[EVENT #8] Otília & Raven (première partie)

Au regard des circonstances et de la menace du Corbeau sans cesse grandissante, fallait-il maintenir le traditionnel gala de fin d’année ? La question se posait. Après tout, il était du rôle des directeurs, des professeurs et de tout le personnel encadrant de s’assurer de la pleine sécurité des élèves. Mais… s’ils n’étaient pas en sécurité lors du gala, comment pouvaient-ils l’être en suivant leurs cours ou en passant leurs examens ? C’était là toute la question. Ce terroriste, il avait su distiller un climat de peur et de méfiance au sein de l’établissement et même en dehors. Car c’est dans le monde entier que le Corbeau étend ses ailes et lorsque l’école indienne a annoncé vouloir aller dans le sens de ce fanatique, Otília a compris que les choses allaient devenir sans cesse plus difficiles avec le temps. Car il ne s’agit pas simplement de savoir qui sont les méchants et qui sont les gentils, mais comment défaire cette idéologie qui s’accroît sans cesse tout en entendant les colères qui grondent et qui l’alimentent.

Un sujet délicat, une réalité sensible. La pauvreté des uns, la peur de l’inconnu chez les autres, des craintes infondées chez certains, fondées pour d’autres qui se concentrent sur leur cas ou leur vécu personnel sans l’étendre au monde entier. Pour la hongroise, il est important de rester sur ses gardes, sans cesse. Sans pouvoir affirmer clairement ce qui se passe au sein même de l’établissement, elle n’est pas complètement dupe. Une grande partie des élèves sont majeurs. Eux-mêmes ne sont pas restés insensibles face au discours du Corbeau. Même si la directrice de Serdaigle – comme nombre de ses collègues – a tenu à mettre des mots sur tout ça, laissant ses élèves s’exprimer, cherchant à les rassurer, elle sait que certains d’entre eux peuvent avoir été séduits par les promesses formulées par cet homme. A l’inverse, et presque par tradition, elle sait aussi que d’autres ne voudront pas rester les bras croisés. Même à son époque, ça a toujours été ainsi… les élèves ont des idéaux à défendre, une énergie à dépenser et chez certains un jusque-boutisme à la fois effrayant et honorable.

Au milieu de tout ça, il aurait été facile d’annuler le gala. De prétendre les circonstances trop délicates… mais non. Loin d’être la seule, Otília a dans l’idée que le gala, au contraire, pourrait alléger les esprits, permettre aux élèves de se détendre, de profiter au maximum les uns les autres et de célébrer la fin de l’année comme il se doit. De quoi rentrer chez eux, ensuite, plus sereins. Oui, elle s’est dit ça et se le dit toujours, Otília. Seulement… alors qu’elle entre dans la Grande Salle décorée avec soin pour l’occasion, elle ne peut s’empêcher d’être vigilante. Très vigilante. Il suffit d’un rien pour que les choses dérapent. La chasse inter-écoles l’a bien prouvé.

Elle a participé à l’organisation de la soirée et, au moment voulu, est retournée dans son appartement se changer. Même si elle refuse de se l’admettre, chaque bal de fin d’année lui donne un coup de vieux. S’il y a bien un symbole fort de ce temps qui passe, éternel ennemi, c’est cette soirée qui marque officiellement la fin de l’année, avec une génération d’étudiants qui valident leur diplôme et s’en vont, laissant d’autres élèves les remplacer à la rentrée prochaine. Il est bien loin le temps où elle était elle-même étudiante dans l’établissement, cherchant à impressionner des cavaliers dont elle ne se souvient plus vraiment des prénoms. Loin aussi ses aspirations de femme fatale, passée la vingtaine, à jouer de ses cheveux rouges et de robes assorties. Non. Depuis qu’elle enseigne à Poudlard, elle est pleinement consciente de ce rôle qui est le sien et encore plus désormais qu’elle est directrice de Serdaigle. Ce soir, elle n’est pas là pour s’amuser véritablement. Elle est là pour surveiller, voir les élèves profiter, s’assurer que tout se passe pour le mieux. Elle trouvera peut-être le temps de danser. Elle se permettra même un verre ou deux. Mais sans aucun excès et tout en se concentrant sur sa fonction première. Sa tenue est à l’image de cette responsabilité qui est la sienne, d’une certaine façon.

Elle a fait le choix d’une simple robe longue, noire. Elle a un tombé agréable, lui descend jusqu’aux chevilles et est faite d’un tissu suffisamment léger pour ne pas donner chaud. Elle offre le haut de son dos aux regards alentours, mais rien de déplacé ou extravagant. La robe se noue en un simple nœud qui lui tombe dans les omoplates. Elle agrémente le tout de chaussures nus-pieds à lacets noirs qui lui tiennent la cheville et un collier ainsi que des boucles d’oreilles argentés. Une ceinture de tissu blanc est attachée à sa taille et permet de maintenir sa baguette magique. Elle sait que ces soirées sont souvent mouvementées, entre les élèves qui en font un peu trop, les disputes de couples et les bagarres – plus ou moins amicales – qui surgissent parfois.

Elle se présente dans la Grande Salle légèrement avant l’heure officielle du début du gala. Certains élèves impatients sont déjà présents. Des membres du personnel également. Elle sonde la pièce du regard, s’avance vers les décorations, les tables rassemblées contre les murs, le buffet… d’un coup d’œil attentif – même si elle sait que d’autres ont déjà fait les vérifications avant elle – elle s’assure que tout est bien mis en place, que rien ne menace la sécurité des élèves. D’une certaine façon, elle a conscience que c’est un peu sa soirée à elle, aussi, pour fêter une année qui se termine mais ele ne peut toutefois pas se défaire complètement de sa mission principale.

Sa tenue:

Lentement la soirée démarre et Otília se fait observatrice silencieuse. Elle regarde les élèves qui arrivent au compte-goutte et ne peut contenir une certaine nostalgique qui monte en elle. Il est vrai que ce bal, c’est toujours le plus symbolique. Il signe la fin de l’année, le départ de ceux qui ont validé leur DEMA et l’arrivée des vacances, et il est souvent celui où les élèves se font les plus élégants possibles. Les flirts des derniers mois prennent formes et s’affirment, prenant une tournure plus forte avec la perspective d’une séparation de deux mois. C’est « mignon », d’une certaine manière, toujours très fort en émotion, pour certains. Elle sait que cela avait été le cas, dans ses dernières années particulièrement.

Elle observe donc à la dérobée et salue de quelques mots les étudiants qui lui disent bonsoir. Elle n’hésite pas à les complimenter pour leurs tenues, pour la plupart, et s’amuse des danses plus ou moins improvisées qui démarrent sur la piste. Elle se fait donc discrète, bordant la zone de buffet, s’assurant qu’il y ait suffisamment à boire et à manger, lorsqu’une fois s’adresse à elle. Elle se retourne et réalise qu’il s’agit là de Raven Astakov, l’intriguant garde-chasse de l’établissement depuis la Rentrée de septembre.

« Oh, Monsieur Astakov, bonsoir. » Elle incline doucement la tête en sa direction, non sans étudier son habit. C’est bien la première fois qu’elle le voit en costard, et cela lui sied bien. Le noir, bien entendu, semble lui coller à la peau, mais elle est bien mal placée pour en faire la remarque, au regard de sa propre robe. Quant au masque qu'il porte sans cesse, elle feint l'indifférence, même s'il l'intrigue plus qu'elle ne le montre.

« J’aimerais sincèrement vous répondre par la négative, Raven. » Elle soupire doucement et murmure, comme si elle craignait que des élèves les entendent. « Malheureusement ces derniers mois nous ont bien prouvé qu’on ne pouvait être certain de rien, même entre les quatre murs de Poudlard… c’est un comble. »

Oui. Dans l’imaginaire collectif, et dans celui d’Otília (elle n’a pas honte de le penser), Poudlard a toujours été un lieu à part, un havre de paix, une zone de droit et de refuge pour les élèves en apprentissage. C’est sans doute naïf de croire que les établissements scolaires n’ont rien à craindre, d’autant que bien des événements passés lui donnent tort. Il n’empêche. Elle aimerait véritablement se dire qu’ici, tout le monde est en sécurité.

« Soyons optimistes, les élèves méritent bien une soirée idéale pour terminer l’année et j’espère de tout cœur que rien ne viendra gâcher cela. La fête débute bien et ils ont l’air heureux, c’est l’essentiel. » Elle a un regard circulaire autour d’elle et finit par reporter son attention sur le garde-chasse.

« Je suis contente de voir ici, d’ailleurs. Je sais que vous n’êtes pas forcément friand des événements comme celui-ci. Votre présence reste appréciable, tout du moins. »

Ils sont non loin d’un buffet qui propose des petits fours et toutes sortes de boissons, avec ou sans alcool, selon les âges et les préférences.

« Vous voulez boire quelque chose, Raven ? »

Elle n’a guère eu l’occasion de véritablement discuter avec son jeune collègue et bien qu’il s’agisse là de la dernière soirée de l’année scolaire, elle se dit qu’il serait temps d’en profiter un peu pour corriger cela.

« Pour célébrer la fin de votre première année en poste à Poudlard. »