Death is not an ending. It's just a new beginning ((Amael))

Amael erre dans le parc, ses yeux bichromes parcourant l'espace avec mélancolie. Jilano est caché dans son cou, son museau humide chatouille la peau fine de sa gorge et lui arrache des frissons incontrôlés. Un sourire étire doucement ses lèvres, parfois, il se demande ce qu'il ferait sans cet animal. Il se sentirait sûrement terriblement seul. Bien plus qu'à l'heure actuelle. Cette réflexion lui voile ses yeux d'une tristesse trop souvent présente.

Il se sent comme éteint et se promène avec l'énergie d'une âme en peine. Il aperçoit au fond du parc une jeune fille, elle est assise seule face à un enclos. Amael s'approche, pas vraiment parce qu'il en a envie, plus pour pallier à cette solitude. L'humain est un animal grégaire et les solitaires s'attirent. Il l'entend parler mais ne voit aucun interlocuteur face à elle. Étrange mais pas impossible. Après tout, Poudlard était peuplé de spécimens tous plus étrange les uns que les autres, lui y compris.

L'autre semble avoir repéré sa présence, elle se relève et pointe sa baguette sur lui. Amael se fige, surpris. Pourtant, à voir la couleur de sa maison, elle ne semble pas être de ces gens violents ou méchants. Les Poufsouffles ont plutôt bonne réputation habituellement.

Un sourire amusé étire néanmoins les lèvres d'Amael, peut-être ne réalise-t-il pas la menace. Il lève les mains en l'air, dérangeant au passage Jilano qui se roule un peu plus contre son cou.

- Navré d'avoir dérangé votre repos gente dame, je ne suis qu'un pauvre lion errant sans but sur ces terres arides. Vous voyant seule, discutant avec le ciel, je me suis dit qu'un interlocuteur pour vous répondre égayerait peut être votre journée.

Tu as la langue bien pendue Amael.

Une nouvelle étincelle anime son regard, le chat sort s'amuser.

La fille rit. Ce genre de rire qui divise. On ne sait si on doit rire avec elle ou frissonner à cet éclat de folie qui teinte ce son cristallin. Amael choisit la première option. Après tout, dans ce monde de sorcellerie et de magie, qui n'est pas un peu fou ? Une folie parfois plus sournoise mais pourtant bien là. Quand on vit enfermé dans un carcan de secret où tout est possible, parfois, le cerveau pète un câble. Ça explique The Crow et tous ces trucs qui se passent dernièrement. Amael ne sait pas où se placer par rapport à ça. Il s'en fiche. Peu de choses lui importent à présent.

La fille parle de Sombral. Le cœur d'Amael se serre. Il aimerait les voir. Mais il n'en a pas eu le droit. Il n'a pas vu mourir Kean, il l'a simplement senti disparaitre. Et c'était déjà trop. Ses yeux rieurs une seconde plus tôt se voilent et fixent un point derrière la fille. Là où les chevaux de la mort paissent tranquillement, indifférents aux démons qui hurlent dans son cœur.

La fille s'approche de lui, leurs regards se croisent. Folie contre mélancolie. Tu ne sais pas ce que ça fait de perdre quelqu'un, hein ? Amael retient un ricanement. Si seulement elle savait qu'il n'y a rien de plus faux. Qu'il a tout perdu. Mais n'a pas gagné le droit de voir les Sombrals, triste vie. Ils sont beaux tous les deux, endeuillés sans l'assumer à fixer des bêtes à demi invisibles.

Amael hausse les épaules.

- Je ne les vois pas mais je pourrai ... et non, je ne pense pas que tu sois folle, si tu les vois, y'a bien une raison.

Sa voix est basse, comme s'il espérait qu'on ne l'entende pas. Il vient d'avouer à demi mot ce qu'il n'a jamais dit à personne à Poudlard. Il a perdu quelqu'un.

- Ils sont comment ? Raconte moi ...

La fille sourit doucement, elle parait rêveuse, apaisée. Ses bras s'écartent, accueillant un public imaginaire. Oratrice un peu cinglée parlant à des chevaux invisible. Quel beau tableau. La description des Sombrals est précise et on sent dans sa voix, la passion et l'affection qu'elle leur porte. Amael ne peut s'empêcher de plisser les yeux pour les apercevoir. Il voit la trace de leur sabots dans l'herbe, ils sont tranquilles, presque immobiles.

La fille clame leur inoffensivité. Amael veut bien la croire mais, il comprend aussi les réserves des gens vis-à-vis de ces bêtes. Des chevaux décharnés qu'on ne voit qu'après avoir croisé la mort. Il y a de quoi trouver ça terrifiant ou au moins intimidant.

Le jeune homme s'apprête à répondre, à demander des détails. Mais la fille reprend. Elle évoque la mort de son frère avec un détachement qui l'ébranle au plus profond de son être. L'éclat de folie dans ses yeux revient dans la mémoire d'Amael. Il comprend un peu mieux maintenant. Chacun gère sa peine comme il peut.

Elle lui sourit, comme si leur discussion traitait du beau temps ou de la couleur de ses chaussettes. Amael recompose son assurance de façade et lui rend son sourire.

- Toutes mes condoléances, ça n'a pas du être un moment agréable. J'espère que ça va mieux maintenant.

Que de phrases bateaux, lui-même les avaient trop entendues mais il n'avait pas l'intention de s'étendre sur la mort de son frère de son côté.

- Le plus dur, c'est pas le moment où ça arrive, c'est après. Quand on se rend compte qu'il n'est plus là et qu'il va falloir tout réapprendre sans lui - et dieu sait à quel point tu as échoué Amael - c'est une douleur lancinante et permanente ..

Sa voix est basse, un peu rauque et chargée d'émotions. Il ne sait pas vraiment pourquoi il raconte tout ça, peut être pour trouver un écho de sa propre expérience chez cette fille ? La solitude est donc si pesante ?

Inconsciemment, Amael a espéré trouver un écho à son deuil. Quelqu'un avec qui parler, à demi-mot de comment passer outre. De comment vivre quand il nous manque une part de notre quotidien, comment continuer à avancer alors qu'on tombe en morceaux. Mais non, la folie qu'on perçoit dans les iris de cette fille prend un nouveau sens à présent. Amael la dévisage avec un air étrange. Il ne sait pas comment réagir, ses mots semblent attirants. Accepter la douleur, l'accepter jusqu'à en devenir fou.

Mais ... cette folie serait-elle la même ? Lui aussi serait-il aussi euphorique ? Riant de la pitié et des condoléances mille et une fois répétées ?

Amael sourit étrangement. Non, cette solution ne lui correspond pas. Il serait incapable de devenir comme elle et finirait simplement par sombrer, se noyer dans sa tristesse et disparaitre de ce monde. Non, il ne peut pas devenir fou parce que sa folie ne l'éloignerait pas de la mort, au contraire, elle l'y précipiterai. Et il doit vivre, il doit vivre et se reconstruire. Vivre pour deux. Vivre pour cette moitié perdue.

- Si tu t'en sors comme ça ... j'suppose que c'est une bonne chose. Il rit, un peu gêné. Il ne sait pas comment réagir. Mais ... comment t'as fait ? Pour passer au dessus de la douleur ? Comment on en fait une arme ?

Il glisse un regard en coin. Apprends moi, apprends moi à dompter cette bête noire qui veut ma peau. La dompter, l'apprivoiser ... peu importe. Assure moi la victoire face à elle.