"I will always remember that first day, our first smiles, our looks. From that day when everything started."
Plus de trente-six heures d’avion.
Bien plus de 7 023 miles à vol d’oiseau à cause des escales.
Tu te promets que plus jamais tu ne feras ça, c’était un enfer.
L’avantage, c’est que tu as pu visiter le Caire durant les vingt-deux heures d’escales en Égypte. Charmant, peut-être un peu trop désertique pour toi… le sable c’est la merde, heureusement, tu allais dans une forêt.
Dans une forêt qui ne ressemblerait à rien de tout ce que tu as connu. Une part de toi est terrorisée et l’autre est plus qu’impatiente.
Tu as eu aussi droit à la capitale de l’Éthiopie, Addis-Abeba, mais en deux heures, tu n’as rien pu faire. Au vu de ton billet de retour, tu auras cinq heures à glaner là-bas, ça sera l’occasion de te rattraper.
Complètement déphasée, tu regardes autour de toi.
Tu n’as jamais quitté le Royaume-Uni jusqu’ici et heureusement, ton père t’avais fais un passeport il y a longtemps, encore valable, une chance.
L’air est différent ici, la chaleur est étouffante.
Tu te sens si prêt du but.
Enfin… encore 200 miles à faire quasiment.
Visiblement, tu n’avais pas beaucoup d’options face à toi : trouver quelqu’un pour t’y amener en voiture ou le tenter à pieds.
Quand tu étais petite, avant qu’elle ne débloque, ta mère t’avais appris un peu sa langue de naissance. Tu as été intelligente Olympe pour continuer à l’apprendre seule, bien que beaucoup de choses soient traduites en anglais, ta langue maternelle.
Au vu du dépliant qu’on t’a fourni, tu en aurais pour approximativement soixante heures à pieds, contre plus de quatre en voiture.
Il faut vraiment que tu trouves quelqu’un pour le début au moins, te doutant bien que tu n’atteindras pas ton grand-père avec une voiture. La curiosité te ronge depuis que tu as vu ta mère, elle n’a jamais parlé de sa famille avant… tu trouve même étrange qu’elle t’envoie vers eux alors qu’elle a été mordue.
La paranoïa refait son retour.
Il faut que t’assoies.
C’est quelques minutes plus tard qu’elle t’apparus pour la première fois.
Les cheveux bruns, mais pas noirs, des reflets miel dedans et ils étaient étrangement lisses avec des petites tresses. Elle était élancée, mais pas d’ici, aucun trait africain sur son visage… plus amérindienne, bien que sa peau fut trop foncée à cause du soleil pour que tu en sois certaine. Ses yeux étaient bleus, d’un bleu profond, mais brillant.
Elle s’approcha et c’est sa voix qui te fit lever la tête.
« Salut, t’es perdue ? »Rapidement, tu te redressas, mais elle était plus grande que toi. Son anglais était bien, presque sans accent, mais tu captais une ressemblance avec certains à l’école et surtout, il te rappela Avera. Américaine donc, du moins, à la base.
« Euh… ouais, je dois me rendre dans la réserve à okapis et... » Elle te coupa sans gêne.
« J’y vais, si tu veux, je peux te déposer. » Son hospitalité te faisait tiquer, mais tu acceptas d’un mouvement de tête et elle t’emboîta le pas. Trouvant quand même que tu avais
beaucoup trop de chance de tomber sur cette fille...
L’esprit embrouillé, tu la suis, t’essayes de réfléchir et vous êtes déjà à sa voiture. Un vieux modèle qui doit bien polluer et pleins d’éraflures. Un de tes sourcils se lève, de plus en plus intriguée.
« Je devine à ton accent que tu es anglaise, c’est pas commun, mais j’adore ! » Voilà qu’elle engage la conversation… « On me dit souvent que je n’ai plus trop d’accent, mais je suis originaire des USA, Dakota du Nord, réserve indienne de Spirit Lake et toi ? » « Londres. » Simple et concis. Elle trouve ça cool et elle ouvre le coffre de sa voiture, sûrement pour que tu y déposes ton sac.
« Oh ! J’oubliais les présentations... » Elle se retourne et l’odeur de l’intérieur de sa caisse te chatouille les narines.
« Nokomis Sóba, enchantée ! » Sa main se tend vers la tienne et soudain, ton instinct sauvage réagit : saisissant son poignet, tu lui tord le bras et presque tu l’obliges à se mettre à terre.
Cette odeur, si semblable à la tienne.
Depuis le début, elle sait.
C’est peut-être une chasseuse.
Pourtant, tu n’as pas le temps de grogner que déjà elle s’explique.
« Éh ! Tranquille jeune louve ! C’est pas parce que je sais ce que tu es, que je vais te faire du mal. Je suis de ton côté. » Tu jauges les battements de son cœur, l’éclat de sincérité dans son regard et tu la relâches. Nokomis se redresse en se massant le poignet.
« Wouah, t’es pas une native pour rien. » « Pardon ? » A cran.
Comment sait-elle ?Un rire s’échappe de ses lèvres et tu te retiens de lui arracher la tête.
« Les natifs ont toujours les yeux ambrés, dorés, un peu jaunes, voire, carrément orangés… mon père en est un. » Ce coup-ci, tu en perds la mâchoire. T’es claqué Olympe, alors un rien semble t’étonner.
Mais d’où sort cette fille par Merlin ?!Tu inspires un grand coup, reniflant son odeur.
Elle en porte plusieurs, beaucoup de loups, mais elle… elle n’en est pas un. C’est juste une fille, enfin, certainement une sorcière, quoique, tout n’est que supposition, tes sens sont carrément hors services.
« Allez, donne moi ton sac et vas t’installer dans la voiture. » Tu lui obéis, trop jet laguée pour le lui refuser uniquement pour la forme. Seulement quelques secondes s’écoulent avant qu’elle ne s’assoit derrière le volant.
« Prête ? » Tu lèves un pouce en l’air, sourire forcé et elle démarre.
* * *
La plus grande partie du trajet fut silencieuse.
Tu avais pleins de questions, mais pas la force de les poser, tu devais d’abord te reposer Olympe, remettre ton cerveau en place.
Quand tes paupières se sont relevées, cela faisait plus de deux heures que tu dormais. Nokomis t’accueillit avec un salut amical, comme si vous étiez amies de longue date. Baillant et t’étirant comme tu le pouvais, tu fini par lui demander :
« Il nous reste encore beaucoup de chemin ? » L’indienne calcula avant de donner sa réponse.
« Un peu plus d’une heure en voiture, après il faudra marcher, un moment. » Tu acquiesces encore la tête dans le cul, mais ça va mieux.
Le silence s’installe à nouveau.
Presque une demi-heure.
Tu pensais qu’elle était bavarde, mais en fait non… enfin, peut-être qu’elle te laisse surtout récupérer.
« Olympe. » Elle tourne la tête dans ta direction et tu grimaces.
« Regarde la route ! » Un large sourire étire ses lèvres en même temps que son regard se repose sur… le chemin, parce que clairement l’asphalte était inexistant.
« Olympe Nasha Errol. Enchantée. » « C’est super beau, je pense que tout le monde aura plus tendance à t’appeler Nasha pour le coup… au fait, tu peux m’appeler Komi. » Tu jettes un coup d’œil dans sa direction.
« Ok. »Doucement, tu te redresses Olympe.
« Dis… pourquoi les natifs ont les yeux euh… facilement reconnaissables ? » Nokomis pourrait se moquer, mais elle n’en fait rien, comme si c’était un plaisir pour elle de combler ton ignorance.
« Parce qu’ils naissent avec le loup en eux, contrairement aux mordus. Vous êtes si… ah, je pense qu’on aura cette conversation plus tard Nash. » Tu écarquilles les yeux. Déjà, parce qu’elle t’affuble d’un nouveau surnom et aussi parce qu’elle coupe cette conversation qui semblait si… intéressante.
Ce n’est pas pour si peu que tu te laisses abattre Olympe.
« Donc… ton père est natif et… pas toi ? » Une ombre passe sur ses traits.
« C’est ça, mais ça ne m’empêche pas d’être une redoutable sorcière et un puits de sagesse pour les égarés comme toi. » Tu accuses la pique, acceptant pour la première fois que tu es perdu.
Plus pour longtemps.
C’est facile de t’en convaincre.
« Mais… tu n’es pas du tout une louve ? » Nokomis fait non de la tête.
« Ma mère est chamane dans ma tribu, mais à cause de mon père nous avons dû partir. » Elle marque une pause.
« Tu verras, dans une meute, il y a des règles et certaines quand elles sont enfreintes ont des conséquences redoutables. » Cela ne te surprend pas, par contre, tu es un peu dérangée par ce sentiment de jalousie qui t’envahis Olympe. Tu aurais voulu connaître ce qu’elle a connu, vivre avec les tiens et apprendre leurs règles.
« Je ne suis pas une louve, mais un jour, j’en serais une. » Tes sourcils se froncent et tu la fixes, plus curieuse qu’incrédule.
« Je cherche, ou plutôt, j’attends l’alpha que je choisirais de suivre. » Cette fois-ci, tu te tournes vers elle.
« Pour lui demander de te transformer ? » Elle acquiesce énergiquement.
« Tu as grandi dans une culture qui t’as appris à voir ce qu’il y a en toi comme une malédiction, j’ai évolué dans une culture qui m’a appris que c’était un cadeau, un don du Grand Esprit. » C’est bien la première fois que tu entends ça, tu es complètement choquée, les yeux exorbités et la bouche entrouverte. Nokomis ne semble pas pouvoir retenir un rire.
« Crois-moi Olympe, tu ne te rends pas compte de la chance que tu as. »Non ça, c’est clair !Délicatement, tu te rassois droite dans le siège.
Les miles filent.
« Je suis la petite fille de Tayib Siaré. »Nokomis manque de vous envoyer dans le décor.
Tu n’as pas le temps de bondir de rage que déjà elle rebondit :
« T’es la fille de Rubi ?! » De plus en plus choquée Olympe, de plus en plus.
« Oui, mais… stop. Tu connais ma mè... » « Non ! J’étais pas encore ici quand elle est partie, mais ton grand-père est Conteur de la meute et c’est aussi un natif. » « Hein ? Mais ma mère est une mordue. » « Oui je sais, mais regarde… moi aussi, enfin, je le serais. Tu sais, c’est ultra rare d’être natif avec un seul parent loup. » Toutes ces informations commencent à t’agiter.
« Et moi ? » Nokomis hausse des épaules.
« Du moment qu’on a un parent loup, il nous transmet forcément des gênes, même s’ils ne sont pas actifs et qu’ils ne s’activent pas plus tard, pourtant, c’est la… la nature de fille de natif de ta mère, puis de mordue qui a dû activé un truc. » Un soupire t’échappe.
« La génétique... » Vos regards se croisent et vous explosez toutes les deux de rire.
Soudainement, le chemin devient limite praticable et tu es obligée de t’accrocher pour ne pas chavirer.
Au bout de plusieurs mètres, ta camarade de route lance un sort avec ses mains et la barrière de roches et de végétaux qui vous faisait face disparaît pour laisser place à une cavité où elle gare et éteint la voiture.
Tu la suis à l’extérieur du véhicule et tu vas récupérer ton sac Olympe. Nokomis elle aussi en a un et lentement vous sortez de la grotte. La magie de protection et de dissimulation se remet en place. Vous voilà au milieu de nul part.
« On va devoir continuer à pied. » Tu fais signe à Nokomis que tu n’as aucun problème avec ça et que tu es prêtes à la suivre sans problèmes. Elle décide de rapidement t’expliquer deux trois trucs.
« Bon… on va suivre la rivière Lindi, tu dois l’entendre. » Effectivement, en contre bas, mais elle est un peu loin. Nokomis ne doit pas la percevoir, elle te le dit parce qu’elle sait, que tu peux l’entendre Olympe. Tu hoches de la tête.
« Il y a pleins de bestioles ici, beaucoup que tu ne connais pas, ça peut devenir rapidement dangereux… alors, soyons prudentes. »Tu n’as pas l’habitude qu’on te dirige, surtout en forêt, mais tu ne connais rien à l’Afrique et aux créatures exotiques magiques qu’il peut y avoir et puis même… tu n’as pas envie de te battre contre une panthère aujourd’hui.
« T’inquiètes, je suis pas suicidaire. Je te suis. »Tu lui souris et elle aussi.
Juste avant de vous enfoncer dans la forêt.