Qui est là ? (libre)

De base, Enoch avait prévu de rester quelques instants à la bibliothèque. Juste quelques instants. Histoire de finir ses recherches pour le cours de potions, de gratouiller quelques parchemins (parce que c’est quand même vachement plus classe que du papier blanc). Et puis son esprit avait été distrait par des camarades à la table d’à côté. “Alohomora”, “Oculus reparo” … et ce fichu bout de bois qui trônait près d’eux. Enoch avait serré les dents. Pourquoi fallait-il que ce petit groupe vienne travailler sa sorcellerie près de lui ? Le gamin avait tenté de se concentrer, de se plonger dans de nouveaux bouquins, serrant son amulette dans sa poche jusqu’à s’imprimer les motifs dans la paume.

Bref, de fil en aiguille, Enoch avait finit tous ses devoirs pour évacuer sa rage et compenser sa tare. Et il avait enchaîné avec sa quête éternelle : le vaccin anti-cracmol. Le Gryffondor n’avait pas de plan précis pour obtenir ce graal, et petit à petit l’idée de le recréer plutôt que le dérober avait germé dans sa petite tête. C’est donc ainsi qu’Enoch s’était retrouvé enfermé dans une forteresse de bouquins en tout genre, tous empilés avec soin et méthode. C’est précieux, un livre. “... peut-être qu’en partant en médicomagie … mais ce serait long. Trop long. Et puis j’ignore si les gens de ma condition sont acceptés.”, voilà maintenant le sujet de son orientation, Enoch grimaça. Son visage des plus disgracieux devait offrir un bien piètre spectacle. Et finalement, il s’autorisa une petite pause. Le gamin laissa toutes ses affaires sur place, et partit se chercher quelques friandises, pour le moral.

Quand il revint, il tomba nez à nez avec “Red Shark”, dixit le bibliothécaire flippant à souhait. Enoch avait pas encore eu l’occasion de se frotter à ce type en quatre ans de scolarité, mais son apparence suffisait à le rebuter. Alors qu’il n’était pas mal dans son genre, lui aussi. Il semblait contrarié. “Bonsoir monsieur. Mes affaires sont là-bas, je retourne à mes recherches.” et salut. Enoch n’a pas vu l’heure, Enoch continue de persévérer dans sa voie. Et Enoch va sûrement se prendre le ciel sur la tête à voler trop près du soleil, sans chercher à respecter les horaires.

Décidément, le monde semblait dressé contre Enoch et ses progressions ! Il s’était rapidement replongé dans ses lectures, quand le bibliothécaire aux dents acérées vint le déranger. Enoch avait d’abord pensé à l’ignorer. Puis à lui faire peur. Mais effrayer un type pareil semblait bien trop complexe. Avec une dentition pareille c’était sûrement un vampire, ou pire une goule. Laissait-on les goules enseigner à Poudlard ? Après tout il y avait bien des enseignants sortant d’Azkaban, on pouvait s’attendre à tout. Il réfléchit un instant. Emprunter les livres … le Gryffondor jeta un oeil à tous les manuels entassés, estima de combien d’entre eux il aurait besoin, jaugea l’amplitude de son sac … À moins qu’on ne lui prête une brouette, ça semblait compliqué de tout ramener. Et de tout stocker dans sa chambre.

Enoch grommela, pesta dans sa barbe, tout en rangeant ses affaires. Tant pis, il viendrait remettre le bordel demain, et après demain, et encore après. Jusqu’à trouver la solution miracle ! Et le bibliothécaire n’y pourrait rien ! Il aurait pu se contenter de quelques exemplaires, se focaliser sur une partie bien précise de ses théories … mais où aurait-il pu étudier tout ça ? Dans la salle commune des Gryffondor ? Impossible de se concentrer avec tout le chahut ambiant. Dans la Grande Salle ? Et foutre de la sauce partout sur les pages, puis quoi encore ? Enoch s’était relevé, et se stoppa net. Parce qu’en plus il devait aider ?! Pourtant il n’avait pas été puni, si ? A moins qu’on ne lui demande simplement de ranger son propre bordel ? Ou alors on comptait sur son sens de la charité.

Le Gryffondor croisa les bras, essayant d’estimer si le bibliothécaire plaisantait. Apparemment pas. Il était tard, il avait faim. Il allait rater le repas s’il traînait trop. En un sens, l’intervention du requin rouge lui avait épargné une nuit de gargouillements. Il tenta de négocier. “Je pourrais oui …” du chantage ? Enoch tu t’abaisses à ça ? “Mais du coup je risquerai de louper le dîner, j’y perdrai beaucoup. Peut-être que je pourrais rester plus longtemps en compensation ? Ça fait beaucoup de manuels à emporter. Trop.” il désigna sa table encombrée. Si le bibliothécaire acceptait, il pourrait toujours s’éclipser en douce chercher de quoi manger et revenir sur ses travaux dans le calme des rayonnages.