« Cela peut sembler extrêmement présomptueux, mais qui pourrait relater l’histoire d’une meilleure manière que moi ? », interrogea Willow, un fin sourire aux lèvres.
« En plus d’avoir un intérêt certain pour les faits constituant notre passé, ma propre famille à jouer un rôle dans plusieurs événements de taille. En tant qu’insider, j’ai de fait un point de vue plus profond, ce qui pourra intéresser sans nulle doute une grande partie de mes élèves. »La jeune femme se redressa légèrement sur son siège, croisant délicatement ses mains sur ses genoux. Elle n’aurait jamais cru vouloir un jour exercer un quelconque métier : comme quoi, tout le monde change. L’oisiveté n’est appréciable que lorsqu’elle est méritée – dans le cas contraire, on subit surtout l’ennui qui l’accompagne. Pour un esprit vif, il n’y a rien de pire que l’absence de stimulation – et c’est exactement ce que la sorcière expérimentait actuellement. Alors elle était là, passant un entretien dans l’école de sorcellerie de Poudlard, afin d’obtenir le poste de professeur d’histoire de la magie.
Ses études s’étaient toujours tourné vers cette discipline – principalement grâce (ou à cause ? Tout dépend du point de vue) à sa mère, Ann Mary. Cette dernière, une sorcière née moldue, a tout fait pour partager avec sa fille son amour pour l’histoire et les arts plastiques. Depuis son plus jeune âge, elle lui lisait des ouvrages sur les mythologies, l’Antiquité, les découvertes, les différents royaumes… Ann Mary avait toujours rêvé de devenir chercheuse, afin de démontrer les faits historiques qui la passionne. Alors, faute d’avoir pu le faire, elle encouragea son enfant dans cette direction. Willow soupira à cette pensée : en postulant, elle savait qu’elle ferait la fierté de sa tendre mère.
« Mes compétences en histoire moldue vont de l’Antiquité Égyptienne et Grecque à la Guerre Froide. Et pour l’histoire de la magie, des druides celtes de la Tène à nos jours. Je pense donc être en mesure de couvrir un très large spectre dans ces domaines. »Sa curiosité pouvait enfin payer et servir autrui. Willow était assez égoïste quand il s’agissait de ses connaissances, se complaisant dans son savoir et appréciant particulièrement briller en société avec ses anecdotes du passé. Mais sa mère avait récemment soulever un point très intelligent, qui la força à revoir sa vision des choses – Accumuler du savoir est une bonne chose, mais pour le cultiver il faut échanger, afin de nourrir une réflexion, de se poser toujours plus de questions. Et quoi de mieux que des enfants, des étudiants pour poser la question du « pourquoi ? » ? Qui aurait cru que sa soif d’apprendre l’enverrait de nouveau à Poudlard ?
Car oui, bien évidemment, Willow avait été élève à l’école de sorcellerie du Royaume-Uni. Ironiquement, elle n’étais pas une si bonne élève que cela. Elle passait le plus clair de son temps à la bibliothèque, fouinant dans le plus grand nombre de livres qu’elle pouvait. Elle aimait découvrir de nouvelles choses, approfondir ses connaissances sur quelques sujets, mais elle abhorrait prouver et démontrer ce qu’elle avait appris. Les devoirs ? elle les bâclait. Les examens ? Elle s’y ennuyait. Son hobby consistait à débattre avec sa copine de dortoirs sur tous les sujets qu’il lui passait par l’esprit. Le reste n’était que futilité et perte de temps à ses yeux. Sa curiosité était insatiable, et ressasser les choses qu’elle maîtrisait l’agaçait presque. Ses professeurs avaient beau la secouer, lui rappeler qu’elle avait clairement les capacités – Willow faisait des efforts durant quelques jours, voire semaines, mais retombait dans ses travers.
Qu’était-il arrivé à cette amie d’ailleurs ? Sloane – c’était son prénom – semblait avoir un avenir tout tracé. Elle voulait devenir le meilleur médecin de Sainte Mangouste, et soigner les maux les plus incurables. Un soir, alors que les deux Serpentard ne trouvaient pas le sommeil, Willow s’était ouverte à Sloane. Calmement, elle lui expliqua ce qu’elle savait sur son handicap, sur le pourquoi de sa cécité. Ce n’était pas quelque chose qu’elle partageait souvent : l’on croyait la plupart du temps qu’il s’agissait d’un défaut de naissance, et les questions s’arrêtaient la. Mais pas du tout. Alors que la jeune fille n’était encore qu’une idée, elle fut maudite, la forçant au contact physique si elle voulait connaître son environnement.
Son père, Ruthford Cavendish, fils du duc du Devonshire, était un sorcier très présomptueux, pompeux et narcissique. Il prônait la suprématie des sorciers européens, les descendants des druides celtes, et se pavanait en rappelant qu’il était leur héritier (indirect, certes, mais tout de même). Lorsqu’il rencontra Ann Mary, la mère de Willow, une femme très intelligente, descendante d’une lignée de penseurs, notamment en matière de théosophie, ce fut le coup de foudre. Ann Mary ne possédait pas de pouvoir magique mais ses connaissances théoriques dépassaient de loin celles de Ruthford. Elle était membre d’un cercle d’initiés, qui débattait de thèmes surnaturels divers et variés. Parmi les partisans de ce cercle se trouvait un homme, Adélaïd Kafha : Il était d’une stature assez imposante et avait le teint sombre, trahissant clairement son origine exotique. Il était le dirigeant de ce cercle, ses connaissances des autres cultures magiques (africaines et indiennes principalement) supplantaient celles des autres membres, et on l’écoutait avec grande attention – sa prestance et son éloquence imposaient un certain respect. Ruthford n’aimait pas vraiment cet homme, bien qu’Adélaïd fut l’un des êtres les plus pacifiques qu’il fusse avant sa rencontre avec l’anglais. Régulièrement les deux hommes s’affrontaient dans des joutes verbales à n’en plus finir et, bien que l’Africain avait presque toujours raison, la mauvaise foi de Ruthford lui faisait avoir le dernier mot. Les arguments du futur duc fasse au théosophe étaient souvent des phrases du type « Je l’ai vu, j’en ai été témoin » blablabla. Adélaïd avait beau lui répéter que l’esprit pouvait nous jouer des tours, et que voir quelque chose n’était pas synonyme de certitude, l’homme s’entêtait. Excédé, il finit par perdre sa patience légendaire, et se révéla tel qu’il était vraiment : un Houngan. Ruthford, persuadé qu’un Vaudou ne pouvait être plus puissant qu’un sorcier issu d’une grande lignée le défia de le faire taire, ce qu’Adélaïd fit.
Le Houngan savait qu’il n’inculquerait rien à cet homme en l’attaquant de front, et qu’une tactique plus sournoise devait être employé. Il sortit un petit talisman en forme de crâne de singe, avec lequel il piqua Ruthford au doigt, récupérant de fait un peu de son sang. Surpris, l’anglais lâcha un rire nerveux, provoquant d’autant plus l’Africain en vociférant que ce n’est pas une petite aiguille qui le ferait plier. Fixant le futur duc, Adélaïd prononça d’une voix forte et distincte ces phrases, qui restèrent gravées dans l’esprit de Ruthford :
« Premye pitit ou pral peye pri a -
C'est ton premier né qui paiera le prix
Ou vante ak etwat-èspri -
De ta vantardise et ton étroitesse d'esprit
Soti nan yon vwal nwa vizyon li yo pral kouvri -
D'un voile noir sa vision sera couverte
Chak èdtan nan jounen an ak lannwit -
A chaque heure du jour et de la nuit
Depi nan konmansman nan fen nan lavi -
Du début à la fin de sa vie
Li se nan kontak fizik ke dekouvèt l 'yo pral pase là -
C'est par le contact physique que passera sa découverte »
Un frisson parcourut entièrement le corps de Cavendish. Bien qu’en créole haïtien, il comprit très nettement ce que le vaudou venait de dire. Cependant, rien de phénoménal ne se produisit immédiatement, et Ruthford éclata d’un rire tonitruant. Adélaïd s’inclina doucement, un sourire aux lèvres. Et plus jamais les deux hommes ne se revirent.
Lorsque Ann Mary tomba enceinte, Ruthford fut le plus heureux des hommes, oubliant cette altercation. Après tout, il avait changé – l’amour transforme il parait. Ce n’est qu’à la naissance, lorsque la petite Willow Euphemia Celeste ouvrit les yeux que tout lui revint. Cette... malédiction. Un fin voile noir assombrissait les iris hétérochromiques de son bébé, la privant de ce sens qui était primordial pour le noble. Et ce, entièrement par sa faute. Par sa vanité. Par son arrogance.
Après avoir raconté cela, Sloane promit à Willow qu’elle trouverait une solution. C’était absolument adorable, mais il s’agissait la de la promesse faite entre deux étudiantes de 3ème année, épuisées par leur journée et à moitié en phase d’endormissement... donc... Sloane avait surement oublié. Mais pas Willow, évidemment.
En réalité, cette malédiction avait été moins handicapante que sa famille l’aurait cru. Son père était le premier à s’inquiéter de l’état de Willow, et la culpabilité le rongeait de l’intérieur. Rien de plus normal au final, quand l’on sait qu’il était entièrement responsable de sa cécité. La jeune sorcière ne lui en voulait même pas – elle ne ressentait pas le manque, puisqu’elle ignorait ce qu’était de voir nettement. Mais Ruthford se rendait littéralement malade : il enchaînait crises de foie, ulcères et calculs rénaux, ce qui effrayait Ann Mary, craignant que la santé de son mari ne l’éloigne d’elle à jamais.
Ce job était donc une raison de rassurer ses parents : Willow prouvait qu’elle était totalement apte à se débrouiller par elle-même et que sans être un boulet pour la société, elle pouvait même y contribuer ! La nouvelle enseignante savait par avance que ce serait dur de s’adapter à son nouveau style de vie. Elle avait grandit telle une petite princesse, dans une maison fabuleuse, chouchouter par ses parents, pourrie par son père. La culpabilité fit que Ruthford cédait tout à son enfant. Ses moindres caprices étaient exaucés, et l’on répondait à tous ses désirs. Ce n’était évidemment pas très sain, mais comment pouvait-il lutter ? Il était esclave de ses torts. Comme cette fois où Willow, à l’âge de 8ans, réclama son poids en dragées : elle avait la dent sucrée, et adorait les friandises. Il était totalement irresponsable de céder à son caprice, mais le jeune père ne parvint à dire non à son aveugle de fille. Il lui fit livrer environ trente kilos de bonbons, ce qui la rendit assurément malade. En plus d’être en hyperglycémie (et donc d’avoir des hallucinations) et passa 5jours alitée à vomir et capable de ne consommer que de l’eau. Étrangement depuis l’odeur des dragées lui donne la nausée, et les sucreries la rebute quelque peu.
Ruthford n’a jamais été un père modèle, et quand il ne cédait pas à toutes les envies de sa fille, il était absent. De par sa condition nobiliaire, Mr Cavendish disparaissait régulièrement pendant plusieurs jours, laissant Willow seule avec sa maman et Greta, leur elfe de maison. Ce pauvre homme faisait décidément tout de travers, et avait honte de lui.
Pourtant, Willow se portait comme un charme. Bien entendu, elle déplorait l’absence de son papa, mais trouvait beaucoup de réconfort dans les bras d’Ann Mary, ou bien même dans les ouvrages de la bibliothèque familiale. Son handicap l’obligea à faire preuve de débrouillardise, et avec l’aide de sa mère, elle mit au point très tôt un sort lui permettant de parcourir les livres de son choix : “
Liber relevium”. Au delà de ça, Willow avait un goût très prononcé pour l’aventure – probablement dû à la quantité d’histoires fantastiques qu’elle lisait – et ne perdait pas une occasion pour découvrir de nouvelles choses. Au plus grand effroi de sa mère, l’enfant partait discrètement de la maison et se hasardait dans le jardin, puis dans la forêt avoisinante. De part son petit talent, elle ne se perdait jamais, ne trébucher jamais... mais se prenait parfois des branches en plein visage. Elle revenait donc le soir, toujours impeccable mais la face griffée et bleuie. Cela ne l’empêchait pas d’y retourner le lendemain, s’enfonçant toujours plus loin.
Poudlard n’était qu’une aventure de plus, pour Willow. Une nouvelle terre à redécouvrir.
Après son entretien, elle erra un moment dans les couloirs de l’institution. Sentir l’exaltation des lieux, la douce odeur du jus de citrouille, les pavés érodés suite aux passages d’innombrables élèves... tous ses sens étaient de nouveau en éveil, l’aidant à se remémorer ses années à l’école de sorcellerie. Un lui revint, principalement, bien qu’il ne soit pas physiquement rattaché à ce lieu.
Elle devait avoir 14ans, en 4e année. Elle entendait souvent ses amis parler de leur fratrie, à quel point ils pouvaient être ennuyeux, agaçants et comme ils accaparaient l’attention de leurs parents. Des plaintes typiques, semblait-il. Des choses qui étaient totalement étrangères à Willow, étant fille unique. Durant Yule, elle rentra donc dans la demeure familiale et, autour d’un feu de cheminée, questionna sa maman. Pourquoi était-elle seule ? Elle et son père n’avaient-ils jamais eu envie d’un autre enfant ? La réaction de Ann Mary reste encore gravée dans sa mémoire, car l’adolescente jura entendre sa mère étouffer un sanglot. Sa voix était nouée, comme lorsque l’on cherche à réfreiner ses larmes. Ann Mary répondit simplement qu’elle n’avait jamais vraiment réfléchi à cela, et que Willow lui suffisait. Mais, on ne ment pas à une aveugle. Elle avait senti le rythme cardiaque de sa mère s’emballer, sa respiration se faire plus lourde et sa voix plus chevrottante. Son ouie lui permettait de déceler ce genre de chose – surtout lorsqu’il s’agit d’une personne qu’elle connaissait bien. Elle n’insista pas, devinant que ce sujet était délicat.
Ce ne fut que 2ans plus tard qu’elle revint à la charge, alors que mère et père étaient présent à table, et qu’un silence de mort régnait. Ruthford s’étouffa à moitié avec son eau, alors que les couverts d’Ann Mary claquèrent contre son assiette (ce qu’elle évite pourtant toujours de faire, jugeant cela comme un manque flagrant de bonnes manières). Ruthford se racla la gorge – sans doute pour paraitre plus sincère – et expliqua à Willow qu’il n’en voulait pas. La sorcière devina que son père ne mentait pas réellement : il ne voulait effectivement pas risquer d’avoir un autre enfant affublé d’un handicap. Bien que la malédiction devait ne toucher que son premier né, il refusait d’infliger cela à un autre être vivant. Au fond d’elle, Lilo sentit son cœur se serrer : ce qu’elle comprenait de cela était que, si il avait eu le choix, si il s’était souvenu de ce triste sortilège.... il n’aurait sans doute jamais eu d’enfant. Elle ne serait jamais venu au monde.
S’en suivit pour la jeune fille un flot de questions, concernant sa propre existence. Son père voulait-il vraiment d’elle alors ? Ou bien n’était-elle qu’un coup du sort ? Il n’avait jamais fait réelle preuve d’intérêt pour ses passions et activités, et agissait de manière très désinvolte le plus souvent. Willow ignorait simplement à quel point Ruthford ne savait pas comment se comporter avec cet enfant qu’il avait lui même vouer à ce terrible sort. Ô pauvre famille vivant dans l’incompréhension, trop fier pour exprimer clairement leurs sentiments.
Ces longs couloirs lui remémorèrent aussi d’excellents souvenirs. Willow glissait la main sur les murs, puis les tentures de velours les habillant. Ses doigts heurtèrent très vite le cadre d’un tableau, dont l’habitant s’offusqua d’être secouer. Alors qu’elle s’excusait, elle réalisa que cette voix était familière. C’était donc dans ce même couloir qu’elle avait eu le droit à son tout premier baiser. Il s’appelait Adrian, était aussi à Serpentard, en 6e année, alors qu’elle n’était qu’en 5e à ce moment. Il était tout ce qu’elle aimait, et adorait la prendre dans ses bras à des moments totalement aléatoires. Un jour, alors qu’ils se promenaient main dans la main, échangeant des banalités sur leurs cours respectifs de la journée, il la plaqua contre le mur et l’embrassa doucement. Un vrai conte de fée, jusqu’à ce que le tableau les interrompe et leur rappelle qu’il était interdit de se bécoter dans les couloirs.
Ah. Doux souvenir.
Willow esquissa un sourire et se surprit a sautiller d’excitation. Sa vie sociale allait enfin prendre un nouveau départ : elle était plus ou moins restée enfermée dans son manoir après avoir terminé ses études, ne se montrant que lors de soirées mondaines dans lesquelles sa famille était invitée. Enfin, elle pourrait converser avec des gens ayant autre chose en tête que le simple fait qu’elle fusse un bon parti. Des gens qui aurait envie de la connaitre, elle, en dépit de son caractère et de son manque très net d’humilité. Des gens qu’elle pourrait apprécier, et aimer.