Comment réagir ? Comment lui parler ? Elle sait jamais trop Brennan, c'est pas inné de se retrouver face à un autre monstre cogneur comme elle. Le seul qu'elle a vraiment apprivoisé, c'est Payne mais ça fait des années. Figaro, c'est récent. C'est une partition qu'elle galère à jouer, toute en dissonance et bémols. Tantôt les mineurs graves et froids, tantôt les majeurs doux et joyeux. Il est énigmatique, Fig. Ami ou pas, elle n'en sait rien mais ils partagent les mêmes couleurs, c'est la même famille au sens figuré et désormais, ils partagent la même bannière sportive. Alors, Brennan efface les premiers contacts électriques du passé et se concentre sur l'avenir.
Ils ont perdu tellement stupidement, sur un coup de chance. Pas qu'elle déteste Aslan, du tout, mais sur ce coup… Brennan pense quand même que c'est un petit merdeux au cul bordé de nouilles et qu'il a dû serrer les fesses pour amortir le choc de sa main contre le vif d'or. Puis, au fond, que c'est un attrapeur vraiment brillant et il a gagné tout son respect en même temps que le premier match de l'année.
Elle a donc proposé une petite séance en tête-à-tête à Figaro. Les deux petits noobs qui grind de l'expérience en se tapant le menu fretin. Ils ont tapé trop haut dès le début : quelle idée de commencer par Béring et Aslan, le duo de bosses de fin ? Et bizarrement, Fig a accepté. Résigné ou conciliant, peu lui importe, tant qu'ils s'améliorent pour les prochains matchs. Alors après les cours, Brennan se hâte à grands pas vers le terrain de Quidditch. Dans sa tête passent des dizaines de plans d'entraînement pour cet après-midi. Les deux aux cognards ? En poursuiveurs ? L'un fait ci, l'autre fait ça ? Echange de poste ? Le dernier cas ferait sûrement très plaisir à Figaro, permettrait peut-être de briser encore un peu plus le mur de glace sibérien qu'il a érigé autour de lui.
D'un geste pas encore trop sûr - elle en a pourtant rêvé depuis sa première année, - Brennan enfile sa tenue et noue ses cheveux dans un chignon serré au maximum. Pas un cheveu ne doit dépasser quand elle bat, c'est la règle qu'elle s'est fixée. C'est comme au kung-fu : l'angle mort doit
toujours être libre et chaque mouvement de tête, un regard ne doit
jamais être entravé, sous peine de se prendre un coup mal anticipé. C'est elle qui cogne, elle qui envoie ses armes contre les autres mais rien n'a jamais empêché un adversaire de la viser elle.
Puis elle l'aperçoit, il attend. Patiemment ?
Elle s'approche et ne se sent pas naturelle. Elle sourit mais l'assurance n'est pas autant présente qu'avec un Payne ou un Ollie. Où sont-elles, ces émanations radieuses que réfléchit son sourire si blanc ?
«
Salut Figaro ! Contente que tu sois venu. Faut pas qu'on s'enlise dans notre défaite merdique, sinon on va couler et se faire écraser par les autres équipes. »
C'est tacite mais ça, Brennan le refuse. Figaro semble comprendre ce qu'elle veut dire et lui balance, l'air de rien, un petit peu de sa hargne. La brune la saisit au vol et réplique, un sourire en coin.
«
J'suis pas devenue batteuse pour la tendresse du poste, faut qu'ça tabasse sinon ça sert à rien. J'vais pas te réduire en pulpe non plus, mais t'inquiète pas que je vais pas faire du tricot tout doux avec toi. »
Et elle n'a servi à rien. Tristesse de la réalité. Dure réalité en vérité. Brennan n'a même pas pu faire de tricot non plus, tout s'est terminé trop vite. Défaite amère mais l'esprit sport est là : toujours mieux, toujours plus fort.
C'est quand ils se mesurent l'un à l'autre verbalement qu'ils deviennent égaux, naturels. Frères d'armes.
Elle jette un coup d'oeil aux mains un brin tremblantes de Figaro mais ne dit rien. Sûrement de l'anticipation. Ou l'habitude d'avoir frappé quelque chose un peu trop longtemps et trop fort, IronNan en sait quelque chose.
En écoutant l'autre Gryffondor, elle enfourche son balai et fait tourner sa batte nonchalamment. Son sourire sort subtilement, inconsciemment pendant qu'elle hoche la tête à ce qu'il dit. Lui aussi a dessiné des plans dans sa tête.
«
Comme tu veux ! Je suis pas une flèche sur mon balai vu que je préfère le côté brutal mais on peut s'entraîner aussi pour toi. Faire des pointes de vitesse, des demi-tours et des passes. J'te préviens juste que j'irais pas jouer les potiches devant les buts, t'auras autant de chance de marquer avec ou sans moi en gardienne. »
Sur ça, Brennan est loin d'être polyvalente. Pourtant, elle doit saisir le moment où frapper un cognard et calculer la trajectoire contre une cible en mouvement à la vitesse de l'éclair. Mais arrêter un souafle qui file vers les anneaux, non. Pas possible. Sûrement un traumatisme dû à ses années d'école primaire où on la mettait dans les buts et qu'elle mangeait chaque ballon qui passait avec le front ou le nez. Souvent volontairement avec le front, mais ça faisait mal à la fin. Et où elle renvoyait rageusement le ballon, quel qu'il soit, vers ses coéquipiers.
«
Sauf si tu veux que je te renvoie le souafle dans la tête. Réflexe instinctif de brute invétérée. Elle dit en haussant les épaules comme si c'est naturel. »
Elle tape du pied à terre, geste si simple mais si important, afin de prendre un peu de hauteur et invite Figaro à la suivre d'un mouvement du menton. «
Allez, on va t'entraîner toi d'abord et on lâchera un des fauves rondouillards après. J'suis sûre que tu crèves d'envie de te mesurer à un cognard donc tu taperas avec moi. »
Derrière eux, elle montre la seconde batte qu'elle avait caché dans les plis de sa tenue et à côté de laquelle elle fait rouler la sienne, du haut de son balai flottant à un mètre du sol. Puis elle file dans les airs en laissant à Figaro l'honneur de prendre le souafle.