Ô muse, parle-moi de l'Odyssée...

Odyssea est une veille âme dans le corps d'une jeunesse de vingt printemps. Depuis la mort de Gaia, elle s'est énormément renfermée sur elle-même. La fatalité l'a atteinte: elle est comme une orpheline. Elle n'a plus personne pour la guider, pour la soutenir. Bien sûr, il y a son petit frère Ulysse, mais c'est elle la grande sœur, ce n'est pas son rôle. Et il lui en veut d'avoir quittée le logis familial. Il ne peut comprendre; il n'a pas subit comme elle le venin de leur mère. Et plus il se rapproche de leur père, plus il devient lui aussi insensible aux autres. C'est une prison que son frère ne reconnaît pas encore comme telle. Odyssea, de son côté, a cessée de s'isoler et de se complaire dans l'indifférence du monde extérieur. Elle n'est plus aussi centrée sur elle-même qu'auparavant et, de plus en plus, la politique a commencée à l'intéresser et la justice sociale. Elle est sensible aux droits des minorités, comme des cracmols, des immigrants et des hybrides. Elle s'intéresse à leur intégration sociale et leur bien-être. Elle veut redonner au monde ce qu'elle n'a pas reçue de sa propre mère.

Odyssea est très curieuse. Elle aime apprendre et est une grande lectrice de livres et de journaux. Elle aime la rhétorique et pousser la réflexion. Elle ne dit jamais non à un débat et aime poser les questions difficiles à ses professeurs. Si elle avait été moldue, elle aurait certainement beaucoup aimé les cours de philosophie (tout dépendemment du prof, bien entendu). La jeune femme est de toute évidence instruite et s'exprime avec éloquence. Cela en agace certains, comme si elle s'en vantait, quoique ce ne soit pas du tout le cas.

Odyssea est de nature méfiante. Elle ne s'ouvrira pas facilement à autrui, elle qui fut poignardée dans le dos plus d'une fois. Plus jeune, elle faisait preuve de plus de naïveté et ne filtrait pas autant ses paroles. Elle a apprit avec le temps à les mesurer. Elle tente aussi de plus écouter qu'autre chose. Elle observe beaucoup et elle analyse. Cela la rend très perspicace.

Il lui arrive souvent d'être têtue. Elle n'aime pas être contredite. C'est une femme insoumise, et souvent, ça la met dans le pétrin. Elle manque aussi d'ordre et il lui arrive de procrastiner. En fait, c'est une véritable contradiction: autant elle peut exiger d'elle-même de prendre de l'avance, autant elle peut attendre à la dernière minute pour remettre un travail de trois parchemins. Elle avait plus de difficulté à se discipliner il y a quelques années, mais les encouragements de sa grand-mère lui ont fait beaucoup de bien et elle est devenue de plus en plus confiante.

Elle excelle mieux dans la théorie que la pratique. Ses essais et recherches lui rapporteront toujours plus de points que ses travaux pratiques en Potions ou les matchs de Quidditch. Oui, la Spudmore qu'elle est n'échappe pas à l'ironie du sort: elle est une vraie gourde sur un balai. Plusieurs se sont moqués d'elle durant sa scolarité et l'ont souvent comparée à son frère, beaucoup plus habile. Ça l'a un moment complexée. Aujourd'hui, elle soutient que c'est un sport dangereux et ne saurait se faire convaincre du contraire. Elle est certainement opiniâtre. Elle n'a pas beaucoup d'amis non plus. On l'apprécie comme on la déteste. Pourtant, c'est une âme sensible et bienveillante qui a choisit d'arrêter de rêver pour enfin agir, une journée à la fois.  

Odyssea n’avait pas le cœur à apprécier la beauté de la nature qui l’entourait en cette journée d’automne. Son frère cadet, Ulysse, l’avait accompagné au cimetière dans lequel se tiendrait la cérémonie. Gaia, sa grand-mère bien-aimée, avait rendu l’âme et le vide de son absence pesait particulièrement lourd sur les épaules de sa petite-fille, qui avait perdu une mère plus qu'une grand-mère. Le cercueil allait bientôt être mis en terre et elle le regardait fixement, les larmes aux yeux. Elle chercha bientôt du regard ses parents. Elle avait cru apercevoir son père de dos chez Fleury et Bott quelques mois plus tôt et l'idée de le croiser par hasard ne l'avait pas quittée. Cela l'angoissait, mais elle espérait qu’ils auraient la décence d’être présent. Ils ne pointèrent cependant pas le bout de leur nez...

Un an plus tôt, la vérité avait éclaté au grand jour. Son père, Socratis Spudmore, voyageait souvent en Bulgarie et il avait d’étroites relations professionnelles avec la coach de leur équipe de Quidditch nationale, Katerina Ivanova. Cette relation s’était avérée être bien plus… Son père menait une double vie. C’était Gaia qui l’avait découvert, sa propre mère. Elle l'avait confiée à sa petite-fille en qui elle avait une confiance absolue. Elle comptait en parler à sa belle-fille, mais n'en eu pas l'occasion, car peu de temps après, elle tomba malade. Durant cette période, elle fit jurer Odyssea de ne rien révéler à quiconque. Cette dernière n’aimait pas soupçonner le mal, mais cette coïncidence l’inquiétait grandement… Elle craignait que son père ait quelque chose à voir dans cette histoire. Étouffer la vérité, c'était se protéger d'un scandal médiatique certain. C'était protéger sa réputation, protéger son commerce. Et pourtant, toute sa vie son père, quoique distant sur le plan émotionnel, avait été une source d’inspiration pour elle sur le plan intellectuel. C’était un homme brillant qui avait transmis à ses enfants sa soif d’apprendre. Et pourtant, elle réalisait qu’elle n’avait jamais su se confier véritablement à lui et qu’il ne s’était pas non plus ouvert à elle. Et encore moins à sa femme, Circe. Sa mère était et est toujours une femme rongée par l’amertume d’une vie conjugale décevante. Elle n’oserait quitter son mari de crainte de se retrouver seule, mais avec le temps, l'amour s'est estompé et à laissé place à un dégoût de la magie... et de sa fille. Odyssea ne comprenait pas pourquoi sa propre mère la détestait autant jusqu’au jour où elle réalisa la jalousie profonde qu’elle entretenait à son égard. Elle ne supportait tout simplement pas la complicité apparente qu’Odyssea partageait avec son mari, une complicité à laquelle elle n’avait jamais eu droit. Elle lui avait d’ailleurs confiée dans un moment de détresse que son mari ne l’avait plus touché depuis des années. Odyssea n’avait que seize ans lorsqu’elle entendit ces paroles et crut simplement que sa mère manquait de douceur envers son mari. Jamais elle n’aurait pensé qu’il fallait reprocher quoique ce soit à son père. Et pourtant, c’était un homme manipulateur et bien plus endurci qu’il ne le laissait paraître. Le jeu de l’hypocrisie, il le connaissait par cœur et il avait su gagner le cœur du monde et de ses enfants. Jusqu’à ce jour où son vrai visage apparut… Il s’accrocha désespérément à son masque, mais Odyssea ne se laissa pas berner.

Le jour où elle avait confié à sa mère le secret qu'elle avait jusque là bien gardé, son père ne se doutait de rien. Il travaillait au sous-sol, imperturbable. Elle ne savait pas du tout comment elle allait réagir, mais elle ne pouvait vivre dans le mensonge. Malheureusement, cela ne fit qu’accentuer la folie déjà naissante de Circe qui se mit dans une colère noire. Mais non pas envers son mari. Elle gifla sa fille comme elle avait toujours voulu le faire. Elle l’accusa d’être la femme adultère. De l’avoir toujours été. Qu’elle aurait dû savoir qu’Odyssea la trahirait un jour ou l’autre. Elle se mit à la frapper, une fois, deux fois, trois fois. Sa fille la repoussa brusquement et cria « papa! ». Il ne se préoccupa pas d'elle une seconde. C’est son frère qui vint la défendre et il reçut aussi quelques coups, mais sut la stabiliser. À partir de ce jour, Odyssea fit ses valises et alla vivre chez sa grand-mère. Son frère tenta de la retenir, mais en vain. Il lui reproche encore aujourd’hui de ne pas savoir pardonner. Mais comment pardonner ses parents qui jamais ne se sont repentis? Comment pardonner l'absence honteuse de son père aux funérailles de sa propre génitrice? Depuis, elle n’a pas eu de nouvelles d’eux. Pas de coups de fil, pas de lettres, pas un gallion, rien. Elle survit avec le maigre héritage de Gaia qui a eue assez d’amour pour prendre soin d’elle même après sa mort.

Elle sait que sa mère a besoin de soins psychiatriques, mais son père vit dans l’indifférence totale. Ils vivent ensemble, comme des colocataires partageant le même toit, mais vivant dans des mondes parallèles. Un monde où leur fille n’existe pas. Un monde qui ne les force pas à faire face à leurs démons. Ainsi, leurs œuvres ne seront jamais dévoilées.

Tout cela s’est produit il y a presque deux ans. Odyssea prit une année sabbatique afin de faire son deuil et dû donc reprendre son avant-dernière année de DEMA l'année suivante. Durant cette période, elle se rapprocha de son frère comme elle s'en éloigna lorsqu'il osa remettre en question la lucidité de Gaia et qu'il alla jusqu'à justifier l'adultère « hypothétique » de leur père.
Elle a beaucoup évolué, de la fillette de douze ans ayant sans cesse la tête dans les nuages à la jeune femme travaillante qu’elle est aujourd’hui. Sans Gaia, jamais elle n’aurait pu y parvenir. Elle a souvent pensée à laisser tomber les cours, à se résoudre à travailler dans la boutique familiale. Elle n’avait pas beaucoup d’ambition, car elle ne s’estimait pas beaucoup. Comment s’estimer lorsque, toute sa vie, notre mère nous rabaisse sans cesse? Son père n’était jamais intervenu. Odyssea ne le voyait qu’aujourd’hui. Il fallait que le voile devant ses yeux tombe une fois pour toute. Elle espère que celui de son frère tombera bientôt aussi. Sortir de l’environnement toxique dans lequel elle se trouvait l’a libérée de ce qui l’empêchait d’avancer. Elle a plus de force et plus de courage que jamais auparavant. Mais elle est aussi plus seule que jamais depuis que Gaia est partie...