[EVENT #8] Interrogatoire Jay & Renard (troisième partie)

Jay n’avait pas ouvert la bouche depuis qu’on l’avait emmené hors de Poudlard ; à la fois pour contenir sa colère, à la fois pour observer le plus possible son entourage, et à la fois pour se protéger, des fois qu’on veuille encore le piéger.
Il ne comprenait décidément pas comment il avait pu se retrouver là. Depuis l’arrestation, il n’avait de cesse de se remémorer le fil de ses souvenirs récent dans l’espoir de trouver un détail qui puisse expliquer sa situation, quelque chose, un malentendu à éclaircir peut-être, quoique ce soit sur lequel il puisse avoir un quelconque contrôle.
Mais il n’en était rien.
Il ne savait si c’est bon ou mauvais signe.

Les poignets liés dans le dos, enfermé dans la salle d’interrogatoire aux côtés de Renard tandis qu’un auror visiblement atteint de loghorrée verbale n’avait de cesse de leur chercher la petite bête, Jay était soudain pris d’une irrésistible envie de rentrer chez lui.
Quand l’autre Poufsouffle prit la parole, ses épaules se tendirent aussitôt.
Il était des leurs. Il avait tenté de tuer.
Et Judy alors ?
L’avait-il mise en danger ?
L’avait-il embrigadée elle aussi ?
Il se recentra quand son nom fut énoncé, et se retenant de poser les questions qui affluaient dans sa tête à Renard, il se contenta de lui lancer un regard noir avant de prendre la parole.

« Je n’ai rien à me reprocher, fit-il, laconique. Sondez mon esprit si ça vous chante, je n’ai rien fait qui justifie cette arrestation, quelles que soient vos soit-disant preuves, elles sont bidon. »

Il s’efforçait de parler d’un ton calme et de poser sa voix, mais le bout de ses doigts ne s’empêchaient pas de trembler de peur à l’idée d’être jugé et privé de sa liberté pour du vent.

« Je n’ai pas d’avocat dans le monde magique, répondit-il ensuite à la première question de l’auror. »

Sa famille avait déjà dû être alertée à l’heure qu’il était –ça ne faisait qu’empirer la nervosité de Jay. L’idée même d’imaginer sa mère, impuissante face aux lois de ce monde dont il faisait partie et pas elle, à tourner en rond dans sa grande maison où elle se retrouvait souvent seule quand son beau-père partait en tournée de son côté, et qu’il résidait à Poudlard, le rendait malade.
Quand il avait rejoins les Renards, c’était pour la protéger ; aujourd’hui, coincé entre des aurors qui lui voulaient du mal et un traitre qui avait abîmé celle qu’il aimait, il en venait à regretter son choix.
Jay n’était qu’un adolescent ; rien de tout ça n’aurait dû lui arriver maintenant.

L’indifférence de Renard l’irritait ; l’entêtement de l’auror à ne pas expliciter les raisons de sa présence plus encore.

« Je veux savoir quelles preuves vous prétendez avoir contre moi, fit-il en faisant de son mieux pour occulter la présence de l’autre garçon –et pour retenir la flopée de jurons de circonstance qui n’avait de cesse de vouloir forcer le sceau de ses lèvres closes. »

Garde tes conseils pour tes propres gosses, j’ai pas attendu qu’un mauvais flic vienne me dire que ce type est dangereux pour choisir mon camp, songeait-il si fort qu’on l’avait peut-être entendu.

« Des papiers, ainsi que des témoignages d'actuels détenus. Deux complices de The Crow qu'on a coffré la semaine dernière affirme que tu étais à toutes les réunions organisées depuis Février. Et la legilimencie l'a prouvé. Qu'as-tu à dire pour ta défense ?
— Quels complices ? Quelles réunions ? Je ne suis au courant de rien, et si votre expert en legilimencie est digne de ce nom il aura tôt fait de s’en rendre compte en m’examinant. À moins d’être somnambule ou victime d’Imperium à mon insu, je suis innocent. »

Jay eu un rire amer qu’il peina à retenir devant l’auror obstiné. L’absence de logique dans toute cette histoire l’ahurissait tant qu’il se demandait toutes les cinq minutes s’il vivait vraiment ce qu’il se passait, s’il n’était pas coincé dans une simulation absurde de son monde où s’il n’était pas en train de délirer après avoir respiré trop de fumées aux effets douteux en cours de potions.

« Vous êtes au courant que ma famille sont des moldus n’est-ce pas ? Pourquoi irais-je me rallier à quelqu’un qui voit mes proches comme des moins que rien et légitimerait par ses idées et ses projets de lois que des sorciers radicaux puissent s’en prendre à eux ? »

La réponse de Renard, quand bien même avait-elle pour but de l’aider, ne faisait que le rendre plus à cran. Renard savait, il était au courant et il s’était vendu lui-même –pourquoi semblait-il se complaire dans cette indifférence mélancolique au lieu de coopérer et aider activement ceux qui n’avaient rien à voir dans ces histoires et dont il savait les noms ; et pas juste lui, tous ceux qui avaient été embarqués injustement.
Jay ne comprenait pas, ça ne faisait que le frustrer davantage.

« De toute évidence je suis le moins renseigné au sujet des corbeaux dans cette pièce, il conclu en se renfonçant dans son siège, le dos collé au dossier. Je n’ai rien fait, et je ne suis sûrement pas le seul innocent que vous avez coffré ce soir. »

Il songeait à Edwyn, à Dorothy, à ses camarades qui s’étaient naïvement levés avec lui pour espérer contrer The Crow et ses idéologies fumeuses. Et s’il ne pouvait malheureusement pas se convaincre lui-même à cent pourcents qu’ils n’avaient eux non-plus rien n’à voir dans cette histoire, il voulait tout de même y croire.

L’issue de l’examen de legilimancie le rassura plus qu’elle ne l’aurait dû –comme si par leur insistance, ces foutus aurors avaient presque réussit à le convaincre que peut-être, éventuellement, il aurait pu se rendre inconsciemment complice d’une quelconque association avec l’oiseau maudit. Presque.
Jay ne retint pas un soupir de soulagement ; a priori, les choses allaient s’arranger pour lui –pour Renard, il n’en savait rien, mais le pauvre fou s’était sûrement déjà damné le jour où il avait décidé de lever sa baguette contre la mauvaise personne.
Jay n’en n’était pas moins dégoûté pourtant. Ils avaient perdu un temp précieux à investiguer sur des enfants innocents plutôt que sur les réels coupables et depuis son perchoir, le Corbeau devait se fendre la poire en deux devant la débâcle.
Du gâchis, pur et dur.

Il n’écoutait plus vraiment ce que se disaient les aurors entre eux ; soulagé quant à son cas, Jay se laissa aller à se détendre un peu plus sur son siège, et son regard vaqua contre le mur qui lui faisait face. Il ne remarqua pas tout de suite la silhouette sombre qui se détachait derrière la fenêtre, mais ce masque, ce maudit masque le fit bondir de sa chaise sur ses deux pieds en le ramenant à la réalité d’un seul coup.
Complètement perturbé, il fixait la fenêtre où il ne distinguait plus rien avant de baisser les yeux vers Renard, qui, il en était persuadé, l’avait vu aussi.

« …C’était ? Lui ? parvint-il à articuler, une peur soudaine lui rendant la parole plus compliquée et la voix plus rauque qu’à l’accoutumée. »