Et prie, que le corbeau ait pitié de nos vies — EllaっRachel

Ella ne dormait plus. Du moins presque plus. Elle n’en pouvait plus de laisser son inconscient remettre sur la table les idées noires qui traversait son esprit dans tout les sens. Alors elle se shootait, complètement, avec des trucs qu’elle fabriquait, ou qu’elle piquait à l’infirmerie. Pour dormir au moins deux heures sans que le corbeau ne puisse s’infiltrer dans ses rêves. Et le reste du temps, elle buvait un café fort, mangeait du sucre, pour que son corps s’articule avec un peu de vivacité. Mais les cernes sous ses yeux la trahissait.
Elle devait faire quelque chose. Elle n’était pas assez égoïste pour laisser faire le corbeau. Elle savait ce qu’elle encourrait, mais elle ne pouvait pas rester la tête dans l’eau, inerte.

Alors elle errait dans le château, entre deux cours. Et soudain, au loin, elle voyait Sullivan. Sullivan qu’elle connaissait sans connaître depuis si longtemps, dont la position était bien trop trouble pour qu’elle soit particulièrement fidèle à la cause.
Ella s’avançait vers elle, et la bloquait.

« Il faut qu’on parle Rachel, tu le sais. »

Sa collègue ne lui opposait pas grande résistance, mais lui offrait un regard si sombre qu’elle aurait pu la transpercer. Ella soufflait, et l’entraînait dans la première salle qui se présentaient à elles.

« Assieds toi, je sécurise, j’en ai pas pour longtemps, mais au moins on sera tranquille. »

Elle murmurait une formule, et dans la paume de sa main gauche, le long de ses doigts, les lignes fines de ses tatouages apparaissaient. Avec une épingle, elle se coupait le bout du majeur et fit couler un peu de son sang sur sa main, avant de la poser contre le mur. En moins d’une minute, elle fit le tour de la pièce en dessinant du bout des doigts des symboles qu’elle connaissait par coeur. Cette formule, elle la travaillait depuis qu’elle avait tenté de quitter l’organisation.

« voilà, j’ai bloqué la pièce, normalement, même lui ne pourra pas nous déranger, du moins pas pour longtemps. 10 minutes maximum. »

Elle s'asseyait sur une table, face à Sullivan.

« Il faut qu’on l’empêche de s’infiltrer dans l’école comme ça. On doit dissuader les élèves, quitte à en neutraliser certains. C’est trop dangereux pour eux. »

Elle avait fait un signe de guillemets avec ses mains en disant neutraliser. Hors de question qu’elle n’assassine ses élèves.

Les mots de Rachel étaient comme des claques, cinglantes. Ella était si fatiguée, si pleine de colère et de désespoir, Ella pensait à moitié et mettait sa mère encore plus en danger. Elle ne voulait pas être responsable de la mort de sa mère. Pourtant, elles étaient devenues des étrangères. Ella ne l'avait presque jamais connue, vue en coup de vent, de manière clandestine, interdite, et lourde de conséquences. Ella était devenue un fantôme pour sa propre mère, qui avait perdu les pédales, et ne se rappelait plus de rien, pas même de son enfant. Un légume dans une chaise, qui attendait qu'on s'occupe d'elle et souriait distraitement quand on lui prenait la main. Mais Ella ne pouvait se résoudre à l'abandonner, et préférait sans aucun doute mourir dignement que vivre avec la culpabilité d'avoir causé la mort de sa propre mère.
Mais pourtant, il y avait ces vies, et même si ces gamins n'étaient rien pour elle, elle s'en voulait. Au moins autant que pour sa mère.

« Mais les protéger Rachel, c'est aussi les protéger de lui, merde il est inconscient d'employer des mômes qui sont pour la plupart complètement paumés et regretteront s'ils ne le font pas déjà de s'être rangés derrière lui ! »
Elle crispait son poing sur la table, son corps traduisant ses émotions. Elle qui connaît tout d'ordinaire, avait envie d'exploser de mots et de coups.

« Il nous a nous déjà, pourquoi il a besoin d'enfants ? On est pas suffisantes ? Il me tient par la gorge Rachel, je le trahirais pas, plus jamais, et je me fiche qu'il fouille dans nos mémoires plus tard !»
C'est vrai, elle ne trompait personne, malgré son flot de pensées incessantes, qui devait certainement submerger le corbeau à chaque fois qu'il s'immisçait dans ce bordel qui lui servait de mémoire, mais elle haïssait ce sentiment d'impuissance face à lui. Elle jouait dangereusement avec la patience de celui qui détenait sa mère, c'était vrai, mais elle avait déjà tant de honte, qu'elle préférait dresser, autant qu'elle le pouvait, des barrières qu'il finissait par briser.

« On est déjà en danger Rachel, et toi bien plus que moi. »
Elle fixait tour à tour les mains de Sullivan, cherchant l'alliance, puis le ventre arrondit, qui abritait son enfant.

« C'est ton enfant, qu'il prendra ensuite, tu le sais au moins ? »
Oh, elle dépassait certainement une borne. Elle en avait tant franchit, des limites en une conversation. Mais elle avait cette rage qui lui donnait envie de pousser Rachel jusqu'à ce qu'elle réagisse, qu'elle fasse tomber le masque de résolution et de fatalité infecte.

Elle savait ce à quoi elle s’exposait. La flamme dans les yeux de Rachel, toute cette colère qui hurlait par ses pupilles. Ella aurait presqu’eu un rictus amusé, si Rachel, vive comme l’éclair, dans un réflexe tenant plus du moldu que de la sorcière, ne l’avait pas saisie à la gorge, enfonçant les doigts dans la peau fine de son cou. Presqu’aussi vite, pas assez pour l’empêcher de l’attraper, Ella avait levé la main pour se défendre. Et fini par agripper le poignet de sa collègue, qu’elle serait avec force.
c’est une menace ?
Ella était trop concentrée sur sa respiration rendue difficile par la pression sur sa gorge, pour répondre, et leurs colères respectives et mutuellement incompréhensibles, ne leur permettaient pas à communiquer autrement que de la haine dans leurs regards.
Presqu’aussitôt, Rachel relâchait la gorge d’Ella, et s’éloignait, comme une tempête furieuse qui fracassait tout sur son chemin. L’alchimiste reprenait son souffle, passant le bout de ses doigts sur sa gorge, tandis que ses yeux ne lâchaient en aucun cas sa camarade.
Va sauver ces gosses, si tu veux. Je ne participerais pas au suicide.

Elles n’étaient en cet instant, rien d’autres que des animaux blessés, mobilisant leurs dernières forces pour s’entre déchirer plutôt qu’autre chose.
Ella expirait, résolue. Rachel ne l’aiderait pas. La discussion n’avait plus aucun intérêt. Si ce n’est les mettre encore plus en danger, pour pas grand chose. La fatigue la tiraillait et elle hésitait, à capituler. Pourtant il le fallait.

Un soupir s’échappait d’entre ses lèvres, et elle se dirigeait vers la porte, le pas lent. Elle posait ses doigts sur la première pierre qu’elle avait effleuré en entrant dans la pièce, et annulait le sort. Les symboles compliqués, tracés avec son sang, s’effaçaient de la pierre en un instant. La main sur la poignée, elle se tournait finalement vers sa collègue.

« Tu me parles de mission suicide Rachel, mais on est déjà mortes, il faudrait que tu t’en rendes compte. »

Elle se trouvait idiote, avec ses mots pleins de fatalité. Elle se trouvait toutes deux idiotes, d’être tombées dans cette organisation, des années plus tôt. Dans les yeux de Rachel, elle voyait ses propres erreurs, alors qu’elles ne savaient finalement pas grand chose de leurs vies respectives. Le mal était fait. En tout point.
Elle quittait finalement la pièce, refermant la porte derrière elle.