Power of your smile ♢ Nassim

Dans l’ombre imposante du père se cache un enfant pétri d’admiration. Chacun de ses pas est emboité avec fierté depuis le plus jeune âge, et le petit met un point d’honneur à imiter chacune de ses attitudes, triturant avec application une barbe imaginaire et tentant de nouer avec un succès relatif des serviettes de table autour de sa tête. Car il est impressionnant, le père, de par sa taille, de par sa stature, et de par ce qu’il fait dans la vie. Et il crâne, Nassim, auprès de ses amis.

Mon papa a moi, il est trop fort, et il a acheté une équipe de Quidditch.

Et quand il sera grand, Nassim, il lancera des sorts comme son père, et il aura une équipe de Quidditch aussi, et ce sera le meilleur sur un balai, et lui aussi il aura un grand appartement à Dubaï, et une belle maison en Angleterre, et il vivra avec Leila, et il lui offrira des chevaux qui volent, parce que les filles aiment bien les chevaux qui volent, et surtout il aura une longue barbe comme lui, et tout le monde le trouvera aussi formidable que son père est formidable dans le regard de cet enfant de quatre ans.
Confié avec sa sœur aux soins d’une nourrice pendant les premières années de sa vie, il restera à construire cette image de père parfait parcourant les océans pour venir les voir régulièrement, trop occupé à voler sur des balais avec les plus grands joueurs du monde de Quidditch, ou encore explorant les dunes du désert comme un prince, attendant seulement que son fils soit assez grand pour le rejoindre. Et ils vivraient heureux, et l’avenir s’annonçait tout à fait appréciable.

C’était sans compter sur l’absence crasse de pouvoirs de Nassim.

Si Leila s’avérait plutôt réceptive aux affaires de magie, ce n’était clairement pas le cas de son frère, qui s’évertuait pourtant à tenter de faire réagir quelque chose, un petit truc, n’importe quoi. Mais rien n’y faisait, et bientôt, l’argument avancé par la nourrice que « ça prend plus de temps chez les garçons, c’est normal »ne fut plus valable.

Le couperet était tombé.

Nassim était cracmol, et tous ses rêves de grandeur sorcière aux côtés de son père venaient de voler en éclats. Rapidement, ses leçons sur l’empire financier du père furent données à Leila, et non plus à lui. Son nom fut remplacé par le sien, petit à petit. Et le père, son rêve d’enfant, cet être formidable, posa sur lui un dernier regard empli de mépris avant de ne plus le regarder du tout.

Et Nassim avait tout simplement fini par disparaître. Leila avait pris sa place, à son grand regret, et plus personne n’avait d’aspirations pour lui. Même entrer à Poudlard ne le soulagea pas de sa peine, et il détesta son uniforme gris les premières années de sa scolarité dans l’école. Et si l’Angleterre le ramenait constamment à sa condition de cracmol, Dubaï était devenu un enfer, au contact constant de ses parents qui n’en avaient que pour sa sœur.

L’équipe de Quidditch de son père n’était même pas si bonne que ça, en fin de compte.
Même la douceur de Leila avec sa personne n’aurait pu calmer la rancœur du jeune adolescent. Personne ne voulait de lui, alors ?

Alors il n’avait plus rien à faire là.

Et un soir, dans la tiédeur mourante des grandes villes africaines, il fit son sac, laissa un mot à Leila promettant de revenir la chercher quand il serait riche, et il s’enfuit dans la nuit.

Un jeune seul ne pouvait pas aller bien loin, et ce fut un homme bedonnant avec l’air jovial accompagné d’un enfant de son âge qui remarqua son air perdu entre les lumières brillantes de la cité.

Evidemment, il fallait l’amener au poste de police le plus proche, et le ramener chez lui. Mais pendant le trajet, sous la houlette bienveillante de l’homme, Nassim s’intéressa de plus près à son fils, et à son étrange machine qu’il tenait entre ses mains. C’était une console de jeux, comprit-il un peu tard. Et si un moldu pouvait y jouer, alors, lui aussi. Et au cœur de ce jeu, quelque chose d’encore mieux, passion naissante, documentée d’un ton expert par le jeune Ibrahim.

Le football.

Le temps d’un été, après une engueulade mémorable et une sœur morte d’inquiétude, il devait s’absenter pour découvrir les arcanes secrets du ballon rond avec Ibrahim. Cependant, un mystère restait entier.

TW: référence à la religion:

Ce fut l’été de la scission. Sa décision était prise, mûrie, et réfléchie. Il allait quitter le monde des sorciers, et rejoindre ceux qui l’avaient accueilli à bras ouverts. Il deviendrait moldu parmi les moldus, et avec un petit peu d’aide de sa débrouillardise et une potion ou deux, il deviendrait un homme puissant et juste, un modèle digne de ce nom, et il serait adoré de tous.  

A sa grande surprise, son père refusa net.

Il était hors de question de rajouter l’injure à l’humiliation, selon lui, et Nassim n’irait nulle part d’autre qu’à Poudlard, et vivrait et mourrait dans le monde magique, que ça lui plaise ou non. L’envie de fuguer une seconde fois se fit ressentir, mais ce fut Leila qui l’en empêcha, en lui indiquant une marche à suivre bien moins déraisonnable. Et un accord fut trouvé, en secret. Il finirait ses études, et lorsqu’il disparaîtrait dans la masse des moldus, elle le couvrirait, en finançant son départ et en l’aidant à grimper rapidement les échelons de quelque manière que ce soit.

TW: référence à la religion:

C’était bientôt fini, tout ce merdier.