Tes mèches qui se collent à ton visage.
L'effort qui creusent tes traits comme un sillage.

T'as tellement forcé que t'es sur le point de crever. Tes mains s'agrippent au manche de ton balai avec force. Tu la contrôles plus, cette rage qui fait gronder ton coeur. T'étais devenu l'allégorie de l'agressivité. Une tempête que personne ne pouvait plus arrêter. Un cyclone sur le point de tout dévaster.

Et tu te nourrissais de leur douleur. Comme une source d'énergie insatiable. Tu te vengeais de leurs plus sombres peurs. Comme la mort. Mordu par le sort, tu piques vers le sol.
Fin de journée il fait encore chaud. Mais l'herbe est humide. Et tes baskets s'enfoncent dans la boue. Tu regardes la paume de tes mains... et tu étires un sourire d'effort. Elles sont irritées, la peau à blanc, à sang. T'aurais pas du serrer aussi fort.

C'était dans la souffrance que tu trouvais réconfort.
Tes sens ne te trahissent pas. Décuplés, ils perçoivent une présence. Que tu pouvais reconnaitre en mille. Car elle n'avait pas à craindre ton gourou.

— « Je sais que tu te caches, montre toi. »

Montre toi, Yucca.

— « Ne te dissimule pas à moi. »

Tes prunelles se colorent d'une lueur d'or. La bête prend le dessus quelques instants. Et tu grognes, comme un chien errant. Tu descends de ton balai, le tenant sans réelle conviction à ne pas le lâcher.

— « Tu es venue m'encourager pour le match de demain ? Je l'attraperai ne t'en fais pas. »

Et alors tu tends la main vers là ou tu savais qu'elle se trouvait. Là ou tout tes sens te criaient. Et tes doigts s'ouvrent vers cette petite balle dorée, même couleur que tes yeux, aussi rapide que tes jambes, aussi complexe à saisir que ses doigts qui pendent.

— « Je l'attrape toujours. »

Yucca est le symbole mortifère de l'échec. Elle est ce que tu as peur de devenir... prisonnier d'une ère que tu ne peux plus acquérir. Ne plus sentir tes doigts se saisir de la victoire.
Errer et observer la vie des autres défiler, comme le reflet de sa propre fin, comme le spectateur inerte d'une série dont on ne serait jamais plus le héros.

Yucca flotte et te file le vertige. Le comble pour un joueur de quidditch. Elle est fascinante mais elle te force à t'évertuer à ne pas ressentir de pitié. Par respect par cette fille, mais pourtant la tristesse du mouvement las de ses cheveux, qui tombent sur son dos grisâtre, t'apparente à une épreuve supplémentaire.

— « Tu es toujours libre de te dissimuler dans un des casiers. Ce n'est pas ton regard vide qui pourra réussir à me gêner. »

Tu t'avances vers elle, tenant fermement le manche de ton balai sur le bas côté. Sa remarque arrive à te faire rougir, et tu fronces directement les sourcils. L'orage gronde et le tonnerre tonne. Ce n'était pas le plus beau jour de printemps. Il avait fait chaud et l'averse allait se montrer, impatiente.

— « Moi, c'est ton attitude à faire semblant d'en avoir quelque chose à foutre que je trouve magnifique. »

Elle te réassure et tu bombes le torse, presque fier d'avoir gagné la confiance... d'une personne décédée. A cette pensée, ton sourire disparait et ton visage n'exprime désormais qu'une colère sourde. Pourquoi diable était-ce toujours toi qui récupérait le mauvais rôle? Qu'est-ce qu'elle te voulait? Pouvoir vivre à nouveau à travers tes exploits ? Comme si tu étai au final une extension d'elle même, de ce qu'elle aurait pu être si ses pieds touchaient encore le sol.

— « Yucca. »

Tu ne sais même pas pourquoi tu oses l'appeler par son prénom. Pourquoi étais-tu aussi familier ?

— « Je ne suis pas en colère. Je vais gagner un match, guider mon équipe vers la coupe de quiddich, demain. Je suis en pleine forme. »

Menteur.

— « Me croirais-tu si je te disais que je le fais pour toi ? »

Acteur.

Yucca tapait ou ça faisait mal. Dans le coeur et dans le sens, là ou l'essence même déborde du coeur. Sauvage et transparente, mais pas moins indélébile. Elle t'encre de sa voix stridente, t'agresse de sa presque vie. Comment pouvait-elle se tenir devant toi après avoir trépassé ?
Tu n'avais jamais réussi à intégrer l'existence des fantômes même si tu étais un sorcier. Cela te paraissait trop abstrait que des êtres morts mais vivants avaient pu l'être réellement un jour. A par le corps, qu'est-ce que la Mort avait bien pu leur arracher ?

— « Tu ne changeras donc jamais avec les années. »

Figée dans le temps comme une poupée de cire, poupée de son. Elle était ta poupée de sang, horreurs et visions indécentes quand ton regard croise le paysage à travers elle. Tu t'en veux mais elle te file des frissons, l'angoisse de la sentir derrière toi, invisible et indicible mais pourtant i n d é l e b i l e.

— « Mais si, ça t'apporte ce sourire qu'aucun des fantômes que j'ai pu croiser ici n'a réussi à éxecuter. »

Egayer et étirer ses traits blafards te provoquaient secrètement petite fierté. Tu n'aurais la prétention de quoi que ce soit, surtout quand on parlait de Yucca. Mais l'ironie et la dérision, c'était ta spécialité et elle pouvait sentir ça.

Mais le tien se perd, de risette amusée tu repasses vers le connard ennuyé, heurté dans son ego masculin et périmé.

— « Je n'ai pas pitié de toi. »

Tu l'avais déclaré d'un ton suffisant mais sincère. Tu la respectais un minimum et on t'avait appris à ne pas avoir pitié des morts, mais plutôt des vivants.

— « J'ai pitié de ta famille, mais je n'ai pas pitié de toi. Tu es morte. Tu ne ressens plus rien. Eux doivent encore vivre avec ton absence. »

Tu t'assois dans l'herbe, le vif d'or frétillant sur ton genou.

— « J'ai menti. Je suis un déchet, et je suis crevé. »

Les transformations puisaient en toi trop d'énergie et de vivacité. Alors il était nécessaire que le quidditch et le sport puissent te libérer.

— « Mais je n'ai pas menti sur une chose. Que je vaincrai pour toi Yucca. Comme chaque année. Ce n'est pas une question de compassion ou de pitié. J'en ai tellement rien à carrer crois-moi. C'est une question d'honneur. D'honneur de joueur à joueur. »