Edwyn a beaucoup plus de courage qu'elle, beaucoup plus de mérite. Parce qu'il a beau le lui dire, c'est trop difficile. Elle n'est pas capable de tourner les pages aussi facilement, de passer à autre chose en se disant que « ce n'est pas grave » que « demain est un autre jour ». Parce que aimer, ce n'est pas simple, il faut des sentiments, le temps de les créer et encore du temps pour les faire disparaître en cas d'échec. Elle se pince les lèvres, passe ses doigts dans sa frange pour tirer dessus et cacher son regard. Elle lui murmure sans grande conviction, juste pour ne pas faire honte aux efforts qu'il met et qu'elle est incapable de fournir.
« Je... vais faire de mon mieux. »
Tomber sept fois, se relever huit fois. Et quand on est au bout du précipice ? En équilibre sur un pied, piégée par des mensonges, peut-on vraiment se laisser tomber au risque de tout perdre ? S'abandonner dans l'illusion d'un amour éphémère, être heureuse un jour puis, chuter le lendemain ? Est-ce aussi simple ? Elle n'y arrive pas. Elle est bloquée dans un schéma plus compliqué. Dans la pureté des émotions qu'elle ressent. Alors qu'une chute mène souvent vers le plus grand des bonheurs.
« Je ne pense pas qu'aimer soit aussi simple. Parce que, l'amour est précieux non ? Mais... Je te promet que si cela arrive, je m'accrocherai... Au moins, je ne fuirai pas. »
Elle lui chuchote, parvient un petit sourire. C'est le minimum qu'elle peut faire. Une promesse pour se convaincre elle-même qu'elle peut aller de l'avant, à son rythme. C'est peu mais déjà mieux que de baisser les bras. Elle le fixe, hausse les sourcils, rit encore contre sa main et rajoute à sa suite :
« Je pensais que le rôle d'un parent était de protéger son enfant ? »
De chérir sa progéniture, de lui apprendre la vie sous toutes ses coutures, sans épargner de détails pour la préparer au monde. De l'aider à avancer sans pour autant tout lui donner car l'enfant doit apprendre mais surtout mériter ce qu'il désire. D'être à son écoute dans les moments difficiles, de veiller à ce qu'elle aille au bout de ses projets avant de s'éteindre une fois ce rôle rempli. C'est ce qu'elle pense. Être embarrassant, c'est sûrement quelque chose de naturel pour un adulte. Sa mère l'a souvent fait en parlant de sujets que Ene trouvait trop personnels. Sans s'en rendre compte. Et le schéma serait sûrement le même, dans quelques années.
Ils reviennent inexorablement sur ce sujet. Cette menace. Et tout ce qu'elle peut faire est de sourire, inquiète.
« Ne... prends pas trop de risques Edwyn. Je ne doute pas de tes inventions mais... Si c'est possible je préférai te protéger que de te voir blessé. »
Alors qu'elle fait un mètre cinquante six, qu'elle n'a pas les épaules solides et s'envolerait avec le vent. Pourtant, elle tient à ses proches, elle est faible mais elle veut faire barrage. Éviter le pire. Tout en l'étant à moitié. Quelle ironie.
Son regard turquoise est attiré par la fiole, elle l'écoute et pouffe de rire. Être un homme ? Drôle d'idée. Et elle est sûre que s'il lui demande c'est qu'il a déjà pensé à être une femme. Jouer le jeu ou refuser ? Ce qui fait pencher la balance est encore une fois la curiosité qu'elle possède.
« Si c'est sans risque... Je pourrai essayer... Ce serait... intéressant ! »
Elle trahit sans peine l'impatience et l'excitation que cette transformation pourrait avoir sur elle. Peut-être qu'elle serait plus grande que lui ! Rien que la pensée de prendre les autres de haut la force à s'approcher. Juste pour rire. Elle n'a rien à perdre exceptées ses courbes de femme. Pour quelques heures tout au plus. Elle lui adresse un sourire légèrement amusé.
« Satisfaite ou remboursée ? »
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Pauvre Ene, qui semblait toute intimidée par son insistance. Il en faisait peut-être trop ? Quoi qu'il en soit, il avait un dernier mot à placer qui tempèrerait un peu ses affirmations précédentes.
Ne le fais pas pour moi, fais le pour toi. Et seulement si tu en as envie. C'est ta vie, après tout.
Il n'allait pas la forcer si elle ne le voulait pas. Tout ce qu'il voulait, c'était lui donner une autre vision des choses. Une perspective qui l'aiderait peut-être. Quant à l'amour, c'était une chose bien compliquée. On pensait l'avoir trouvé, on le trouvait parfois, on le perdait aussi. Puis, alors qu'on croyait ne plus pouvoir aimer personne comme ça, un jour, l'impensable arrivait et on retombait amoureux. Parfois plus intensément que la fois d'avant.
Oui, bien sûr. Il faut veiller sur eux, mais les embarrasser est un aspect plus drôle de la chose, tu ne trouves pas ?
Leur mère se chargerait de le rappeler à l'ordre, s'il était trop taquin, mais juste un peu, ça devrait aller. Puis, avec lui, ils ne risqueraient rien. S'il pouvait protéger leur monde, il pouvait protéger deux ou trois enfants.
Je vais gagner, Ene. Comme à chaque fois. Et je n'étais pas aussi bien préparé, les autres fois...
Il se souvient de ce village nordique dont il a oublié le nom, peut-être pour une raison qui ne dépend pas de la nature, peut-être pour chasser le traumatisme. Et pourtant, il avait toujours le souvenir de cette nuit à Chicago où il courrait pour sa vie, évitant les éclairs émeraude du sortilège de mort. Comme gravé à jamais dans ses cauchemars. Il accepte le changement de sujet comme un souffle d'air frais par une journée caniculaire. La fiole est bien vite offerte.
Je ne vends rien sans le tester d'abord. Celle-ci, je te l'offre. Sers-t'en quand tu voudras.
Lui-même n'aimait pas s'en servir. Cela faisait remonter de mauvais souvenirs de sa relation avec Odile. La potion tenait un rôle dans les nombreux conflits qui avaient mené à la dissolution de leur couple. Réunis par l'alchimie, leur relation en avait cruellement manqué. C'était plutôt ironique.
Un conseil, prévois les vêtements adéquats. C'est une erreur de débutant commune.
Il faillit lui conseiller les salles de bain des garçons, comme première visite, mais eut peur de la voir devenir pivoine sous l'embarras.
Pauvre Ene qui ne sait où se mettre. Perdue dans des sentiments inconnus. Novice. elle ignore sur quel pied danser et elle se balance sur la corde raide. Grâce à lui, elle comprend bien qu'elle ne peut pas continuer à attendre que les autres fassent tout et qu'elle doit elle-même prendre des initiatives. Cependant, en conditions réelles, les choses ne seront pas aussi simples. Mais rien ne presse, petit à petit elle essayera à son rythme. Elle parvient à lui adresser un sourire pour clore le sujet.
« C'est une promesse à moi-même. »
Il en est témoin. Simplement. Elle ne veut pas l'encombrer plus que cela. D'ailleurs, quelque chose encombre encore la pièce. Elle sort sa baguette, murmure un « Reducto » pour que l'instrument de musique reprenne une taille de jouet. Elle le ramasse précautionneusement et le glisse dans son sac en veillant à ne pas l'abimer. Déjà qu'elle n'était pas sûre d'avoir le droit d'emprunter des instruments, si en plus elle les ramenait en mauvais état, elle serait sûrement punie. Et elle connaît un rouquin qui devrait l'être aussi, il n'a pas de pitié !
« Ta femme te tirera les oreilles... »
Un sourire, un autre rire qui disparaît. Tantôt joie, tantôt anxiété, la conversation varie au rythme de leurs pensées, pas toutes heureuses. Elle n'ajoute rien mais elle ne peut s'empêcher de penser que si cette fois les choses ne se passaient pas comme prévues, que si cette fois, il ne s'en sortait pas, qu'est-ce qu'elle pourrait faire ? Ce n'est certainement pas elle qui pourra le protéger mais, elle en a l'envie. C'est ce que font les amis, ils s'aident et se soutiennent. Ils se battent pour une même cause... Et c'est là que l'avenir est incertain car ils se battront l'un contre l'autre pour des idéaux différents.
Elle accueille la fiole entre ses doigts, l'observe et hésite. Sers-t'en quand tu voudras... Ce n'est pas le moment ? Il n'y a personne d'autre, il ne va rien lui arriver de grave et c'est simplement un test sans danger. Alors pourquoi pas ? Elle a bien envie de le narguer de son futur mètre quatre-vingt dix. Attends voir Edwyn, bientôt tu seras tout petit ! Elle a de l'espoir en retirant le bouchon, elle n'a rien à craindre et boit le liquide pour ensuite le regarder en penchant la tête sur le côté.
« Des vêtements adéquats...? Pourquoi ? »
C'est un peu tard pour demander. Son corps commence à changer, ses formes fondent, sa poitrine disparaît et c'est tellement choquant qu'elle pose ses mains dessus, hébétée. Elle n'a plus rien -ça fait longtemps qu'elle n'avait plus vu ses pieds tiens. Mise à part cela, elle observe ses mains, elles sont légèrement plus masculines, son corps ne semble pas plus robuste et elle n'a pas l'air de voir beaucoup de différences. Peut-être parce qu'elle est encore dans son uniforme, qu'en jupe, on ne fait pas la différence. Elle gonfle une joue, un peu déçue.
« Rien n'a changé, tu es sûr que ça marche ? »
Tiens, sa voix est un peu plus grave, elle pose ses mains sur ses lèvres. Oui, c'est bien elle qui vient de parler. Elle tente d'attraper une de ses mèches, ses doigts glissent dans le vide. Oh. Non. Elle passe sa main dans son dos. Où. Sont. Ses. Cheveux ? Là, elle commence à avoir peur, elle se dirige vers son sac, fouille et sort un miroir de poche. Elle l'ouvre et sursaute en se voyant. Elle se tourne de suite vers le garçon, un peu paniquée.
« Edwyn ! Edwyn ! Mes cheveux ! Pourquoi ? Ils vont revenir ? Je ne veux pas de cette coupe de garçon en fille ! Même si je suis assez mignon, je préfère la moi au féminin ! »
Elle panique. Et en même temps, elle remarque un autre détail. Elle qui voulait faire la fière avec deux mètres de haut, elle semble toujours aussi petite à côté de lui. Pourquoi il est aussi grand ? C'est un sketch. Elle pose sa main sur son front et soupire, une réaction typiquement féminin qui rend la scène amusante.
« Et je suis toujours aussi minuscule... »
Et elle comprend mieux le choix des vêtements. Surtout des sous-vêtements. Mais ça, elle va faire comme s'il n'y avait aucun problème car il n'est pas question d'en parler. En tout cas, c'est déplaisant d'être un homme, c'est clair et net.
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La première métamorphose, c'était toujours quelque chose. Une nouvelle apparence à découvrir, des soucis d'équilibre, tout ça. C'était une réponse à un "et si" assez fréquent aussi. Et elle, si elle était un gars, elle serait capitaine ou juste Beyoncé ?
Malgré ses doutes premiers, le changement était indéniable chez la jeune femme (s'il pouvait toujours employer ce terme), elle avait perdu ses formes et une bonne longueur de cheveux. Ses traits étaient plus masculins également. Ses réactions, en tout cas, étaient absolument tordantes et il ne se retint pas de rire comme une baleine. Une fois calmé, il la rassura tout de même.
Ne t'inquiète pas, tu récupéreras tes cheveux en même temps que le reste.
Quant à sa taille, il ne valait mieux pas en parler. Mais si la sagesse était censée être l'un des atouts de leur maison, Edwyn en manquait parfois.
C'est assez rare de voir sa taille changer de plus de quelques centimètres. Mais ne t'inquiète pas, je suis sûr que certaines te trouveront très mignon quand même.
Il ne la taquina pas plus en mentionnant que ce serait aussi le cas de certains. Cette révélation dans l'autre sens semblait déjà lui avoir fait un choc.
Le plus dur, au début, c'est de trouver son équilibre et s'habituer à sa nouvelle voix. Tu peux essayer de chanter ou lancer des sorts, si tu veux.
Il n'insista pas trop sur le chant, c'était trop rare de l'entendre et elle devait avoir ses raisons pour ça. Même s'il aurait aimé l'entendre plus souvent.
Une fois passée la peur de l'inconnu, Ene reprend son calme. C'est elle qui a voulu essayer et c'est plutôt concluant. A part Edwyn qui a assisté à cette transformation, personne ne peut la reconnaître. Ses cheveux sont courts, toujours ondulés, bien plus et ils lui retombent sur le front, formant une mèche plutôt que sa frange habituelle. Elle a des épis, ici et là qui rendent sa coiffure bien moins ordonnée. La couleur est la même, un noir corbeau mais ses yeux sont plus foncés, ses sourcils plus épais. C'est impressionnant, un tel changement qui la laisse muette, effleurant son visage pour s'assurer qu'il lui appartient bien.
Son regard quitte finalement le miroir en entendant le rire de cachalot de son compère. Elle fronce spontanément ses sourcils. C'est agréable qu'il rit de son inquiétude ! Mais elle entend ce qui la rassure et soupire. Il n'a pas idée des soins qu'une telle chevelure peut coûter ! De ce côté, être un garçon est moins embêtant, elle n'aurait pas besoin de laisser ses cheveux pousser autant... Elle divague, commence à penser à ce pourquoi elle n'a pas les cheveux courts, pourquoi elle préfère cette longueur qu'elle trouve plus féminine et son attention est immédiatement coupée par son compliment. Son visage vire au rouge, elle gesticule, ses doigts attrapent sa mèche pour tirer dessus comme elle en a toujours l'habitude.
« N... N... Ne dis pas que je suis mignon ! Je suis une femme alors employer le masculin... C'est bizarre !... »
Néanmoins, actuellement rien ne la différencie d'un homme. Est-elle vraiment toujours du sexe féminin ? Elle pose ses doigts contre ses lèvres et réfléchit. Pendant quelques heures, elle n'appartient plus au même monde donc, doit-il vraiment s'adresser à elle comme d'habitude ? Ou employer un terme qui correspond à son état ? Parce que si elle en juge son physique, la perte de sa poitrine et cette chose qu'elle ne veut même pas regarder car elle n'a pas sa place dans son anatomie, elle est bien un homme. Elle secoue vivement la tête, se débat avec ses pensées.
« Non, non, non ! Je suis définitivement une femme ! Considère-moi comme telle Edwyn s'il te plaît ! »
Sa voix part dans les aiguës puis dans les graves, comme celle d'un adolescent alors qu'elle n'est pas si jeune. C'est d'autant plus amusant qu'elle n'arrive pas à la stabiliser, elle n'est pas à l'aise. Ses cordes vocales ont changé. Et il veut qu'elle chante ainsi, d'une façon affreuse qui lui coupera toute envie de l'écouter de nouveau ? Non. Pas question. Elle n'est pas à l'aise. Pas assez. Elle détourne le regard et murmure doucement, sans assurance.
« Tu ne vas pas te moquer ?... Je ne chante pas très bien et avec cette voix, ce sera catastrophique... »
Ene soupire. Le mieux serait donc d'utiliser sa baguette. Quel sort peut-elle utiliser ? Il y en a tellement... Oh... Si elle se servait du sien ? Juste pour l'embêter et enfin être plus grand que lui ? Elle sourit, sort sa baguette, toujours avec délicatesse et lui lance un regard légèrement sournois. Il ne va rien sentir, elle n'est pas assez mauvaise pour lui faire mal. C'est juste un amusement.
« Obsecro »
Elle manque de rater son sort mais il s'élance tout de même et elle pose ses mains sur ses hanches, assez fière. Il peut toujours l'éviter ou le contrer, le but était simplement de réussir et elle l'avait fait... Mais elle devrait s'entraîner pour que ce ne soit pas seulement grâce à la chance.
« C'est un sortilège plutôt amusant non ? »
Elle lui sourit. Il n'est pas compliqué et permet de remettre certaines personnes à leur place. Notamment quelques serpentards... Elle lui expliquera s'il veut en savoir plus, ce n'est pas un atout qu'elle tient à cacher dans sa manche.
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Elle préférait qu'on la considère fille même sous cette forme masculine ? Soit. Il ne faisait pas grand cas de tout cela. Même s'il aurait pu s'en servir pour la taquiner un peu. Cela l'aurait probablement mise encore plus mal à l'aise et il s'abstint.
Je trouve que tu chantes plutôt bien, mais soit.
C'était sa voix, elle en faisait ce qu'elle voulait. Le pointer de sa baguette n'est pas l'idée du siècle, mais il a une confiance relative en elle. Pas grand-chose à craindre. Par habitude, il triture un bouton de manchette, mais lorsque le sort inconnu le frappe et qu'il commence à se lever dans le but de se prosterner, il lui suffit d'une pensée. Une sphère de la taille d'une bille s'élève de sa poche et tourne alors une seule fois autour de lui. Comme s'il avait juste voulu se dégourdir les jambes, il poursuit son chemin et fait quelques pas, apparemment libéré de l'influence du sort.
Ce n'est pas une bonne idée de lancer un sort inconnu sur autrui. Surtout sans prévenir.
Une autre commande mentale et la sphère qu'il connaît sous l'appellation de G#03 retourne tranquillement se cacher dans sa poche. Il hausse finalement les épaules et ajoute un commentaire.
Personne ne me fera jamais ployer le genou, Ene. Même par magie.
Il n'y a pas vraiment de reproche dans son ton. Juste un léger amusement. On avait bien tenté de lui imposer une forme ou une autre de discipline, un respect de l'autorité, mais il n'en avait toujours fait qu'à sa tête. Il respectait les conventions qu'il trouvait utiles et ignorait le reste. Les punitions et les éclats de voix n'avaient jamais eu d'effet pour le faire changer. L'indépendance était sa nature et seule une raison valable à ses yeux l'amenait à se plier aux règles. Si celles-ci n'avaient pas de sens, il ne voyait pas d'intérêt à leur existence.
Elle chante bien. Un doux sourire s'étire sur ses lèvres, elle détourne encore le regard et cherche encore ses cheveux pour jouer avec mais, n'en trouvant pas, elle s'interrompt et reporte son regard vers lui. C'est dur d'arrêter de fuir en permanence, de s'assumer. Et sa forme de garçon ne va pas lui donner brusquement plus d'assurance.
« Alors, la prochaine fois, je chanterai pour toi. »
S'il y a une prochaine fois. Car lui comme elle n'auront plus le temps. Néanmoins, faire une promesse facile ne l'engage à rien. Elle lance son sort, dosant bien sa force car le but n'est pas de le blesser, elle ne se l'autoriserait jamais, faire du mal à un ami physiquement la répugnerait d'elle-même. Il n'a rien à craindre. Et pourtant, les choses ne se passent pas comme prévu. Ébahie, elle fixe la sphère sans comprendre de quoi il s'agit. Elle la fixe et prend conscience que son sortilège a été brisé. Certes, elle n'a pas mis de force et de volonté, elle s'est retenue mais tout de même. A sa remarque, elle se pince les lèvres et baisse la tête.
« D... Désolée, je ne voulais pas te faire peur, juste te... surprendre..? »
Alors qu'elle déteste ce qui n'est pas loyal, elle ne s'est pas gênée de le faire. The Crow a plus d'influence sur elle qu'elle ne veut le croire. Ses ailes sont déjà noires. A sa remarque, elle parvient un sourire, croise ses bras sur son torse, relève la tête en lui faisant un clin d'oeil.
« Dois-je te rappeler mon cher Edwyn que je ne tiens pas à te blesser et que sous cette forme ce sortilège manque cruellement de puissance ? »
Elle sous-entend clairement qu'elle sera capable de le faire plier un genou à l'avenir et elle est prête à retenter le coup même si actuellement, elle a d'autres questions en tête. Elle s'approche, fixe sa poche dans laquelle s'est réfugié l'objet inconnu.
« Plus important Edwyn, qu'est-ce que c'est ? C'est ce qui a... neutralisé mon sort ? Tu peux l'utiliser sur toutes les magies ? L'effet dure ? Cela fonctionne avec une recharge ? Tu l'as fabriquée, c'est une des inventions que tu vas mettre en commerce ? »
Elle pose ses mains sur sa bouche et s'excuse du regard. Elle n'a pas pu s'en empêcher, de vouloir le questionner, comme toujours quand elle ne comprend pas quelque chose.
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Ene qui chante rien que pour lui, c'était... du jamais vu. Un privilège qu'il devait apprécier pleinement le moment venu. Il lui accorda son plus beau sourire accompagné d'un « J'en serais ravi. » C'était vrai. Il le serait. Si leur monde ne s'écroulait pas avant. Raison de plus pour l'en empêcher ! Il l'écouta, avec bienveillance. Bien sûr qu'elle ne lui aurait pas fait de mal. Elle n'était pas mauvaise et il le savait. Néanmoins, il y avait quelque chose dans le ton de sa réaffirmation et dans ce clin d’œil qu'elle lui adressa qui éclaira son regard d'une lueur rare. Était-ce un défi ? Il l'attendrait au tournant, cela ne faisait aucun doute. Mais pas aujourd'hui. Évidemment, la question sur l'Argos tomba. Ou plutôt les questions. Elle était un symbole vivant des valeurs de leur maison. C'était l'une des choses qui lui plaisait le plus chez elle. Étrangement, il y avait bien peu de Serdaigles réellement curieux. Beaucoup se contentaient de chercher le savoir au fond des livres sans ouvrir les yeux sur le monde autour d'eux.
C'est l'une des créations que je garde dans ma manche, oui.
Il l'étudia un instant, comme s'il réfléchissait à ce qu'il pouvait lui révéler. C'était une réflexion d'ordre plus général, en réalité. Que pouvait-il révéler tout court ? En temps normal, il en aurait détaillé bien plus. Elle n'était pas dans sa branche et ne risquait pas de pouvoir faire grand-chose de ce savoir. Mais un puissant legilimens se posait en ennemi et tous les esprits étaient vulnérables à l'inquisition du Corbeau.
La sphère se contente de lancer un finite incantatem. Et tu ne la trouveras malheureusement pas dans le commerce avant très longtemps. C'est encore un prototype et sa création est coûteuse. Mes finances fondent comme neige au soleil depuis que je suis sur ce projet.
Certes, il avait quelques à côtés pour renflouer ses caisses et ne puisait pas dans la fortune familiale, mais il aurait certainement pu avancer beaucoup plus vite avec plus de moyens.
Et ne t'excuse pas d'être curieuse, c'est une belle qualité.
C'était son geste qui l'avait poussé à donner cette appréciation tout haut, alors qu'il la gardait souvent pour lui. Il n'aimait pas spécialement juger les autres. Enfin, dans le cas présent, c'était un compliment. Et cela venait un peu adoucir ses propos d'avant concernant le sortilège qu'elle lui avait lancé. De but en blanc, il lança même une question qui venait de lui passer par la tête
Sais-tu ce qui fait qu'un sorcier est puissant ou non ?
Il avait son idée sur la question, mais comme ils n'allaient pas vraiment se mettre à travailler tout de suite et qu'il restait au moins deux heures à sa camarade sous sa forme de garçon en jupe, autant varier les sujets.
Son nouveau sourire a un drôle d'effet sur elle. Ene se sent gênée, mal à l'aise à cause de ce qu'il vient de dire et qui a semble-t-il coupé une seconde son air tellement son coeur s'est serré. Cela lui ferait plaisir qu'elle chante en sa présence ? Rien que pour lui ? Vraiment ? Un sentiment de bonheur la gagne. Elle met cela sur le fait que c'est la première fois qu'on lui dit et qu'en plus, elle ne contrôle pas les réactions de ce corps qui n'est pas complètement le sien. Ce n'est rien d'autre. Absolument rien.
Son défi lancé, elle attend la réponse à toutes ses interrogations sans savoir s'il va pouvoir les fournir. Après tout, il lui a dit que la plupart de ses inventions étaient secrètes et lui serviraient pour combattre The Crow. Il ne peut pas divulguer trop d'informations et elle ne peut pas trop en demander. Si cet atout peut tout arrêter... Peut-être vaut-il mieux qu'elle ne creuse pas trop. Qu'elle se contente de ce qu'il lui dira. Et pourtant, son regard brille face à ce nouveau mystère. Quand il en dévoile davantage, son sourire gagne son visage, elle pose une main contre son menton et réfléchit pour apporter quelques hypothèses.
« C'est... le même effet que pour les amulettes ? Néanmoins le sort peut être lancé plusieurs fois alors, c'est plus puissant. C'est incroyable ! Ce n'est qu'un prototype mais l'effet a été immédiat, si tu combines cela avec un sortilège offensif, la parade sera difficile à prévoir et...- »
De nouveau, elle s'interrompt d'elle-même. Arrête de trop parler. Elle n'est pas capable de taire l'intérêt qu'elle porte à cette découverte et c'est le plus ennuyeux. Si elle se passionne trop, il va peut-être trop lui en dire et les informations qu'elle aura seront utiles à The Crow dont elle n'est pas sûre de l'allégeance qu'elle doit lui porter... Le suivre loyalement n'est pas en sa capacité, elle avance d'un pas chancelant, incertain. Mais une chose est sûre et elle s'empresse de lui dire avant qu'il ne lui réponde.
« Edwyn je ne suis pas.... assez forte pour empêcher The Crow de scruter mes pensées la nuit alors... Tu ne dois rien me révéler de plus même si.... J'aimerais le savoir. »
Elle devra attendre la fin pour qu'enfin il puisse lui en dire un peu plus au sujet de cet objet. En attendant, il pose une question simple en apparence mais qui est bien plus complexe et profonde. Comment y répondre, c'est sa nouvelle préoccupation. Elle se mordille la lèvre avant de porter son regard dans le sien.
« Certains diront que c'est par le sang qu'ils tirent leur puissance. D'autres par leur baguette. Mais, c'est trop simpliste comme façon de penser. Toutes les baguettes sont puissantes. Cependant, une baguette n'accorde sa puissance qu'au porteur qui en est digne. »
Ce n'est qu'une première analyse dans laquelle elle ne donne pas son avis. Sa main vient se poser au niveau de son coeur, elle ferme ses paupières avant de poursuivre.
« La vraie puissance s'obtient par les sentiments que nous avons au fond de nous. Si nous nous affirmons et prenons confiance en nous, nous devenons plus fort. Un sorcier qui ne croit pas en ses sortilèges et qui ne sait pas marcher la tête haute ne peut qu'être affaibli par sa propre volonté. Néanmoins, encore faut-il posséder une certaine intelligence car la puissance sans la sagesse n'est rien que destruction. »
Une fois cela dit, elle rouvre les yeux et soupire. Elle espère ne pas avoir été trop longue, c'est sa mauvaise habitude de toujours trop détailler le fond de sa pensée.
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Elle comprend. Elle comprend même excessivement vite l'un des avantages les plus évidents. Et elle n'a vu qu'une seule sphère parmi la trentaine qui compose actuellement l'Argos. Cette fille est brillante. C'est à se demander comment elle n'a pas encore trouvé chaussure à son pied. Et elle comprend aussi les dangers de cet échange, formulant les choses comme si elle avait lu dans ses pensées. C'était impossible, cela dit. À moins qu'elle ne soit le Corbeau en personne... Improbable.
Tu as raison. Un jour, certains éléments se retrouveront dans le commerce. Ce sera probablement un grand changement pour les cracmols. Je t'en dirai plus quand tout cela sera terminé.
Ce ne serait probablement pas demain. Il ne savait s'il fallait s'en réjouir ou non. Plus de temps passerait et meilleurs les membres des foxes deviendraient, mais il aurait aimé en finir rapidement. Reprendre sa vie et éviter les victimes. Avec un effort, il repoussa ces pensées au loin et revint à la discussion qui les intéressait.
Il y a plusieurs théories et tu n'as probablement pas tort. Pour ma part, je pense que cela dépend des SECS.
L'acronyme était peut-être un peu choquant et malheureux, mais il avait le mérite d'être facile à retenir. L'air malicieux, il traça du bout de la baguette les mots auxquels cela correspondait. Laissant les arabesques bleutées de son sort de peintenlair flotter entre eux.
Savoir Expérience Confiance en Soi
Le troisième point, que tu as très bien évoqué explique pourquoi beaucoup de grands sorciers ont un ego très développé. Ils ont confiance en leurs capacités, en leur magie. Le savoir donne une versatilité qui permet au sorcier de faire face à de nombreuses situation. Quant à l'expérience, elle vient renforcer les deux autres et permet de les exploiter pleinement.
Cette théorie n'était pas vraiment une nouveauté, mais il avait toujours pu la vérifier. Jamais rien ne l'avait mise en défaut. Cependant, elle n'était pas la plus populaire auprès de certaines couches de la société. Les soi-disant Sang-Purs, notamment, contribuaient à ce que sa popularité reste limitée.
C'est bien beau d'être intelligente et en plus curieuse mais en cet instant, bien qu'il ne réponde à aucune de ses questions, de fil en aiguille elle arrive à ses propres conclusions. S'il peut enfermer un sort, il peut en enfermer d'autres dans d'autres sphères non ? Il peut ainsi combattre sans utiliser sa baguette, les attaques furtives seraient efficaces, détourner l'attention de l'adversaire pour ensuite lancer un incendio par derrière. Prétendre être en position de faiblesse sans formuler un sort de défense qui apparaîtrait au dernier moment pour ensuite contrer efficacement. Il y a tellement de possibilités et elle les analyse avant de pâlir. C'est son erreur. Je t'en dirai plus. Il ne comprend pas ? Il lui en a déjà trop dit.
« Edwyn... J'en sais déjà trop. J'ai déjà beaucoup trop d'hypothèses qui pourraient lui donner des indices. »
Ses sourcils se froncent dans une expression songeuse. Il est trop tard, elle ne peut pas oublier ce qu'il vient de dire. En faite si. Elle peut oublier. Mais est-elle prête à risquer cela ? Cette arme pourrait mettre fin à la guerre alors, la question ne se pose pas. Elle resserre ses mains contre sa jupe. C'est la seule solution pour ne pas laisser fuiter des informations. Ça ira. S'il y a bien quelqu'un qui peut lancer ce sortilège hormis elle, c'est lui. S'il ne veut pas prendre cette responsabilité, elle le fera.
« Efface cette création de ma mémoire. »
Ce n'est pas parce qu'elle est occlumen qu'elle peut réussir à camoufler tout. Elle n'en a pas encore les moyens. Il lui faut plus d'expérience. Le sérieux qu'elle tente d'imposer dans l'atmosphère s'estompe quand elle l'entend prononcer ce mot avec beaucoup trop de sérieux. Elle cligne des paupières, son visage se colore de nouveau. Elle ne le suit pas et se permet de lui faire remarquer l'incohérence de ses propos.
« C... Cela n'a aucun rapport...! »
Il n'a pas besoin de l'écrire, elle sait parfaitement les lettres qui constituent ce mot, cela ne rendrait la situation que plus gênante !... Malgré cela, elle regarde et c'est la honte qui s'empare d'elle. Elle s'accroupit, ses mains viennent couvrir son visage rouge. Bien sûr. C'était évident que Edwyn n'allait pas sortir ce terme dans une discussion sérieuse, il n'est pas ce genre de personnes. Pourquoi avait-elle pensé à cet autre mot ? Elle n'est pas si obscène. Pourvu qu'il ne se fasse pas des idées. En même temps, s'il avait épelé le mot plutôt que de le dire, elle aurait tout de suite compris. Sa voix étouffée entre ses mains, elle murmure.
« Je ne pensais à rien de bizarre c'est de ta faute... »
Parce que c'est tellement plus simple de lui mettre cela sur le dos. Elle reste immobile un long moment pour reprendre contenance puis, se relève lentement pour tirer sur sa mèche. Elle ne pense pas que sa théorie soit mauvaise, elle rejoint la sienne et l'expérience est nécessaire pour maîtriser les sorts les plus complexes. Cela semble logique bien qu'elle refuse d'admettre que l'acronyme soit convenable. Ils auraient pu mettre les lettres dans un ordre différent. CESS ou SSEC ou ESSC. Quelque chose qui ne prête pas à confusion.
« Oui, c'est une théorie complète... Mais, les convictions doivent aussi apporter du poids dans la balance. Sans but ni objectif, un sorcier ne peut pas être puissant. »
Elle persiste que la force des idéaux y est pour quelque chose. Sans cela, personne ne suivrait un chef aussi sinistre que The Crow. Et c'est ce qui le rend dangereux, le charisme qui émane de sa personne.
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Son inquiétude était touchante. Un peu drôle, aussi, mais il avait décidé de se montrer charitable et de ne pas trop se moquer d'elle à ce sujet.
Non. Ce ne sera pas nécessaire.
Il savait ce qu'il faisait, les informations qu'il laissait filtrer. Elle se montrait prudente, mais dans le cas présent, ça n'avait pas d'importance. Il était serein.
J'ai déjà utilisé des objets de ce genre dans d'autres circonstances. Ce n'est pas un très grand secret. Et ça ne suffira pas. Fais-moi confiance.
Même comme ça, il avait fallu trois ans de travail acharné et l'accès à des savoirs provenant de sources sans lien entre elles autre que lui. L'Argos était pleinement sa création, le fruit de ses expériences et personne d'autre n'aurait pu le reproduire, ou le contrer, en peu de temps. Surtout en ignorant le plus grand secret, celui qui en faisait son chef-d'œuvre.
Les réactions embarrassées d'Ene face à l'acronyme le firent sourire, mais il se retint. Il avait pris une résolution une minute plus tôt et il n'allait tout de même pas l'envoyer promener maintenant. N'empêche, elle avait un côté vraiment adorable, à rougir comme ça. Même s'il la préférait sous son aspect habituel. Tout de même amusé par la chose, il expliqua ses raisons.
C'est facile à retenir comme ça. Même si ce n'est pas très sérieux.
Il fallait l'admettre, jamais il ne pourrait parler des SECS dans une publication sérieuse. Cela tuerait toute la crédibilité de la théorie.
J'aurais tendance à mettre les convictions dans la confiance en soi. Il en faut pour s'attacher à une cause ou un idéal et en prendre la défense. Tu ne crois pas ?
Pouvait-on réellement croire à une cause qui ne nous touchait pas ? Ne trouvait pas un écho en nous ?
Elle s'attendait vraiment à ce qu'il sorte sa baguette pour s'exécuter. Le mieux était de ne pas prendre de risques. De faire en sorte que The Crow ne sache rien. D'un autre côté, il ne sait pas qu'elle a un bon contact avec ce dernier, il ne sait pas qu'elle devra tout dévoiler. Qu'elle devra le trahir. Alors, elle aurait voulu qu'il le fasse pour que le poids de sa trahison soit moins élevé. Son regard l'observe un long moment pour être sûre qu'il ne va pas changer d'avis. Ce n'est pas le cas. Edwyn n'est pas bête, s'il le dit, c'est qu'il a raison et que le peu d'informations qu'elle possède est connu d'autres, donc sans surprises.
Fais moi confiance. Son corps trésaille. Elle lui fait déjà confiance mais lui, s'il vient à faire de même, comment peut-elle se résoudre à mentir encore et encore ? Elle se répugne et n'est pas capable de lui répondre tout de suite. Sa bouche est pâteuse, son regard est détourné mais elle parvient encore à se reprendre, à éviter la chute. A le tromper avec une facilité méprisante. Elle hoche faiblement de la tête, esquissant un petit sourire.
« Je te fais confiance Edwyn. Alors, n'hésite pas à me faire confiance aussi. Je t'aiderai. »
Malgré ses efforts, elle sent que sa vue se brouille, elle a envie de pleurer. Parce que c'est trop cruel de vivre dans les mensonges et ils finiront par éclater tôt ou tard. Pas maintenant. Mais peut-être le mois prochain ou celui d'après... Elle ne sait pas et toute la fatigue accumulée semble revenir au galop. Fatiguée de ce jeu qu'elle mène comme une reine, sa voix est plus étouffée.
« Je... ne sais pas... Les deux notions sont liées mais de mon point de vue, les convictions aident à avoir confiance en soi, c'est en se fixant un but qu'on donne tout pour y parvenir. »
Leur vision varie mais elle reste complémentaire. En revanche, elle se sent épuisée. Et elle n'a pas encore repris forme féminine mais, elle doit partir. Si elle craque devant lui, cela va attirer sa suspicion. Si elle lui dévoile son rôle, ce sera trop tard et elle devra s'isoler de Poudlard, finir par dormir dans des endroits inconfortables et devoir se méfier encore plus de son entourage. Elle ne veut pas d'une vie de fugitive, c'est trop éreintant.
« Pardon, je suis fatiguée ces derniers temps... Je devrais aller me reposer... »
En se dépêchant, personne ne se posera trop de questions sur son identité et elle récupérera vite son corps pour ne pas effrayer ses colocataires. Avec du recul, cela ne lui ressemble pas de couper ainsi court à la discussion par peur d'être découverte. Cela ne lui ressemble pas de fuir et de s'isoler plutôt que de parler de ce qui la tracasse. Mais certains maux n'ont aucun médicament.
enjoy the silence with Edwyn notes Once a thief, always a thief
Il hoche la tête et son sourire, devenu si fréquent depuis le début de leur échange, ne le quitte pas. C'est une autre qualité de plus qu'on peut lui accorder.
Je ne l'oublierai pas.
C'est la vérité. Et pourtant, il lui cache déjà tant de choses. Le devrait-il ? Pourquoi ne l'a-t-il pas invitée à rejoindre les Foxes ? Est-ce dans le but de la préserver ou parce qu'il ne lui fait pas assez confiance ? Le doute l'étreint, douloureux. Il le chasse rapidement. Pas de place pour ça, il n'a pas le temps de s'arrêter dans la course effrénée dans laquelle il s'est lancé.
Il acquiesce en entendant son point de vue, ça se recoupe et ce n'est peut-être que sémantique. Peu importe, au fond. Tant que chacun est satisfait de sa version. Peut-être qu'un jour ils confronteront leurs opinions dans le but de développer une vérité universelle à partir de leurs théories. Ce serait plutôt intéressant. Lorsqu'elle s'apprête à partir, perturbant quelque peu ses prévisions, il fait un pas pour l'arrêter, joignant la parole au geste.
Attend !
Il s'approche d'elle et, conscient que traverser le château sous cette forme sera une épreuve particulièrement intimidante, sort sa baguette. Délicatement, il la pose sur le crâne de sa camarade et laisse le sort informulé faire effet. D'expérience, il connaît la sensation qu'elle doit ressentir. Celle d'un œuf cassé sur sa tête. Le signe inimitable d'un sortilège de désillusion bien exécuté.
On ne te verra pas, comme ça.
Un clin d’œil vient ponctuer sa phrase. Va, maintenant. Et prend soin de toi. Il aurait aimé rester avec elle plus longtemps, parler à bâtons rompus de choses et d'autres. On avait pas toujours ce que l'on désirait, dans la vie. Malheureusement. S'il avait voulu être dramatique, il aurait ajouté qu'elle lui manquerait. Ç'aurait été un peu ridicule, cela dit. Ils partageaient la même maison et pouvaient s'y voir tous les jours. Malgré tout, il en avait l'impression : elle lui manquerait.
Son sourire lui provoque un pincement dans le coeur, une épine s'y enfonce. Si elle lui faisait vraiment confiance, elle lui aurait tout dit, qu'elle était de l'autre côté, qu'elle avait quelque chose à accomplir et que pour cela, elle avait retourné sa veste. Elle lui aurait tout dit. Et pourtant, elle n'en est pas capable. Une part d'elle se rassure car si elle ne veut pas lui en parler, c'est pour le protéger. Lui mais aussi elle. Elle n'est pas sûre qu'elle réussira. Et que The Crow aura de l'indulgence à son égard. Et elle ne veut pas impliquer Edwyn dans ce conflit. Il va sûrement s'en mêler quoiqu'elle fasse mais elle ne veut pas être la cause de cela. La seule chose qu'elle peut faire est de poursuivre son chemin et de faire comme si tout était ordinaire.
Ene recule, s'éloigne vers le banc pour récupérer sa sacoche qu'elle pose sur son épaule. Elle est prête à quitter l'endroit mais il l'interrompt. Spontanément, elle tourne la tête vers lui et le laisse poser sa baguette contre son crâne. Elle n'est pas inquiète. Comme elle ne peut pas le blesser, il ne va pas lui jeter un sort violent sans prévenir. Néanmoins, la sensation désagréable la fait grimacer, elle sait ce qu'il a fait mais elle ne peut s'empêcher de vérifier qu'il n'y a rien dans ses cheveux. C'est le cas. Heureusement. On ne plaisante pas avec sa chevelure. Quand elle l'entend encore, si soucieux de son bien-être, elle relève ses yeux vers les siens, surprise. Elle ne mérite pas tant de bonté. Encore une fois elle sent son coeur se serrer, l'étouffer. Elle hésite. Non, elle n'hésite plus. Elle veut lui en parler et elle le regarde plus sérieusement.
« E... Edwyn... Je suis... »
Sa bouche s'ouvre, elle s'apprête à dire quelque chose mais se rétracte inconsciemment. Non. Elle ne peut pas. Si elle finit cette phrase, quelque chose se brisera entre eux. Ils ne pourront plus se voir. Elle se pince les lèvres, baisse la tête et lui murmure tout en se tournant.
« Merci... »
Elle commence à marcher entre les bancs, remonte les rangs vers la porte pour poser sa main sur la poignée. Elle s'immobilise et pivote vers lui, une dernière fois, réunissant son courage pour lui sourire.
« A bientôt, Edwyn. »
Et elle quitte la chapelle, lâchant un lourd soupir tellement il est pénible de lui mentir. Et aussi car elle est inquiète de savoir dans quelles circonstances ils se reverront.
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