[EVENT #8] Bonnie & Hermès (première partie)

Hermès s’était négligemment assis sur les marches de l’escalier en attendant que sa cavalière ne daigne finir de se changer et arriver enfin. Il ne songeait à rien, se contentait d’observer les allées et venues des autres élèves qui se retrouvaient dans leurs plus beaux atours pour aller suer un peu sur la piste de danse. De son côté, il avait fait le minimum syndical en ce qui concernait sa tenue de gala –une chemise satinée imprimée d’ornements colorés incompréhensibles qu’il portait légèrement ouverte sur le torse et rentrée dans un pantalon noir de costume des plus classiques. Il ne voyait pas vraiment d’intérêt à faire plus d’efforts pour un évènement aussi futile qu’un gala de fin d’année scolaire, d’autant plus qu’il n’avait pas vraiment la tête à profiter de la fête.
Hermès ressassait bien trop de choses dans le silence de son esprit pour complètement se laisser aller de la sorte ; avec Arya dans les bras, et quelques grammes dans le sang encore, il y parvenait, mais il l’avait vue du coin de l’œil en compagnie de Fowley et s’était fait la remarque tacite qu’ils avaient probablement fini de partager ce genre de moments, tous les deux.
Et c’était peut-être une bonne chose au fond –surtout pour elle.

Il soupira, les mains dans les poches, et s’accouda nonchalamment aux marches derrières lui sans accorder une once d’intérêt aux bref regards qu’on lui adressait en passant à ses côtés et bascula sa tête en arrière, se demandant déjà s’il avait bien fait de venir.
Et comme toujours, elle apparaissait au moment où il ne s’y attendait pas.

« Ah, c’est toi, fit-il d’une voie morne en levant les yeux vers la silhouette de la jeune femme –qu’il voyait à l’envers à cause de sa position. »

Hermès se redressa, sans sortir les mains de ses poches, et une fois relevé, il prit le temps de jauger la silhouette de sa cavalière avec une provocation ouvertement éhonté au coin de l’œil. Un sourire fugace étira ses lèvres.

« Toujours aussi moche. C’était bien la peine de prendre autant de temps pour te changer… »

Bien sûr qu’il mentait –il l’avait toujours trouvée très jolie, surtout ainsi baignée par la lumière chaude du soleil couchant qui filtrait par les fenêtres, mais ça le tuerait très certainement de le dire à voix haute. Ils avaient instauré entre eux un langage particulier dont la sincérité mielleuse ne faisait pas partie et revenir sur cette règle tacite semblerait trop peu naturel pour eux.

« Si t’as envie de revenir sur tes mots et changer de cavalier c’est le moment parce que j’vais te pourrir la soirée, Zhang. »

Peut-être qu’au moins ça l’aiderait à arrêter de trop penser, le temps d’une engueulade ou deux.

« Faut bien descendre à ton niveau et je regrette déjà.
— Putain tu m’as habitué à mieux comme répartie, Xue, fit-il en prononçant délibérément le prénom de la jeune femme de la mauvaise façon –il savait que ça l’énervait au plus haut point et que c’était pour éviter ça qu’elle se faisait appeler Bonnie à l’école. "C’est celui qui le dit qui l’est" c’était quand on avait huit ans, hein. »

Il ne fit pas le moindre geste de recul néanmoins, quand Bonnie vint passer son bras au creux du sien et le tira à sa suite en bas des escalier. S’ils étaient venus ensemble au gala, c’était bien pour se pouiller la tête toute la soirée, et de fait ne pas rester proche l’un de l’autre n’aurait aucune utilité pour ce faire.
La musique battait son plein et des couples dansaient déjà sur la piste que le plafond magique illuminait avec des tons qui sublimaient la lumière orangée du crépuscule. Tout semblait être fait pour qu’on ne pense qu’à la fête mais Hermès n’y pouvait rien, même aux côté de sa meilleure amie, il ne parvenait à se sortir ses mauvais pressentiments et ses soucis de la tête. Il n’essayait même pas de lui cacher ses préoccupations –Bonnie le connaissait trop bien pour se faire berner par un « tout va bien » vide de sens.

« Tu crois qu’ils ont mit de l’alcool dans les boissons ? »

Hermès s’était promis de faire des efforts et couper un peu ses consommations diverses –les légales, et les moins légales. Mais malgré toute sa bonne volonté, il n’en ressentait pas moins le manque qui le démangeait, et sa pseudo-lucidité retrouvée le rendait aussi fou qu’elle le sauvait.

« Si tu veux danser c’est le moment parce qu’après je sais pas si j’aurais encore envie, fit-il d’un ton railleur et monotone en glissant une oeillade suspicieuse au monde autour d’eux.

T’as pas l’impression que le monde tourne pas rond en ce moment, Bonnie ?
C’est pas juste moi qui déconne, hein ?

Bonnie, c’était le rempart d’Hermès à la folie ; parce qu’elle avait vécu les mêmes choses que lui, et qu’à deux c’était toujours mieux.

« Tu vas voir tes parents cet été au fait ou tu restes à l’appart ? »