[EVENT#7] Groupe 1 — Zohra, Charlie, Cecily, Romeo, Shion (#WAKANDA FOREVER)

Aux menaces de Romeo, Charlie se posa la question : qu’est-ce qu’un tableau pourrait bien leur faire de toute façon. Leur tomber dessus ? Il n’avait pas vraiment envie d’avoir affaire au corps enseignant de Uagadou (ou même aux Avery) pour avoir endommagé une toile ancestrale. Qu’aurait-il pu faire d’autre ? Envoyer un expeliarmus avec son troisième œil ? Charlie y réfléchissait un peu trop. De toute façon il s’était rendormi et le ton guttural de sa voix lointaine avait cessé de résonner contre les alambics cuivrés.
Zohra était impressionnante, et il suivit son regard qui le porta là où s’était posté un peu plus tôt. Maintenant qu’elle le disait, le cadre doré faisait exactement la même taille que l’encadrement de la petite fenêtre. Il ne put s’empêcher de se demander si elle avait dit ça en connaissance de cause. Combien de fois avait-elle déjà foulé les tomettes embrumées de cette pièce ? Pourtant ça avait l'air d'être la première fois qu'elle s'adressait au portrait. Il avait l’impression que tout allait très vite.
Sa main se défit de la petite épaule de Cecily mais il ne bougea pas de ses côtés.

C’est Shion qui se chargea de déplacer Mondingus (le bruit de la lunette cessa alors). En regardant l’arrière grisâtre et incrustée de poussière de l’oeuvre, une ligne se creusa entre ses sourcils lorsqu’il les fronça. « Tu es sûr que c’est dans ce sens là qu’il faut le mettre ? » En vérité il n’en savait rien, mais au moins : l’horizon était cachée.
Le soleil aussi. Soudain il fit plus sombre dans le grenier d’astronomie, où la seule source de clarté coulait du bout de la baguette de son amie. Il décida donc de la rejoindre, saisissant la sienne depuis sa poche. « Lumos. »

Il y eut ces quelques secondes de plénitude parfaite ; Zohra avait levé un bras gracile vers la plume et les limites de sa peau s’étaient doucement fondues dans sa lumière liquide. La brume étouffait à peine les reflets qui se pressaient de toute part, qui couraient entre les cristaux de roche et les miroir de divination et c’était comme si, comme tous leurs regards, ils étaient tournés vers elle, seulement elle. Tout était en ordre.
Jusqu’au craquement qui résonna dans sa tête avec l’intensité de tonnerre, et soudain tout était devenu froid.
C’était insidieux, ça se glissait sous sa peau comme un insecte jusqu’à s’immiscer dans sa tête pour hurler et pendant un instant Charles eut l’impression de perdre l’équilibre. Lorsque ses pensées formèrent six lettres (Cecily !) et qu’il passa son bras autour de ses épaules pour l’amener contre lui, il s’était autant précipité dans un instinct protecteur que pour trouver une ancre à ses propres tremblements.
Ca lui faisait peur, quelqu’un était entré dans sa tête et il avait envie de vomir.

D’abord, ce fut Zohra. Zohra qui avait été si belle, si régale se trouvait humiliée, une plume sombre au creux de la main. Charlie n’en pensa rien - pas même pour Shion, pourtant. Pourtant il savait que chaque mot resterait inscrit en lui.
Au tour de Cecily, il repris conscience de son corps qu’il avait niché contre le sien dans une tentative vaine et ses doigts se resserrèrent sur son bras, peut-être un peu trop fortement. Il la relâcha bien vite. Le rire qui éclata dans ses tempes hanterait ses songes éveillés ou endormis.
Il se rendit compte qu’il avait attendu son tour. Dans son « et moi ? »  se trouvait des traces de sa propre voix et il aurait pu s’enfuir comme un lâche sous la menace - si ça n’avait pas été pour Romeo.
Romeo, dont le silence se faisait plus lourd à chaque seconde. Romeo dont le visage revint bientôt avec la lumière revint, accompagné d’un fracas (et de la voix de Shion que, pour une fois, il ignora.)
Ils se connaissaient depuis longtemps, Charlie et Romeo. Bien sûr, il y avait encore des secrets. Bien sûr, il restait des douleurs en suspens, des relents et des non-dits mais ce n’était pas grave. Ils en partageaient aussi. Ça leur était suffisant et c’était bien comme ça et quelqu’un d’autre avait tout vu. Tout.

« Rom ? »

Il était si silencieux.
Ce fut bien assez pour que Charles s’empare de la petite main de sa protégée pour s’avancer vers son meilleur ami, sa baguette maintenant éteinte, et dans son timbre toute pondération avait été oubliée. « Romeo ? »

Le téléphone à plat contre la paume de sa main, Charlie avait du mal à savoir ce qu’il ressentait. Lorsque la vidéo s’acheva et que l’écran devint noir de nouveau, il resta quelques secondes à le fixer, les lèvres légèrement entrouvertes sur son souffle amoindri.
C’était grotesque. La silhouette aux plumes noires lui semblait venue tout droit d’une farce - une mauvaise blague dont l'écho résonnait encore dans sa tête. Comme si elle faisait partie de lui, maintenant. Il l’entendait si bien, si clairement que la caricature n’avait d’aspect que celui d’un mauvais rêve.

Plus que Zohra, c’est Shion qui le tira de ses songes. Charlie lui ne se trouvait pas une telle voix (elle était prisonnière de sa cage thoracique glacée.)
Il prit une grande inspiration pour disperser le nuage de panique qui faisait trembler sa vision et remit son téléphone dans sa poche. Les mots soucieux de son aîné l’avaient étrangement aidés à garder les pieds sur terre.

« En espérant que le portail soit toujours en état de marche. On sait pas ce que c’était, cette explosion. » Et Charlie n’avait pas vraiment envie de rester dans la tour la plus haute de l’école pour cette même raison.
Les lèvres serrées, il poursuivit. « On peut pas rester dans ce grenier, on est à l’abris nulle part de toute façon. Ce type, il- » A ce moment là seulement il comprit à quoi il avait affaire. « Il peut rentrer dans nos têtes. » Si ça devait recommencer, il autant que ce soit à Poudlard plutôt qu'ici.
Tout ce discours lui paraissait surréel. Mais Lily, juste à côté de lui, et Romeo l’étaient aussi. Tout comme cette menace.
Peut-être qu’il avait le cœur froid après ce coup de théâtre. Peut-être que le ton angoissé de Shion prit un chemin traître, la mauvaise pente, mais il repensa à la seule personne pour qui la voix avait réservé des secrets.
Romeo ne lui avait pas répondu, et il avait l’estomac rempli de ciment.