Ce début d’automne si commun, qu’une seule envie parcourait l’esprit de Merlin. Comme un appel, un murmure qui n’avait pas grand-chose d’unique ou de particulier. C’était pourtant un son si délicat qu’il lui était improbable de l’ignorer. Finalement, Merlin guidé par ses instincts qui, à vrai dire, ne semblait même pas exister aux yeux des autres tant qu’ils paraissaient si désastreux. Si morne à la démarche lourde, Merlin avait cette impression de maladie, une aura grossière qui exprimait d’un seul coup d’œil son état de pensée. Alors, il traînassait simplement, le journal du jour sous le bras tandis que l’une de ses mains était élevée dans sa chevelure bouclée.
Il n’a ni idée, ni motivation précise. Juste un désir de ne rien faire, d’exister à la limite même du raisonnable. De rester loin, seul dans sa bulle incomprise. Il n’avait aucun cours, mais pourtant un grand nombre à préparer. Mais son temps de préparation lui importait peu, après tout la vie lui permettait par moment de passer outre ces complications inutiles. Alors, quelques minutes de recherche lui avaient suffi, Merlin qui connaît les habitudes de ses confrères et consœurs, c’est pour ça qu’il choisit l’endroit avec perfection. Sans doute persuadé de ses capacités sans même en douter une seule seconde, car pour lui, personne ne viendrait s’aventurer dans l’aile du personnel à une heure si avancé de la matinée.
C’est ainsi qu’il se retrouve mollement allongé et en travers de ce canapé une place. Les jambes ballantes au niveau des accoudoirs. Son journal grand ouvert, il avait tout le temps pour lui. Un rien qui le rendait heureux.
Mais il savait d’une façon ou d’une autre que son temps lui était compté.
Depuis la rentrée il y avait eu quelques réunions. Accueil des nouveaux professeurs, réunion du personnel , et finalement le comité de préparation pour la grande fête d’Halloween qui se préparait. Calista aimait bien les réunions. C’était l’occasion de voir toutes les jolies petites têtes de ses collègues réunies au même endroit, de partager une petite conversation avec une tasse de café ou un verre de jus de citrouille. C’était aussi le moment parfait pour parler des rumeurs qui agitaient le monde magique et Poudlard, des plus importantes au plus triviales. Et pourtant une tête en particulier manquait pratiquement toujours à l’appel : celle de Merlin Brown, professeur de langue classique qui devait probablement croire trop malin pour daigner les rejoindre.
La jeune sorcière ne savait pas trop quoi penser de ce collègue en particulier. Oui, il était particulièrement intelligent ( et savait parler plusieurs langues, un fait qui l’avait fortement impressionée et avait ranimer un complexe d’infériorité ), il était aussi pas désagréable à regarder mais en contrepartie...qu’est-ce qu’il pouvait être paresseux ! Et puis, l’andalouse ne comptait plus les fois ou Merlin se fichait bien de ses remarques sur l’interdiction de fumer à l’intérieur de l’école - spécialement dans la salle des profs. L’odeur l’incommodait fortement et dernièrement elle n’avait même pas pris la peine de se répéter, se contentant de lui arracher la cancèrette des lèvres pour la jeter à la poubelle. Cela avait bien entendu mis le feu à son contenu, provoquant davantage de fumée et de panique avant qu’un aguamenti lancé à l’arrache ne l’éteigne.
Bref - cette force puissante de l’inaction avait tendance à agacer l’andalouse qui passait son temps à courir dans tous les sens afin que tout soit fait à temps ( à peu près ) pendant que monsieur se la coulait douce. Et aujourd’hui ne faisait pas exception. C’était donc les poings serrés que la sorcière traversait les couloirs à la recherche de Môsieur Brown, sans doute trop occupé pour lire les notes de services et donc savoir qu’il était censé l’aider à préparer les festivités d’Halloween.
La jeune femme ouvre la porte de la salle des professeurs d’un geste théâtral, avec toute la confiance et la colère sous-jacente que peut éprouver une femme latine bafouée. Ce qu’elle n’avouera jamais, c’est que ce n’était pas son premier essai, et que tomber sur 4 salles vides auparavant avait entamé le peu de patience qui lui restait.
Ah !
Calista s’avance à petits pas furieux pour lui arracher le journal des mains, le rouler et lui mettre un coup direct sur le crâne dont il ne semblait pas se servir. Dans la précipitation, elle ne prend même pas la peine de parler en anglais, sachant que sa colère et sa frustration seraient mieux véhiculées par les accents de sa langue natale.
Qu’est-ce que tu fous ici ? Tu ne lis pas les notes de services ?!! Je t’ais cherché partout, on est censés aider avec la préparation d’Halloween !
Et de continuer de rager :
Raaaah ! Tu es incorrigible. Allez, lève tes grosses fesses de ce fauteuil et viens m’aider. Sérieusement !
Si elle devait le tirer par l’oreille, elle était prête à le faire - et c’était probablement le message que l’on pouvait lire dans son regard furieux.
Sur un son de musique inexistant, simplement d’un souvenir lointain qui perdure dans son esprit, ses pieds bougent machinalement de droite à gauche, avec un sens du rythme qui semblerait presque déconcertant. Merlin qui jubilerait presque de cet instant de silence, de repos qu’il souhaiterait éternel, qui lui était donné à cet instant précis. La solitude qui rendait possibles ses plus forts désirs de flemmardise, était réellement pour lui, des moments mémorables.
Son esprit qui profitait de ce repos, car il savait pertinemment que même avec tous les efforts du monde, tous ses plaisirs lui étaient éphémère. Telle était sa vie. Alors, on aurait pu dire que son cerveau était en quelque sorte, partagé en deux. L’un recherchant cette douceur présente dans l’espace par le calme ambiant et l’autre, qui lisait entre les lignes de son journal avec un grand intérêt. Les nouveautés qui étaient toujours intéressantes à ses yeux, même si elle ne l’était pas même pour le concerner à qui cela s’adressait.
Sauf que l’inévitable arriva, le fracas retentissant. La porte des enfers qui s’ébrèche. Merlin qui ne détourne pas son regard, reste concentré sur les lignes face à lui dans l’espoir que l’ouragan ne ferait que passer sans le confronter. Mais ses espoirs sont bien passagers, pas confiant et violent. Il était clair que Merlin avait réussi à la mettre en rogne. Et pourtant, qu’avait-il à se reprocher ? Rien, il n’en faisait nul doute. Alors pourquoi les foudres s’abattaient-elles dans ce langage exotique.
Et alors, a cet instant précis, Merlin aurait souhaité ne jamais avoir appris l’espagnol. Où du moins, être au moins capable de mentir avec aisance et pouvoir faire comme s’il n’avait rien compris à ce que sa collègue venait de lui sortir. Mais, même s’il se découvrait un véritable don pour le mensonge, il savait pertinemment que ça ne passerait pas, pas avec Calista. D’autant plus qu’elle risquait de mal le prendre et s’il souhaitait éviter une chose par-dessus tout, c’était bien de ne pas se la mettre à dos.
« J’étais pourtant persuadé que tu te débrouillerais bien mieux sans moi. Alors, je pensais te faire une fleur en restant ici. »
Cette allure nonchalante, cette inertie paresseuse rappelait fortement à la sorcière les côtés les plus irritants de sa grande soeur. Et pour Calista cela ne rendait cela ne le rendait que plus irritant. Monsieur était un génie qui se croyait tout permis. Monsieur était un anglais. Monsieur était un monsieur ( oui remarque importante). Et par conséquent, Mr Brown, avec cette suffisance et cette inertie qui n’était attribuable qu’aux gens de son gabari, de son espèce et de son sexe rendait Calista, la jeune femme immigrée aux compétences fortement limitées, particulièrement furieuse. De la jalousie ? Probablement. Mais pas uniquement.
En plus il avait le culot de lui répondre dans un espagnol parfait qu’elle se débrouillerait mieux sans lui. Mauvaise réponse, Monsieur Brown, si vous pensez que Madame Santiago va baisser les bras, vous vous trompez lourdement sur sa folie. L’andalouse n’est pas dupe, les poings fermés campés sur ses hanches et détenant toujours le journal désormais en mauvais état, elle ne se laisse pas démonter :
Mais bien sûr !
Belle excuse !
Elle agite ensuite le dit journal, enroulé en tube pour le taper fermement sur la tête de son collègue - qui était de toute évidence trop beau et trop intelligent pour ce genre de travail ingrat. Elle repasse alors en anglais !
Allez Meurline ! Lève-toi ! On a du pain sur la planche !
Elle était vraiment à deux doigts de l’attraper par les bras pour le tirer, s’il fallait le faire. En tout cas, elle ne comptait pas bouger de là tant qu’il ne se levait pas.
On a des citrouilles à creuser, des décorations à placer… tu penses vraiment que j’allais faire ça toute seule ou tu trouves que c’est indigne de toi ?
Avant de grommeler
C’est pas étonnant que t’aies si peu d’amis, si t’es si réticent à donner un coup de main...
C’est dans un haussement d’épaule qu’une faible moue enfantine c’était dessinée sur son visage. Un simple geste rempli de désinvolture, alors en plus de ses paroles, il ne pouvait douter qu’il l’eût mérité. Il ne l’avait pas vu venir, jusqu’à ce que le journal s’écrase avec énergie sur le haut de son crâne, qu’une légère douleur se fit ressentir. Mais Merlin s’avait qu’il n’avait rien à dire, si ce n’est s’exprime dans un aïe douloureux et meurtri. Espérant aveuglement que Calista s’en voudrait au point même de le laisser dans sa flemmardise. Mais non. Évidemment.
« C’est vraiment pour tout ça ? »
Il soupire.
« Je pensais que cette année, on avait prévu de punir deux-trois élèves pour leur refiler nos tâches de préparation d’Halloween. »
À vrai dire, Merlin l’avait tellement pensé fort dans son esprit qu’il avait totalement oublié de le proposer à ses collègues tant l’idée lui avait paru ingénieuse, et qu’il aurait été tout autant normal que l’idée germe dans l’ensemble des cerveaux de chaque membre du personnel. Mais il fallait croire qu’il s’était trompé. Tout bêtement. Et il avait acquiescé dans son silence, tant la bonne idée semblait être le saint grall à ses oreilles pour se débarrasser de toutes les tâches existentielles. N’avait-il donc pas juste à punir des élèves pour que ces-derniers corrige les devoirs de l’ensemble de la classe ? Ça ne faisait aucun doute, qu’il tenait l’idée du siècle.
« Par contre là, je vais me sentir blesser Calista. »
Sur son visage, une mine effarée qui avait pris forme avec grâce. Si Merlin avait été bon acteur, il aurait été capable de lui répondre les yeux mouillés et la voix enrouée. Mais la surprise avait préféré feinter sa présence, même si de telles paroles auraient pu fortement le blesser il y a quelques années de ça, aujourd’hui la vérité n’était pas là ; des amis, il en avait…. Après, il était vrai que la plupart de ses relations amicales semblaient être plus prononcées avec les étudiants qu’avec les autres adultes de Poudlard. Mais là, il n’y pouvait pas grand-chose. Du moins, c’est ce qu’il se disait.
« Et puis Halloween ce n’est pas ce soir, on a encore un peu de temps non ? »
Même s’il pouvait gagner quelques heures de repos, Merlin ne pouvait jamais cracher sur un gain de temps. Bien que cela pouvait sembler minime pour les autres, tout cela était bien trop encré dans son être.
« Le journal du jour avait l’air très intéressant. »
Avait l’air qui sonnait comme une remarque tant le ton de ces quelques mots avait changé.
Apparemment le journal ne s’était pas abattu suffisamment fort sur son crâne pour le convaincre. Ah qu’est-ce qu’il pouvait être buté ! Peut-être autant que l’espagnole et ça, c’était dire beaucoup. Vraiment pour tout ça Les mains de Calista s’abattent sur son propre visage en étirant ses joues dans une expression d’intense et d’agonisante frustration. Il se moquait d’elle, c’était pas possible. Et la sorcière ne supportait pas ça, ni son attitude nonchalante qui passait carrément pour de l’insolence. Punir des élèves pour faire des corvées ? Bon en soit ce n’était pas du tout un mauvaise idée - mais vu que ça venait de Merlin, la jeune femme ne pouvait même pas l’envisager. Oui - elle avait tendance à être un peu aveugle quand il s’agissait des gens qu’elle n’aimait pas. Elle secoue la tête de droite à gauche
Me dis pas que t’es paresseux au point de punir des élèves exprès pour ça !
Qu’est-ce que ce mec faisait dans l’enseignement ? Il ne pouvait pas perdre son temps ailleurs ? L’expression de son visage la fait hésiter. Elle plisse les yeux un peu dubitative. Il se moque encore d’elle ou quoi ? L’andalouse avait la fâcheuse habitude de laisser ses mots dépasser sa pensées - ou plutôt d’être brutale et sans filtre. Est-ce qu’elle avait touché un point sensible ? Elle n’était pas sûre. Ce qui soulevait une autre questions : est-ce que Merlin avait des émotions ? La sorcière doutait fortement de ce fait. A moins que la paresse et l’indolence soient des émotions.
Non c’est pas ce soir, mais on a une réunion la veille je te rappelle. J’aurai pas le temps de faire les deux !
Calista se défend comme elle peut mais ça devient progressivement transparent que c’était peine perdue. Merlin ne pensait qu’à sa petite personne, méprisait les travaux de groupes et l’esprit de solidarité qu’on pouvait avoir entre collègues. Merlin était un capullo point à la ligne. La jeune femme pousse un autre soupir. Mais bien sûr. Le journal. Si important. Et l’idée germe alors dans son esprit. Le journal qu’elle tient toujours en main d’ailleurs. Elle lui adresse un sourire provocateur :
Peut-être que je te le rendrais quand on aura fini nos corvées, hm ? En plus je te laisserai tranquille parce que sinon...
Son regard se fait sérieux et un peu menaçant, le genre de regard qui n’annonce rien de bon :
Je vais te suivre et te casser les pieds toute la journée, compte sur moi !
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