Serpentard vs. Poufsouffle [LES GRADINS]

Je me glisse entre les supporters, des vagues d’or et d’émeraude qui se pressent contre les gradins. Les écharpes, pancartes et autres marques d’appartenances aux deux maisons étaient en bernes partout, des fanions brandis en guise d’étendards au dessus de toutes les têtes. Et moi au milieu de tout ça, simplement vêtu d’un pull noir neutre. Ca me fait un peu mal de voir à quelle point les tribunes sont pleines à craquer pour les deux favoris de la saison quand on arrive à peine à avoir tous les postes de remplis et des supporters. Je retiens un soupir. L’échec de l’équipe de serdaigle ne repose pas sur mes épaules - honnêtement je n’y ai que très peu d’impact. Je remarque la pancarte Soleil x Connor plus loin et je hausse les sourcils. Franchement c’est un peu faible comme tentative de distraction.

La voix flûtée mais motivée de la commentatrice annonce le début du match alors que les joueurs entrent sur le terrain. Ils ont tous fière allure, mais je dois admettre avoir un faible pour la tenue de mes futurs adversaires. Le vert complimente leurs cheveux qu’ils soient sombres comme ceux d’Avery ou clair comme ceux de Flora. La chevelure rose de Williams flotte fièrement au vent, capitaine redoutable des vipères. Au moins, elle ne parviendra pas à lire dans mes pensées dans cette foule, elle a mieux à faire. Mon regard perçant se pose sur mon camarade de classe. Il a l’air un peu différent, paré de sa tenue de sport, défiant l’équipe adverse du regard avec cette assurance tranquille.

Pourquoi je suis là ? Juste pour observer les stratégies de mes adversaires, bien sûr ! Quoi d’autre….

Le match débute. Balle aux poufsouffles. Ils foncent à deux reprises vers les buts mais ne marquent pas. Un léger sourire se dessine sur mes lèvres alors que la petite blonde bloque les tirs, un sentiment de fierté. Ils ne savent pas à qui ils ont affaire. Beckett récupère le souafle et fonce vers les buts. L’adrénaline monte. Il marque. Conscient de l’endroit où je me trouve, je me contente de serrer le poing et me retrousser les lèvres pour masquer un sourire. Bien joué !

C’est qu’il est redoutable.

C’est que je serai presque en train de l’encourager ? De souhaiter qu’il gagne comme une groupie assise dans les tribunes ? Tu sais que tu vas devoir l’affronter ? Crétin. Je serre mes poings sur mes genoux, les sourcils froncés. Non, son maniement du balai manque clairement de finesse ! Je relève les yeux pour observer au loin son sourire de satisfaction. Tssss…..Mon regard le suit alors qu’il virevolte et passe. Jusqu’à ce qu’un cognard traverse le terrain pour frapper la poursuiveuse poufsouffle aux cheveux roses. La pauvre. Ca a vraiment du faire mal.

Il y a des cognards perdus qui volent et frappent  les membres de l’équipe. J’ai tout juste le temps de serrer les dents pour voir Beckett en éviter un et de relâcher un soupir de soulagement. La tension commençait à monter, pour les joueurs comme les supporters, alors que les cognards entraient en collision brutale avec leurs joueurs et joueuses favoris. Et en parlant de collision…

Le regard fixé sur mon joueur favori sur l’action, je n’avais pas vu la jeune fille qui manquait de me tomber dessus. Un bric-à-brac tombe sur mes genoux. Par réflexe j’en récupère un maximum avant que ça ne tombe par terre. Je relève la tête, nos regard se croisent.

Oh je suis vraiment désolée je...  Hé, Pyjama en Satin !

Une tignasse qui part en rayon de soleil autour de sa tête, un bras mécanique et un sourire défiant la mauvaise humeur. C’était Taylor Hawkins qui se trouve devant moi, geste du destin. Amusé par ce surnom de fortune, je lui adresse un sourire, à la fois surpris mais ravi de la croiser :

Oh ! Salut Hawkins !

C’est vrai qu’elle ne connaissait pas mon prénom, nous nous étions croisé au cours de divination et nous n’avions pas eu le temps de nous présenter formellement. En tout cas la gryffondor m’avait fait une forte impression - et pas uniquement à cause de notre bon goût mutuel pour les pyjamas.

Par contre. Je regard les drapeaux verts et argent tombés sur mes genoux. Je remarque son écharpe jaune. Sa cape gryffondor. Je lui lance un regard perplexe Qui est-ce qu’elle est venu encourager au juste ? Comme d’habitude, ce n’est pas par son handicap que la gryffondor se démarque.

Tu es un fan de quidditch ? Tu es venu soutenir quelle équipe ?

La question qui tue. Coup cruel à l’égo. Je n’ose pas lui répondre que je suis poursuiveur à Serdaigle - ça serait tellement la honte d’admettre que j’étais si invisible et impopulaire. Une réponse répétée à l’avance s’échappe de mes lèvres, sur ce ton mesuré et amical dont j’ai l’habitude :

Je suis juste venu pour le sport, je n’encourage personne en particulier. Et toi ? Tu….es pour les deux équipes ?

J’ose demander en la détaillant une fois de plus de haut en bas. C’était ma seule hypothèse. Elle s’assied à côté de moi et nous regardons le match ensemble pendant un petit moment. A vrai dire le brouhaha qui règne dans les gradins n’est pas propice à de longues conversations. C’est alors que contre toute-attente, elle se lève, brandit son porte-voix et se met à hurler.

VAS-Y FENRY RÉCUPÈRE MOI CETTE BALLE ELLE EST DONNÉE !

Une partie de moi a envie de se cacher sous les bancs en se bouchant les oreilles. Mais après réflexion, il n’y a aucune chance que les joueurs me distinguent dans la foule. Je le sais, j’ai été à leur place et tout ce qu’on distingue avec la vitesse, ce sont des taches de couleurs déformées.

Toi qui voulais te faire discret…

La situation m’arrache un éclat de rire sincère que je dissimule avec ma main. Non, ça je ne m’y attendais pas.

Elle est complètement folle.

Je me surprends à aimer ça. En penchant la tête vers elle, devant forcer la voix pour me faire entendre, je lui explique:

Oui, c’est Campbell qui a marqué en premier. Et là Avery vient d’envoyer un cognard sur Kingsley. ll n’a pas l’air content. Et au passage, je m’appelle Bertram Godfrey.

Ca l’évitera de crier “PYJAMA EN SATIN” si elle me croise dans un couloir. Ou pas.

Je la regarde crier ses encouragement avec la férocité d’une lionne - ou d’un Béring de mauvaise humeur. Ca me fait sourire. J’aimerai pouvoir joindre ma voix à la sienne. Me mettre debout, ne pas m’inquiéter de ce que les autres penseront, de ce qu’ils verront : un serdaigle en train d’encourager l’équipe adverse. Parfois j’aimerai pouvoir crier, être bruyant. Vivre un peu.

Parfois j’en avais marre de ces remarques fantômes de mon enfance qui remontaient sans cesse à la surface. Tais-toi. Sois calme. Ne fais pas de bruit. Reste tranquille. Ces remarques qui m’avaient blessé par le ton, auxquelles j’obéissais à la lettre dans l’espoir de recevoir un câlin ou même une main une main qui viendraient affectueusement caresser mes cheveux.

Une silhouette familière arrive dans les gradins pour saluer l’américaine. Soleil, ma coéquipière du quidditch. Elle aussi est venue observer le match. Je la salue brièvement avant de reporter mon attention sur l’action. Moi qui voulais pouvoir observer en toute discrétion, sans me faire repérer...C’était raté. Je devais faire attention à mes moindre faits et gestes.

Floyd tente de marquer, sans succès. Le souafle passe de main en main. Quelques échanges, Williams s’approche des buts mais manque et puis…Un coup de clairon de résonne dans tout le stade.

Hein, quoi ?

A l’autre bout du terrain, Gaunt agite le vif d’or. Une clameur s’élève des tribunes des poufsouffles alors qu’ils sautent et crient de joie. Chez les serpentard se sont les protestations et les soupirs qui se font entendre. Certains sifflent. Je comprends leur déception, j’ai moi-même du mal à garder une expression neutre.

..c’était...rapide....

Mon regard retrouve mon camarade qui s’agite sur son balai, visiblement frustré. Je sais ce qu’il ressent, les poufsouffles nous ont déjà fait le coup. Seulement on dirait bien qu’ils ont perfectionné leur technique. Vraiment décevant, ce match.