[défi poufsouffle][fini] snežana en solitaire ✽ jeune bourgeon

Snežana avait plus de mal que jamais à suivre ses cours d'histoire,
ces derniers temps. Toutes les dates se mélangeaient, et elle orthographiait à peine correctement les noms des sorciers connus, sans compter tous ces noms d'endroits terriblement anglais qui finissaient par shire dans lesquels elle finissait invariablement par s'emmêler les pinceaux. Soufflant sur le bout de sa plume fuchsia avec un profond sentiment de désespoir, elle ne fut même pas soulagée par la fin de l'heure, et resta un peu avec monsieur Fitzroy pour lui demander de revérifier avec elle l'écriture plus que cafouilleuse des noms propres, ou au moins de fournir un genre d'aide mnémotechnique pour qu'elle cesse de mélanger l'intégralité de la carte d'Angleterre.

Enfin, elle allait pouvoir remonter dans sa chambre, et passer quelque chose de plus confortable que cet uniforme qui la faisait ressembler à un genre d'abeille géante et qui, selon elle et malgré ses discrètes modifications, ne lui allait pas du tout. Et elle était en train de songer plus particulièrement aux délicieux moments de sieste qu'elle allait pouvoir s'offrir avant le dîner lorsqu'elle entendit un bruit légèrement inquiétant, comme un genre de petit...couinement triste? Non. Ce n'était pas un couinement. Presque un genre de lamentation étouffée. Mais de là ou elle était , aucun moyen d'identifier la personne qui pouvait bien l'émettre. Et si c'était encore un cracmol ou un moldu qui s'était fait emmerder?

La pensée traversa comme un flash le crâne de la jeune femme qui pesa l'espace d'un instant le pour et le contre. Si c'était bien le cas, il fallait s'y rendre le plus vite possible et rouler avec force et fermeté sur la mère de l'emmerdeur. Mais elle aurait des problèmes, sans doutes, et reverrait encore Madame France dans son bureau pour la même raison que les fois précédentes.
L'engueulade de Madame France?
La justice rendue sur le champ, et la protection assurée?

Madame France devait en avoir autant marre qu'elle, songea Snežana en faisant demi-tour, et peut-être qu'elle ne serait pas convoquée cette fois-ci, finalement. Elle fit craquer ses imposantes phalanges, prit son air le plus menaçant (ce qui est relativement peu évident lorsque l'on ressemble à un marhsmallow géant), et se rendit sur les lieux du crimes pour y retrouver...

Le Moine Gras.

Ah.

Peut-être avait-il vu ce qu'elle recherchait?
Le son qui sortit à nouveau la fit changer d'avis. Merde, alors, c'était le Moine Gras qui était dans cet état. Qu'est ce qui avait bien pu arriver au pauvre homme, qui était pourtant et de loin le seul fantôme d'humeur également joyeuse de Poudlard? Snežana l'aimait d'autant plus qu'il avait été, à de nombreuses reprises, d'une gentillesse incroyable à son égard, et elle n'aurait pas supporté de le voir une seconde de plus triste comme les pierres sans rien faire.

Timidement, elle s'approcha, et réfléchit à la tournure de sa phrase. Elle n'avait pas pour habitude d'interpeller les fantômes en plein milieu des couloirs, et ne savait pas exactement comment s'adresser à lui.

"Excusez-moi...Monsieur Moine?"

Zut, c'était un peu ridicule. La demi-géante se sentit drôlement maladroite, d'un coup d'un seul. Mais elle ne pouvait pas le laisser tomber maintenant. Et rose jusqu'aux oreilles, elle reprit.

"Vous...vous n'avez pas l'air très en forme. Est-ce que je peux faire quelque chose pour vous?"

Elle posa son sac par terre, et le regarda d'un peu plus près, avant de tenter de sourire faiblement. Si même les fantômes étaient tristes, maintenant...

Mince, alors. Le Moine Gras avait vraiment mauvaise mine, et son discours fit comme l’effet d’un petit déjeuner au plomb à la demi-géante. Si même lui ne croyait plus à la bienveillance qui pouvait régner au cœur de Poudlard, alors, c’en était fini de tout. Le dernier pilier de bonne humeur de l’établissement s’effondrerait, et le moral global avec. Il fallait absolument que la jeune fille fasse quelque chose, mais elle n’était pas bien sure de quoi. Elle caressa un instant l’idée de l’emmener discuter autour d’un thé, avant de se rappeler que le bon moine était mort et que le thé s’écraserait certainement sur la chaise au lieu de son estomac, puis pensa l’instant d’après à aller contempler la beauté du château et de ses statues de l’extérieur, sans en être réellement convaincue. A la place, sortit un vague borborygme gêné, qui ressemblait plus à une excuse qu’autre chose.

« C’est vrai que c’est pas facile, en ce moment, avec la rentrée qui a mal fait commencer tout le monde, mais...Tout le monde est pas comme ça, monsieur Moine. Il faut pas vous laisser abattre. Il y a encore des gens qui s’aiment et qui sont gentils les uns avec les autres, je vous promet. Regardez, par exemple, ma meilleure copine Alaine. Elle est toujours là quand j’arrive pas a retenir mes cours pour m’aider à les apprendre ! Bon, je suis toujours pas très forte, mais c’est gentil de sa part. Et puis, il y a aussi... »

Mais qui d’autre ? Bien sur, elle aurait pu lui parler de ses copines encore longtemps, mais c’était son avis, très subjectif. Et elle aurait bien aimé quelque chose de plus global, de plus…
Et soudainement, dans son crâne rose, la lueur fut.

« Je sais ! Monsieur Moine, je peux vous montrer un secret ? Mais il ne faut pas en parler, parce que sinon, Lola risque de m’en vouloir. C’est notre truc a nous, vous comprenez ? »

Snežana se rua sur son sac, et entreprit de sortir une pile de parchemins à classer avant de trouver l’objet de sa convoitise : un cahier rose, soigneusement relié, et conservé avec soin dans une petite pochette en tissu ornée de chatons.
Un peu timide, elle lui montra, priant pour que ce soit une bonne idée.

« C’est notre carnet, avec Lola. Et dedans...vous promettez de ne pas vous moquer de moi, hein ? Mais dedans, on a écrit les noms, et on a essayé de dessiner tous les gens de Poudlard qui s’aiment. Pour garder une trace, et parce que euh... »

La Poufsouffle était à présent rouge jusqu’aux oreilles, et elle n’osa même pas croiser le regard du fantôme/

« Parce que c’est chouette, les gens qui s’aiment. Vous voulez le regarder ? »

Snežana se para de son plus large sourire en entendant parler le Moine Gras. Il était intéressé, alors? C'était formidable! Son visage revint rapidement à sa teinte normale, et elle se hâta de s'installer par terre confortablement pour poser son grand carnet sur ses genoux. Une fois que ce fut fait, elle s'assura que son interlocuteur pouvait bien voir les pages de son petit secret, et tourna la première avec délicatesse.

Sur la première page, richement décorée, se trouvait une petite aquarelle d'Alaine, entourée de fleurs et de petites gommettes pailletées, et entourée des plus beaux garçons de Poudlard. On pouvait voir ça et là un Prewett blond réputé pour sa gentillesse, mais aussi un étrange être mi-humain mi-être de l'eau, ou encore un poufsouffle aux cheveux blancs réputé adorable. Mais aucun n'était relié directement.

"C'est la page que je garde pour Alaine, mais j'ai laissé de la place. J'ai essayé de ne mettre que ses amis et des garçons gentils, parce que je la vois mal avec quelqu'un de vilain, et j'ai pas envie qu'on lui fasse du mal. Mais j'ai tellement hâte de pouvoir dessiner son futur amoureux!"

Elle tourna la seconde page du bout des doigts, et se mit à rougir jusqu'aux oreilles avant de tourner rapidement la troisième page. Le Moine Gras avait pu voir s'étaler en grand devant ses yeux un crayonné de Joey et Snežana s'étaler sur toute la page avec moult coeurs et moultes phrases romantiques, et la jeune fille n'avait pas l'intention de commenter ce passage qui lui, n'appartenait qu'à elle.

"Oups."

Ce commentaire sobre devant être la seule chose qui sortirait de sa bouche à ce sujet, elle admira plutôt la troisième page du cahier sur laquelle dansaient ensemble un garde chasse à la chevelure argentée et un moldu brun, les yeux dans les yeux, avec une expression de bonheur tracée avec soin.

"Ici c'est Earl et Silas...enfin...Monsieur le Garde-Chasse. Ils sont amoureux, et c'est super chouette, et moi je les trouve mignons tous les deux même si on les vois pas souvent ensemble. Mais c'est pas évident, avec l'école et tout, donc c'est déjà super courageux."

Elle passa quelques autres pages avec des commentaires du même style, en s'arrêtant néanmoins longuement sur celle désignant Geoffrey et Béring accompagnés de touts petits blaireaux fleuris, et elle expliqua rapidement la création de la toute petite statuette de blaireau pour l'ancien capitaine de l'équipe de sa maison, avant de tomber sur une page au milieu du carnet, qui lui arracha un éclat de rire nerveux.

Au milieu de celle-ci trônaient ensemble le Moine Gras, l'air aussi gentil qu'a l'habitude, avec dans ses bras la belle Hina Enthwhistle qui riait. La jeune géante détourna rapidement le regard et tenta de se justifier comme elle le pouvait.

"Et ça...euh...ben...vousetesgentilelleestbelleeteuhvoilà."

Voilà un incident qui lui apprendrait à ne plus jouer à la bonne samaritaine sans réfléchir.

Snežana n’est pas très à l’aise lorsqu’elle entend la remarque du Moine Gras, et se renfrogne un peu. Est-ce qu’il se moque d’elle ? Non, ce n’est pas le genre du Moine, habituellement si gentil. Et puis il semble rire un peu, ce qui la réconforte. Après tout, elle était tout de même là pour ça, et pas pour lui montrer ses chefs d’œuvres.

« Désolée, monsieur Moine. C’était idiot de ma part. Je vais l’enlever, si vous voulez. Peut-être même que vous voudrez la garder, si ça vous fait rire ? »

Question idiote, demi-géante, car les fantômes ne peuvent pas se saisir d’une page de cahier, et encore moins la transporter avec eux, mais elle n’y pense pas, pour le moment, trop soucieuse de bien faire pour que le Moine puisse sourire à nouveau. Elle caresse la page du bout des doigts d’un air pensif.

« Je ne sais pas si vous voulez en regarder d’autres ? Quand je suis pas en forme, je sais que moi ça me fait du bien… Même si je n’ai pas d’amoureux, moi, ben j’imagine les autres qui s’aiment et c’est bon pour le moral. »

Une autre idée lui vient, cependant, et elle s’empresse de tourner les pages pour tomber sur une page vierge, et sort sa trousse remplie de stylos de toutes les couleurs. Ça, ça devrait le distraire, ce cher fantôme. Elle lui jette un regard absolument radieux, qui fait plisser le coin de ses yeux, et pointe du doigt l’espace vide devant elle.

« Si vous voulez, cette page est pour vous ? Vous me dites ce que je dois mettre dessus, et je le dessine, comme ça ça vous fait une vraie page avec zéro bêtises écrites dessus. C’est peut-être mieux comme ça, non ? »

Elle dodeline de la tête, enchantée.

Elle a vraiment eu une très bonne idée.

Avec un bonheur non dissimulé, la demi-géante se met à l’ouvrage, traçant deux visages arrondis au centre de sa page avec un crayon à papier, puis deux corps un peu ronds qui s’enlacent, qu’elle repasse avec soin avec un feutre à pointe moyenne de couleur noire. A chaque étape, elle vérifie si le Moine Gras est satisfait, et avance selon ses conseils. Les deux jeunes gens seront bruns, décide t’elle, alors qu’elle remplit avec application les contours soigneusement traçés, et ils seront amoureux eux aussi, alors elle rajoute des petits cœurs avec un soin presque excessif.

Puis elle passe au reste des couleurs, ça prend du temps, mais elle s’applique et met toute son âme dans ce tout petit dessin destiné au Moine Gras. Une fois qu’il est terminé, elle signe d’une plume très ronde, et agrémente son ouvrage d’un petit « Pour Monsieur Moine » à l’encre indigo. Elle le regarde, l’œil plein d’espoir, et lui montre le résultat final.

« J’espère que ça vous plaît. C’est pour vous. Et si jamais vous avez pas le moral, je vous le remontre. Parce que nous, si on est heureux d’être à Poudlard, ben c’est beaucoup grâce à vous aussi, alors si on peut vous rendre la pareille même un tout petit peu c’est important. »

Elle laisse son carnet ouvert, et sourit en le regardant, un peu rose. Elle a le sentiment d’avoir fait quelque chose de bien, aujourd’hui. Un peu comme un super-héros du bonheur rose bonbon.
Elle aime bien l’idée d’être un super-héros.