quit sweet talking now, we don't give a fuck ;; waldemar

Quitter l'école le temps des vacances était une grande bouffée d'air ; celle qui m'annonçait que j'allais à nouveau passer quelques semaines dans mon pays natal. Mais avant ça, j'allais passer un peu de temps avec Wald – parce que sa spontanéité et ses idées de plans fous me poussent toujours autant à le suivre. Pré-au-Lard ? C'est pour les gamins. Les vrais vont se torcher la gueule à Londres. Alors voilà ; depuis hier, je squatte l'appartement qu'il partage avec sa sœur. J'ai dû prendre trois fringues de rechanges, mon portefeuille, ma baguette. Rien de plus. Parce qu'après tout, on risque de passer du temps à arpenter les bars, faire les cons – et surtout passer du bon temps. On empruntera les cabinets assez souvent, on dégage tout, et on y repart.

Big threat: essayer de se comprendre. Parce que Waldemar vient de Laponie, a un accent absolument dégueulasse, au même titre que le mien. On se comprend de temps en temps, mais la majorité de nos conversations se résument à des "tu peux répéter, osti d'con, j'ai rien pigé". Sauf qu'on dit pas ça pour se détester ; bien au contraire. Parce qu'on se marre en essayant de se comprendre, comme deux abrutis. Non, franchement, on aurait pas pu mieux se trouver.

C'est censé être le premier gros jours qu'on passe tous les deux. Alors pour éviter de déranger les deux, je me suis levé un peu plus tôt. J'ai été cherché mes affaires ; j'ai pris ma douche. Je ne sais pas ce qui m'est passé par la tête à ce moment-là pour avoir pensé qu'ils ne m'entendraient pas chanter sous la douche. Pas n'importe quoi en plus ; ça aurait pu être de la musique d'ici, bien plus grave, plus virile. Ben non ; tout raté. J'ai chanté des trucs venant de chez moi. De manière aiguë. Ils me prendront pour un débile qui a glissé sur la savonnette. Trop aigu, comme une nana. Pas assez masculin, alors je suis forcément décrédibilisé.
J'aurais pu sauver les meubles si ça avait été de la J-Rock.
J'ai tout foiré en chantant de la K-Pop.
Genre, c'est le truc qu'Akira écoute tout le temps. Ele m'en fait bouffer, elle en cause tout le temps avec ses copines. Elle m'infecte presque avec ce truc absolument horrible. Et j'en ai payé le prix. Bordel, j'étais vraiment obligé de subir ça ?

Je sors ; je fais comme si ne rien n'était. Je vois mes cheveux me trahir en passant de l'habituel brun à un blanc tout angélique. Puis un bleu clair pour montrer mon malaise social. Un rouge parce que j'en avais assez qu'ils n'en fassent qu'à leur tête. Non, franchement, merci maman pour ce truc que tu m'as refilé.

« Mec, t'as rien entendu, j'espère ? Dis pas oui. »

J'ai raté plusieurs prononciations. Je ne sais pas vraiment s'il va comprendre la phrase en entier. Ou s'il va la déformer pour la comprendre comme il le voulait. Quitte ou double. Putain.

« Juré j'ai pas fait exprès. J'ai cru vous dormiez encore. »

Je ménage mes cheveux pour qu'ils arrêtent leur pataquès habituel quand j'étais gêné. Ils reprennent leur forme habituel, mais ils s'éclaircissent légèrement en un rouge clair. J'ose même pas regarder Wald.

Juge pas mes talents cachés de chanteur.
Ils sont horribles.