E. Newton { Achevée }

Elliot, c'est malheureusement le genre de personne qui a tendance à s'intéresser et à s'investir uniquement dans ce qui l'intéresse. A son arrivée à Poudlard en tant que bibliothécaire, tout c'est très bien passé... les trois premiers mois. Dès lors, il se considérait plus comme un rangeur de livres qu'autre chose, s'était découvert une aversion pour les gamins qui laissaient traîner les bouquins sur les tables (et piiire, ceux qui les rangeaient à la va-vite dans le mauvais rayon !) et avait peu à peu perdu sa patience et le courage qui l'habitait au début. Tâches répétitives et rôle qu'il jugeait ennuyeux.

Il est possible que vous le voyiez affalé sur son bureau, en train de faire rouler poussivement une bile d'un bord à l'autre. Mais il est également probable de rencontrer une boule d'énergie inépuisable dès lors qu'on le tire de sa routine monotone. Armé de sa curiosité parfois malsaine, il n'hésitera pas à vous poser les pires des questions. D'une franchise naturelle et totalement dénué de tact, Elliot peut parfois se montrer un peu trop invasif. Et si vous ne l'arrêtez pas à temps, il est possible qu'il vous blesse sans le vouloir. Parler d'abord et réfléchir ensuite pourrait très bien être sa maxime... Car si le bonhomme a bien du mal à deviner l'état d'esprit dans lequel son entourage est, et vise la plupart du temps complètement à côté.

S'il semble soucieux des autres, il ne s'investira pas trop non plus. Tant que sa jolie façade est préservée, tant que le monstre d'égoïsme qu'il croit être reste caché, tant que sa jalousie ne perce pas, Elliot continuera de vous sourire. De vous soutenir, sans pour autant réfléchir à une solution pour vous aider. Elliot c'est un papillon. Un papillon attiré par les autres, mais qui s'y est tellement brûlé les ailes qu'il se tient à distance émotionnellement.

Un papillon trop soucieux de ce qu'on pense de lui mais qui a apprit à ne plus se laisser influencer.
Un papillon un peu bordélique qui sème ses affaires aux quatre vents.
Un papillon shooté au café.

Un vulgaire insecte.

En plein milieu du Lancashire, dans un quartier résidentiel de Liverpool se dresse une petite maison mitoyenne. Elle ne paye pas de mine vue de la rue et pourtant, comme ses voisines, elle est bien plus longue que large. Et comble du luxe, elle débouche sur un jardinet (comme ses voisines) où Janice Netwon fait chaque année pousser ses radis (pas comme ses voisines). Et comme chaque année, son fils unique rouspète que les radis en question sont trop amers. Ceux du supermarché du coin sont meilleurs. Même s’ils sont pas bio. Même ceux de la cantine le sont. Même si eux non plus ne sont sûrement pas bio. Mais ça Elliot ne le dira jamais à sa mère. Que ce qu’il mange à la cantine est meilleur que la nourriture du soir à la maison. Au début, il avait traîné les pieds pour aller à cette école moldue. Ni Jeremiah, ni Katie, ni aucun de ses cousins de Pré-au-Lard n’y allaient. C’était tante Kim qui leur faisait l’école à la maison. Alors il avait boudé. Et on avait eu beau lui expliqué en détail et par trois fois le pourquoi du comment (car eux, contrairement au reste de sa famille, habitaient à Liverpool et non dans un village sorcier, que les voisins allaient trouver bizarre qu’il ne soit pas scolarisé et que ses deux parents avaient un travail à temps plein), il n’en avait pas démordu. Oh, il avait compris, il n’était pas stupide. Mais il avait fallut attendre le début des cours et la fin de la semaine pour qu’en fait, Elliot se rende compte que mine de rien, c’était vachement chouette l’école. Et finisse par pavaner devant ses cousins et cousines avec sa tripotée d’amis et de bons points.

Le seul moment un brin délicat avait été lorsque le maître avait fait le tour de la classe en demandant les métiers des différents parents de ses élèves. Janice Newton, testeuse de balai chez Brossdur avait été cataloguée secrétaire (comme la maman précédente bizarrement) et Bartholomew Newton, journaliste émérite de Sorcière Hebdo, fidèle rédacteur de la rubrique « Courrier du Coeur » relégué au statut de garagiste. Et heureusement que personne n’avait pensé à aller vérifier où pouvait bien se trouver le garage en question… Les années se sont écoulées doucement, rythmées par les frasques plus ou moins élaborées et plus ou moins dangereuses de leur pile électrique de fils. A la réflexion, mélanger tous les ingrédients de la boîte du petit chimiste avec le voisin dans le saladier n’était pas sa meilleure idée. Monter sur le toit prendre des photos du nid de pigeon non plus. L’arrivée de la lettre de Poudlard n’a surprit personne. Pas que les pouvoirs d’Elliot se soient manifestés de manière excessives ou extravagantes (pour faire léviter le canard en plastique de la baignoire, on repassera) mais c’était de famille, et seul un arrêt à la boulangerie pour acheter des cookies fit la différence entre cette journée et les autres (à part l’arrivée de la fameuse lettre, bien sûr).

Et puis, le jour que Bartholomew redoutait tant fini par arriver. Il fallut acheter les fournitures scolaires de son fils. Il avait préparer la liste à l’avance, avait mis des petits numéros sur les différents éléments de la liste pour optimiser le temps de parcours. Mais il eut beau dire à son rejeton de tenir sa langue, il ne put l’empêcher de se faire passer pour un gamin mal éduqué. Ils passèrent à Ollivander (« Pourquoi ma baguette est toute tordue et si petite ? L’autre était plus jolie. »), chez le libraire (« Beurk, y’a plein de poussières sur les livres de cette rangée. Li-vres d’occa-sions. Ah. Bah c’est pour ça alors, non ? »), expédièrent l’apothicaire (« Dis, Papa, tu penses que le poisson était aveugle avant ou après qu’on le tue ? Parce que les yeux du bocal sont tout troubles »), récupèrent à la va-vite les robes commandées à l’avance et finirent essoufflés à l’animalerie. Bouche bée devant la ménagerie qui s’étalait devant ses yeux, Elliot fut silencieux un court instant… Avant qu’un pétard mouillé n’explose dans la boutique et que deux garnements ne s’enfuient en riant, jambes à leur cou. Avant que les animaux ne s’affolent et que les hiboux battent furieusement des ailes dans leurs cages sans pouvoir s’envoler faute d’espace. Avant qu’Elliot ne laisse échapper un couinement apeuré et ne fuit hors de la boutique, refusant catégoriquement d’y remettre les pieds. Il fut l’un des rares nouveaux arrivants sans animal de compagnie cette année-là…

Malgré une baguette (trop petite) un peu récalcitrante par moment, Elliot oscilla entre des notes médiocres et plutôt correctes, variables selon la matière et son degré d’investissement. Répartis chez les Serpentards, il se demanda plusieurs fois au cours de ses années d’études si le Choixpeau ne s’était finalement pas trompé dans sa décision après avoir longuement hésité avec la maison des Jaunes et Noirs.

Il y avait eu la fois où Melody lui avait donné rendez-vous à la volière. Melody qui lui plaisait beaucoup. Melody qu’il voyait sourire dès qu’elle remarquait qu’il la regardait. Il y avait été, malgré le lieu qui ne lui inspirait pas confiance. Tout ça pour que la Serpentard ne s’amuse à le rabaisser devant ses amies. Il s’était trompé. Le sourire n’était pas heureux. Juste remplis de moquerie. Et le souvenir restait amer dans sa mémoire et la phobie des hiboux plus prégnante. C’était cette année qu’il avait adopté Absolem. Et même les portables nouvellement introduits ne lui avaient pas fait regretter la bestiole. Après tout, les portables magiques n’allaient pas jusqu’à Liverpool, et il fallait bien transporter sa cargaison mensuelle d’Arlequins.

Il y avait eu la fois lors d’un match de Quidditch où leur équipe l’avait emporté très largement. Celle où il avait laissé éclater sa joie exubérante. Fort. Sûrement un peu trop fort au coup du septième année de Gryffondor qui l’avait affublé de cheveux roses d’un informulé et d’un regard noir. Ça avait gâché sa soirée. Alors que tout le monde faisait la fête, alors que son cœur mourrait d’envie de se joindre à la liesse, sa foutue fierté l’avait obligé à chercher un contre-sort une bonne partie de la nuit. Il s’était avéré au final que l’effet était temporaire et qu’au bout de deux jours, il n’y avait plus rien à voir. Mais Elliot avait décidé de porter fièrement ses cheveux roses durant ses deux jours, en signe de la victoire de son équipe, et avait finalement adopté la coupe, au grand damne du fameux Gryffondor.

Et d’autres fois encore avant que ses études ne se terminent. Elliot était resté un moment chez ses parents le temps de trouver un travail, et avait fini par déménager à Londres pour travailler à Fleury et Botts sur le Chemin de Traverse. L’environnement lui plaisait, l’agitation du lieu lui laissant peu le temps de réfléchir à quoi que ce soit, surtout durant ce qu’il appelait communément les périodes de crise, celles où les Poudlariens revenaient au bercail. L’extension de la scolarité à Poudlard n’avaient pas fait de mal à la boutique, qui prospérait à qui mieux mieux. A la vérité, il y avait une raison derrière le manque de productivité qui l’avait fait licencié. Il était tombé amoureux. Simplement me direz-vous. Elliot avait attendu trois longues années, indécis. Incertain. Et avait fini par se confesser à Jackson, alors qu’ils rangeaient les bouquins de l’arrière boutique. Son collègue l’avait rejeté. Et l’atmosphère au travail était devenue si lourde qu’Elliot faisait tout pour y échapper. Et si le patron ne l’avait pas licencié, sans doute aurait-il rendu le tablier peu de temps après.

Ses parents s’étaient inquiétés. A leur façon. Bartholomew avait envoyé le double de la livraison habituelle d’Arlequins. Janice lui avait ramené des radis. Et Elliot avait sourit pauvrement. Il s’était vautré dans sa tristesse pendant un mois. Et puis, sa batterie personnelle s’était rappelée à lui. Menaçant d’exploser. Alors il s’était bougé. Avait épluché les petites annonces et postuler à plusieurs offres. Poudlard avait répondu en premier, et Elliot avait rejoint le château il y a deux ans, un brin nostalgique. Et pourtant… Et pourtant, bien des choses avaient changées depuis son départ.