There will be blood ► ft. Bella

Ce matin-là, j'étais fatigué. Bien sûr cela ne m'empêchait pas de faire ma routine habituelle, mais disons que le coeur n'y était pas trop. Après m'être lavé et habillé, j'avais quitté le sous-sol en direction du deuxième étage, comme je le faisais chaque matin. J'avais préparé ma tasse hermétique à couleur de Poufsouffle et bon, tout était comme d'habitude. À force c'était un peu lassant. On fait les choses sans trop y penser, parce que la routine est installée. Salutations rapides avec le mec de l'infirmerie, puis j'avais récupéré ma poche de sang animal du jour, cachée dans mon sac. Direction les toilettes, là où je profitais de la solitude du petit matin pour verser la moitié de mon sang de la journée dans ma tasse. Là encore, rien de très folichon. D'un point de vue extérieur ça aurait potentiellement pu être impressionnant, mais pas du mien.

Et c'est là que s'est produite mon erreur. Ma gestion de la poche ? Aucun problème, j'avais bien refermé, rien n'avait coulé dans mon sac, aucune goutte n'était tombée par terre, tout allait bien. La tasse ? J'ai mis le couvercle dessus et j'ai tourné. Ça avait l'air bien fermé. Comme j'allais bientôt l'apprendre : ce n'était pas le cas. Laissant m'échapper un bâillement, je passai une main dans mes cheveux. Un petit regard à mon reflet dans le miroir, rien d'inhabituel. Des repousses peut-être, mais bon. Je pourrais régler ça plus tard. Je quittai les toilettes, m'engageant dans le couloir en me demandant ce que j'allais faire. J'avais un peu de temps libre donc peut-être retourner au dortoir ? Je me demandais si on me laisserait entrer à la bibliothèque avec ma tasse ? Probablement pas. Je devrais trouver autre chose. Perdu dans mes pensées, j'étais loin de me douter que le désastre était sur le point de frapper.

J'étais fatigué, c'était tôt le matin et, bien franchement, je n'ai pas trop fait attention à cette fille qui arrivait en sens inverse. Je regardais droit devant moi et elle avait les yeux sur son portable, sans me prêter attention du tout. L'impact ne fut pas exceptionnel, un double coup d'épaule tout au plus. Dans d'autres circonstances, si mon gobelet avait été bien fermé, sans doute que les choses en seraient resté là. J'aurais pu m'excuser par politesse, même si c'était au moins autant sa faute que la mienne, et poursuivre mon chemin comme si de rien n'était. Le problème, c'est que l'impact fut suffisant pour faire voler le couvercle de ma tasse et que celle-ci était encore pleine.

L'instant suivant, il y avait du sang partout. Son téléphone, son uniforme, le mien, mon bras, partout. Je me figeai sur place, au moins aussi choqué que cette fille. Elle ne comprit pas tout de suite, sans doute parce que ce n'est pas le premier truc auquel on pense. Ou surtout auquel on veut penser. C'est tellement courant de voir du faux sang à la télé et dans les films, c'est facile de croire à un gag ou quelque chose comme ça. Sauf que là bah... c'était bien réel.

« Je t'ai rien lancé. »

Réponse sèche, sur la défensive. Il me semblait important de clarifier au moins ça, qu'elle sache que c'était un accident et que je n'avais pas du tout eu l'intention de lui renverser mon petit déjeuner dessus. Mais bon, essayez de rationaliser avec une Serpentard en panique, couverte de sang animal. Son cerveau venait tout juste de faire la connexion, réalisant ce qui venait vraiment de lui couler dessus. Mon problème hein ? Je le sentais mal, très mal. Lui dire mon nom ? Hors de question. Je devais faire du damage control, l'aider à se calmer en espérant ne pas avoir fait trop de vagues. Plus facile à dire qu'à faire, surtout si elle remarquait mes canines pointues lorsque je prendrais la parole.

« Je peux t'aider à nettoyer. »

Pour ne pas faire différent, c'est ma mâchoire qui s'était tendue en premier, peu après suivie de mes épaules et du reste de mon être. Défensif, j'avais insisté pour dire que je ne lui avais rien lancé et avais rapidement proposé de l'aider à nettoyer. Malheureusement, elle ne semblait guère intéressée par ma proposition. Tu ne manques pas d’audace pour un blaireau. C'était bien une Serpentard ça. Regarder les autres maisons de haut comme ça, surtout Poufsouffle. Quelque part j'étais presque content que ça tombe sur elle, surtout que la brune avait trouvé intelligent de me menacer de sa baguette comme si j'étais une bête sauvage ou que sais-je encore. Je levai les mains, comme un moldu menacé par une arme à feu, sans pourtant me départir de ma tasse au couvercle absent, à moitié vide. Ma manche était humide, ma main pleine de sang. M'éloigner hein ?

« T'inquiète pas, j'pourrais ne pas avoir bu pendant une semaine que je ne me jetterais pas sur toi. »

J'avais commencé par chercher à la rassurer, mais ma bienveillance s'était fait la malle environ à la moitié de ma phrase, laissant place à un ton presque méprisant et à un regard soutenu. Je n'aimais pas sa façon de m'observer, cette façon qu'elle avait de me menacer. C'est ce genre d'incident qui venait me rappeler douloureusement la réputation qui suivait les semi-vampires. Qui me forçait à regarder en face l'héritage que m'avait laissé mon père, le fardeau avec lequel je devais vivre. Puis il y avait tellement de sang. Je me forçai à prendre de grandes respirations, reculant d'un pas ou deux pour nous rassurer tous les deux, autant elle que moi. Ce n'est pas son sang à elle. C'est du sang animal. T'as le même dans ton sac. Il t'en reste encore un peu dans ta tasse. Ce n'est pas son sang à elle. Si t'as soif il y en a dans ta tasse. Et j'avais soif. Je n'avais pas encore bu ce matin. Mes canines étaient aiguisées, mes iris plus tout à fait bleus. Calme-toi, Ethan. Calme-toi.

« Je vais prendre une gorgée de ça, si ça te dérange pas. »

Dis-je avant de porter la tasse à mes lèvres. Avec la manche de ma robe de sorcier imbibée de sang, ma main striée du liquide carmin et la tasse privée de son couvercle, la scène devait avoir quelque chose de très gore. Surtout que je ne me privai pas pour prendre de longues gorgées, achevant de vider le contenant par mesure de précaution, pour contenir ma soif. Mes yeux avaient repris leur couleur normale donc c'était un pas en avant, mais le coin de mes lèvres tâchées de sang devaient être, quant à elles, un pas en arrière.

« T'es certaine que tu veux pas un coup de main ? Ce serait dommage que d'autres élèves arrivent et te voient comme ça. »

Et ce le serait autant pour elle que pour moi, voir encore plus pour moi. Je faisais tant d'efforts pour ne pas me faire remarquer, pour ne pas faire de vagues. Pour ne pas que l'on se méfie de ma personne ou que l'on me considère comme une abomination. Je n'avais certainement pas besoin que la scène ait son petit auditoire.