We could be beautiful. ---- FT Arsene

La rentrée était toujours synonyme de beaucoup d'ennui. Il y avait le retour de toutes ces personnes répugnantes dans sa vie. Entre les cracmols, les hybrides et tous les débiles qui défendaient leur cause, elle était servie. Leur faire la vie dur n'était ni un loisir ni un plaisir pour Arsene. C'était plus fort que ça, c'était un devoir, une mission. Il fallait les faire fuir de ce château ; les faire déguerpir de son chemin. Il fallait qu'ils sachent qu'elle était là pour les détruire, et qu'elle y parviendrait un jour ou l'autre. Cette année elle était plus déterminée que jamais à leur faire oublier l'idée même de dormir.

Et bien sûr, elle s'était décidée dès le premier jour, à la seconde où elle posa son pied sur le quai. Elle avait observé la foule d'un regard absent quand la scène - horrible scène - d'un amoureux transi lui donna la nausée. Elle secoua la tête et monta dans le train d'un pas pressé.

Arsene n'avait pas d'amis, personne ne regretterait son absence dans son compartiment. En revanche, elle pouvait faire regretter sa présence, et pour ça elle était douée plus que quiconque. Elle avait accéléré le pas, analysé d'un regard à travers les vitres les personnes qui siégeaient déjà.

Et l'amoureux transi était là, assis, pratiquement larmoyant - pathétique. Elle ricana, s'invita sur le siège devant lui, et sa voix résonna fort.

— Joshua Buchanan, quel plaaaisir !

S'il savait à quel point elle le pensait.

— Vous êtes si adorables, vous les laiderons, à vous rassembler, vous unir ! Mais épargne donc mon âme sensible, la prochaine fois ne le fais pas en public, mon ange.

Elle le reconnaissait maintenant, son amoureux transi.

— J'ai cru que j'allais vomir.

Pensait-il être à l'abri de son courroux ? Pensait-il qu'elle n'avait pas remarqué qu'il fuyait son regard ? Un sourire carnassier avait creusé les joues de Arsene qui ne regretta pas une seconde d'être montée dans ce wagon. Quelle chance inouïe de se retrouver là, face à lui. Elle avait trouvé le meilleur passe-temps qui soit pour faire de son trajet une activité moins contraignante. Elle croisa une jambe sur l'autre, et posa son coude sur le rebords de la fenêtre. Chacun de ses gestes, chacune de ses mimiques, était étudié pour le prendre en otage, et sa remarque la fit pleurer de rire.

Oh, Arsene n'avait pas de problèmes avec les couples gays, ou en tous cas elle s'en persuadait si fort que même elle y croyait. Ce n'était pas tant qu'il soit homosexuel. Ou si, ça l'était exactement, mais elle ne s'en rendait pas compte elle-même. Arsene était encore bien aveugle sur les maux qui se terraient au fond de son coeur pourri.

—  Un problème avec les couples gays ? Oh, mon ange..

Elle salua néanmoins son courage, elle ne le connaissait pas si vaillant. Était-ce parce qu'elle s'était attaquée à ce qui comptait vraiment ? D'habitude, elle ne dénigrait que lui, elle n'en venait pas à piétiner son copain. Jusqu'à présent, elle ne savait même pas qu'il en avait un. La preuve qu'elle ne s'intéressait à rien.

— C'est pas après les couples gays que j'en ai, c'est après les couples moches. Et ça, c'est intemporel, ma biche.

Elle soupira d'une condescendance malade et s'enfonça dans le fond de sa banquette, décroisant les jambes pour les recroiser dans l'autre sens.

— C'est une question de décence. Vous pourriez choquer des gens, pire : des enfants. Franchement, deux monstres qui se lèchent, moi ça me choque.

Le train avait démarré, et personne n'était venu le sauver.

Elle avait toujours adoré de se sentir puissante ; influente. C'était pour ça qu'elle ne s'entourait que de personnes faibles, fragiles, de personnes influençables et qui avaient besoin de quelqu'un pour les guider – ou les écraser. Elle considérait Joshua dans cette seconde catégorie ; ces personnes-là incapables de se défendre qui attiraient à eux perfidies par leur différence.

Oh, ce n'était pas si mal, d'être différent. Mais pour Arsene, c'était inacceptable ; parce qu'elle l'était, et refusait de l'admettre. Elle l'était, et ne voulait pas ; elle faisait semblant, elle voulait croire qu'elle était adaptée à cette société malade.

Elle détestait Joshua, d'une haine profonde et jalouse ; à lui qui se permettait d'assumer ce qu'il était, à lui qui se permettait de lui rappeler à quel point elle était superficielle. Il la rendait folle. Et elle le rendait fou par pure vengeance de ce châtiment qu'il lui infligeait.

— Et c'est de ma faute si t'en es incapable ?

Elle haussa les épaules, et soupira d'un air nonchalant qui lui allait bien. Elle, elle avait appris à se défendre si tôt qu'elle en était devenu le bourreau. Mais il ne fallait pas s'y méprendre, toutes ses attaques n'étaient là que dans le but de la protéger.

De vérités trop dures à avouer.

— Alors quoi, ta maman t'a pas appris à te défendre ? Il faut qu'elle vienne te secourir ? Ou alors on peut demander à ta limace baveuse de mec mais il est déjà loin, pas vrai ?