, si bien qu’elle mit un instant à réaliser que le jeune homme s’était brusquement arrêté de jouer.

« Oh…Bonjour Bellamy, fit-elle avec un sourire poli. »

Elle chassa ses pensées trop intrusives en espérant que cela suffirait à faire partir la sensation de gorge serrée qui l’avait envahie et s’approcha silencieusement du piano à queue.

« J’ai une heure de libre, je cherchais un coin isolé pour réviser mais impossible d’être toute seule aujourd’hui, j’ai dû grimper jusqu’ici ! »

Elle laissa son regard courir sur l’instrument que Bellamy venait de refermer et le souvenir de l’enchaînement de note l’aurait presque fait frissonner.

« Excuse-moi de t’avoir surpris, je voulais repartir mais c’était très joli ce que tu jouais… Elle leva les yeux vers lui en haussant les épaules. Je ne savais pas que tu étais aussi doué au piano ! »

Huyana était surprise que le jeune homme n’ai jamais mentionné un talent pareil ; en même temps elle reconnaissait ne lui avoir jamais vraiment demandé. Elle comprenait le besoin que l’on pouvait ressentir de garder certaines choses pour soi, les cultiver discrètement dans son jardin secret avant d’être suffisamment prêt pour les révéler au grand jour –ou pas, si on préférait que ça en reste là.

« Pour être franc, tu fais maintenant partie des rares personnes à le savoir.
— Pardon, fit-elle en levant les yeux vers son regard perçant. Si tu voulais garder ça pour toi… »

Bellamy semblait nerveux, un peu agité, mais il ne lui demandait pas de partir alors Huyana ne bougea pas de l’endroit où elle se tenait malgré tout.

« Tu joue d’un instrument ?
— De plusieurs oui, elle répondit nonchalamment en haussant les épaules. Mais pas comme toi. »

Elle eu l’impression qu’il lui fallait préciser un peu plus sa pensée et un rire léger vibra dans sa gorge avant qu’elle n’enchaîne.

« C’est pas vraiment une passion je veux dire. Chez moi la musique est quelque chose de très social alors tout le monde sait jouer d’au moins un instrument ou chanter. J’aime beaucoup les soirs de fêtes où on se réunis pour jouer tous ensemble mais faire de la musique toute seule, juste pour ce qu’elle est ne m’intéresse pas tant que ça. »

Un petit sourire vint se nicher au coin de ses lèvres.

« En tout cas tu joues très bien, je suis impressionnée. »

Huyana ne savait plus trop quoi faire désormais –était-il préférable qu’elle le laisse tranquille et aille réviser ailleurs ? Elle craignait de rater toute son heure de libre à force d’arpenter tout le chateau pour trouver un coin tranquille, mais d’un autre côté, elle ne voulait pas lui imposer sa présence s’il n’en voulait pas.
Elle fut surprise qu’il lui propose en premier de quitter les lieux.

« Oh non ça ne me gêne pas, répondit-elle en secouant la tête. Je peux me faire toute petite dans un coin de la pièce pour réviser si ça ne te dérange pas non plus ! Sinon tant pis j’irais autre part... »