He's definitely high. -- Ft Calypso

Cette année, c’était la sienne. Après tant de mois de luttes, Calypso était enfin parvenue à accéder au poste de ses rêves, dans un cadre qu’elle n’aurait jamais osé imaginer. La voilà professeure d’Astronomie dans l’une des plus grandes écoles de magie du monde. Quelle fierté, quel chemin parcouru. La cracmolle se pavanerait fièrement devant ses détracteurs.

Elle quitta la grande salle après le repas, sans s’éterniser. Elle avait son matériel à préparer pour cette nuit. Mars était encore visible à l’oeil nu et s’approchait de son périhélie, tandis que Vénus, au contraire, atteignait ce soir son aphélie. Pas question de rater ça. Un de ses télescopes mobiles sous le bras, la blonde s’engagea vers les parcs, vide à cette heure.

Pourtant, une silhouette, tapie contre un des imposants murs de pierre, attira son attention. Les yeux plissés tentaient de discerner l’individu. Inconnu, à priori, mais sans aucun doute un élève. Aucun adulte ne resterait prostrer ainsi au beau milieu d’un couloir. Calypso soupira. Il n’y avait personne d’autre. Cet élève était seul. Et elle l’aurait encore sur la conscience dans trois mois si elle le laissait seul.

En s’approchant, elle remarqua la légère fumée s’échappant de ses lèvres, ainsi que la petite étincelle entre ses doigts. Elle posa son télescope à quelques mètres du jeune homme. Ce n’est qu’une fois devant lui qu’elle constata sa robe grise. Son coeur se serra ; c’était injuste de désigner les cracmols ainsi. Il n’y avait pas de robe blanche pour les sang-purs ou autre pour les nés-moldus. Non, on ne différenciait qu’eux. Calypso s’était jurée en arrivant ici d’abolir cette règle stupide.

« Bonsoir jeune homme. » L’adolescent s’était isolé, planqué sous sa capuche, et fumait autre chose que du tabac. Il était évident qu’il n’avait pas besoin d’une leçon de moral, ni sur le couvre-feu, ni sur les effets néfastes de la fumette. Une autre fois, peut-être. Elle ne distinguait pas son visage. D’une voix douce, elle reprit la parole. « Je peux m’asseoir à côté de toi ? » Mais si elle ne le connaissait pas, il ne devait pas la connaître non plus. « Je suis la professeure Ypsilàntis, j’enseigne l’astronomie. Tu peux m’appeler Calypso si tu préfères. »

L’adolescent retira sa capuche, ainsi que son casque. C’était un bon début : il acceptait le contact. A son tour, après un long moment, il se présenta. Calypso prit cet acte comme une réponse affirmative à sa question. Elle se positionna en tailleur à côté de lui, le dos posé contre les pierres froides. Elle prêta tout de même attention à la façon dont tombait sa robe. Il ne fallait pas la salir, ni qu’on en voit trop.

Pas plus perturbé que cela par sa présence, Joshua, presque entièrement recroquevillé sur lui-même, inspira à nouveau les substances nocives. Calypso était quelque peu décontenancée. Même si, dès son arrivée, elle s’était montrée rassurante, nombreux auraient été les élèves à s’excuser mille fois et à la supplier de ne rien dire. Surtout un Serdaigle. Soit. Par la même occasion, il lui confia que personne n’en aurait quelque chose à faire, si elle prévenait quelqu’un. Ses parents, entre autres.

Son coeur se serre à cette pensée. Elle ne pouvait que le comprendre. Calypso n’était pas une adolescente qui avait mal tourné. Cependant, elle aurait mis sa main à couper que ses parents n’en auraient rien eu à faire, si elle s’était attirée des ennuis, si elle avait fugué ou si ses fréquentations devenaient douteuses…

La blonde n’avait qu’une envie, à ce moment : savoir ce qui tracassait ce garçon, et faire en sorte de l’aider. « Bien, je ne vais pas m’encombrer d’un appel inutile, dans ce cas. » confia-t-elle avec un sourire. Pendant de longues secondes, elle se contenta de rester silencieuse. Elle cherchait la bonne manière d’aborder Joshua. Elle ne le connaissait pas, il pouvait se fermer à tout moment ou s’énerver. Elle pouvait lui poser des questions, peut-être sensibles ou indiscrètes, ou parler d’elle, en lui affirmant qu’elle pouvait comprendre.

Finalement, Calypso opta pour la seconde solution. « Les miens non plus n’auraient pas été très préoccupés par un appel. » Si elle savait que Joshua était un cracmol par sa cape, lui n’avait aucun moyen de connaître sa nature, à part par les bruits de couloir. « Après tout, ils auraient sûrement été ravis que je disparaisse. C’est pas évident, d’être le cracmol de la famille. » La jeune femme tourna légèrement la tête vers lui, lui adressant un regard voulait dire “tu en sais quelque chose, n’est-ce pas ?”

La réflexion avait eu l’effet attendu. Joshua la dévisageait sans aucune retenue. Il était surpris. Peut-être même vraiment choqué. En fait, ça l’avait presque blessée plus qu’elle ne l’avait imaginé. Ce regard persistant, cette question si soudaine, si naturelle. Même les cracmols eux-mêmes ne croyaient pas en leur intégration, en leur place qu’elle s’évertuait pourtant de leur créer. Elle ne pouvait pas tout faire. Ils devaient croire en eux pour que ça marche.

Calypso inspira profondément. Elle avait déjà eu à faire à ce genre de situations, à ce genre de personnes Elle avait toujours eu la force d’expliquer, de convaincre. Ce soir n’était pas différent. ll fallait redonner envie à ce jeune homme. Sa bouche se tordit en une grimace un peu gênée. Elle avait sous-entendu sans vraiment le vouloir que ses parents la détestaient. La vérité n’était pas si… catégorique. Oui, un énorme malaise avait régné durant des années, mais aujourd’hui, ils avouaient ressentir de la fierté pour leur fille. Calypso s’accrochait à ce sentiment. Aujourd’hui était différent. Demain devait l’être pour Joshua, Andy, Annaëlle, Harry, Linus, Lilibel… Tous ces êtres sans magie mais pourtant si précieux. La magie ne faisait pas la personne.

« Mes parents, mon frère, ma tante, toutes ces personnes sont doués de magie. Je fais partie de ce monde. Pourquoi serais-je partie ? Ce sont mes racines, mes origines. » Elle soupira. Il y avait toujours au fond d’elle cette terrible frustration, comme une épée de damoclès prête à transpercer son coeur. Un jour, le monde magique la chassera et elle ne pourra rien y faire ; elle ne sera plus à la hauteur. « Leur atout, c’est leur magie. Ils s’en contentent, pour la plupart. Moi, j’ai développé d’autres capacités. » Sa main s’ouvrit afin de compter sur ses doigts ses nombreuses compétences. « La détermination, le travail, l’organisation. Je sais me battre et me débrouiller sans baguette. As-tu déjà désarmé un sorcier ? La plupart ne savent pas se tirer d’un conflit sans leur précieuse arme. » C’était vrai. Bon, certains se révélaient doués en informulés ; cela lui posait d’ailleurs un problème puisqu’elle ignorait comment les contrer.

Nouveau soupir. A l’époque, elle n’avait pas pu accéder à l’enseignement de Poudlard, de Beauxbâtons, d’aucune école de magie. Aujourd’hui, ils le pouvaient. Elle leur en voulait de ne pas saisir cette chance. Pourquoi elle était restée affiliée au monde magique, hein ? Ce n’est pas faute d’avoir essayé autre chose. L’université française ne lui avait pas plu. La vie moldue ne lui ressemblait pas. Cette existence n’était pas la sienne. « Ma place a toujours été ici. »