So many questions || feat Dorothy || RP TERMINÉ

L'insomnie l'avait prise dans ses bras, comme souvent. Levée à quatre heures, incapable de fermer l'œil de nouveau, Dorothy s'était alors plongée dans la lecture de son manuel de rune approfondie et n'en était sortie qu'au petit matin. Sur son visage, se peignait la fatigue, ce n'était pourtant pas l'envie de dormir qui manquait, mais il lui était toujours difficile de trouver le sommeil en cette période de l'année. Qui disait vacance, disait retour à la maison, confrontation avec ses parents, avec Tommy… Autant de bonnes raisons pour rester cloîtrer à Poudlard, selon elle. Aussi, et malgré la tasse de thé fumante qui trônait devant-elle ce matin-là, Dorothy peinait à avoir les yeux en face des trous.

Ce n’est qu’à l’arrivée de Luke, en voyant son regard, en voyant son corps anormalement tendu, en entendant sa voix si lointaine, que Dorothy se réveilla enfin.

- « Heu… O-ouais d-d’accord, je me dépêche. »

Ça lui avait fait l'effet d'une douche froide, d'une décharge. Quelque chose n'allait pas. Mais, sous les regards soupçonneux de ses compagnons de table, l'adolescente su tenir sa langue. Quoi qu'il se passe, ça n'avait pas à arriver aux oreilles de personnes extérieures. L'empressement de son parrain, cependant, avait fait naître l'angoisse. Elle connaissait Luke, elle le connaissait bien. Elle connaissait ses rires, son sourire, son regard approbateur et fier. Elle connaissait son amour, sa passion, son excentricité. Mais elle connaissait aussi sa faiblesse face au mensonge, l'attachement pour ses proches et la peur qui en découle. En le voyant attendre devant la grande salle, l'air tendu, elle sut : quelque chose de grave s'était produit. Ses pensées se tournèrent immédiatement vers sa propre famille, vers sa mère, son père, et même Tommy. Les accidents gravent au quidditch étaient fréquents, Tommy était un peu casse-cou et on n'était jamais à l'abri d'une attaque au ministère. Qui ? Qui avait été touché par ce quelque chose ? Qui était devenu la victime ?

Avalant précipitamment sa tartine et absorbant une gorgée brulante de thé, Dorothy sauta du banc pour quitter la grande salle à grands pas pressés. Luke tourna le dos pour s’engouffrer dans les longs couloirs du château, direction la sortie.

- « L-Luke attends-moi ! »

Ses talons claquèrent contre la pierre, obligée de trottiner pour suivre le rythme. Plus ils progressaient, plus les pensées de Dorothy s’assombrissaient. Définitivement, quelque chose s’était produit, quelque chose de sûrement plus… Grave que tout ce qu’elle avait pu imaginer jusque-là. Peut-être qu’il y avait eu un mort ? Peut-être plus d’un ? Tout, dans l’attitude de Luke, traduisait une tension qui ne faisait que renforcer la peur qui s’emparait peu à peu du cœur de la rose. Tentant de maîtriser ses émotions, de sceller à double tour l’angoisse qui perçait dans sa voix et son regard désemparé face au manque d’information Dorothy grimpa dans la calèche.  

- « Qu’est-ce qu’il se passe à la fin ? »
- « Navré de t'avoir interrompu devant tes amis, mais c'est grave, Dorothy. Alannah vient d'être hospitalisé et c'est assez sérieux. Je ne sais pas ce qu'elle a. Ta mère et mes parents nous attendent à Sainte Mangouste alors on va faire vite. »
- « Alannah est… »

Loin d’être rassurée, Dorothy ne put qu’étouffer l’angoisse qui la rongeait par respect pour Luke. Elle savait oh combien Alannah était importante aux yeux de son parrain. Elle savait à quel point sa vie, sa santé et son bonheur importait. Passez la grille du château, elle s’empara dans la main du brun pour transplaner à Londres. Cette main, elle la serra doucement. Pour l’heure, Dorothy ne savait pas quoi faire, quoi dire, pour apaiser la foule de sentiment dévastateur qui devait sévir dans l’esprit de Luke. Elle se sentait bien faible, bien inutile face à l’ampleur de la tâche. Mais elle ne lui lâcha pas la main, même après avoir regagné la terre ferme, même après avoir passé les portes de Sainte Mangouste. Au milieu des couloirs immaculés, de l’odeur des maladies, de la froideur de la mort, pas une seule seconde la rose ne lui lâcha la main. Elle espérait, même si ce n’était qu’un peu, que le contact d’une peau, que la chaleur d’un corps, pourrait l’apaiser. Alors qu’une infirmière les conduisait jusqu’à leur famille, le regard de Dorothy passa du visage de son parrain à celui de sa mère, puis à celui de Katie. S’ils n’avaient jamais été du même sang, Do avait toujours considéré les Blane comme des membres de sa propre famille. Elle avait toujours appelé Katie « tata » et Arcturus « tonton » et avait toujours vu Alannah comme une grande sœur modèle qui fallait admirer de façon muette. Voir la tristesse déformer le visage de ces personnes si chères à son cœur brisa quelque chose en elle.

- « Tante Katie, oncle Arcturus, je suis désolée, vraiment. Est-ce qu’Ala…Est-ce qu’Alannah vas bien ? »

Ce n’est que lorsque qu’on perd quelque chose qu’on se rend compte de sa valeur, Do. Ce n’est que lorsque que tu tiens fermement cette main que tu comprends l’importance qu’elle a.

En entendant le verdict de la guérisseuse, Dorothy vit sa vision se recouvrir d'un voile flou, humide. Le destin d'Alannah était semblable à une fissure qu'on voyait, impuissant, petit à petit s'élargir. On aurait beau colmater les brèches, la fissure progresserait. Lentement, inexorablement, pour finir par briser en mille morceaux les fondations même de l'esprit de l'être chère qui reposait en face d'elle. C'était donc là, la fin de l'histoire ? Ne pouvons-nous pas, juste un peu, en changer le dénouement ? N'y avait-il pas de moyen ? De solution ? Non, impossible, il y avait toujours une solution. Toujours.

- « On ne peut vraiment rien faire ? » bredouilla-t-elle dans un reniflement disgracieux

Le visage d’Alannah était paisible, reposé. À la voir, personne ne pourrait soupçonner le mal qui la rongeait. C’était, même plus dur de la voir comme ça qu’en état de souffrance. Face à son expression, on pourrait croire que rien de grave ne s’était réellement produit, que l’espoir de retrouver la Alannah de tous les jours était encore permis. Mais ce n’était pas le cas. Ce ne serait plus jamais le cas. La guérisseuse secoua, d’un air navré, la tête. C’était injuste, profondément injuste. Dorothy ne savait que dire, que faire. Mais plus elle regardait l’air navrer de son entourage, plus elle bouillonnait. Non, ça ne pouvait pas « juste » se finir comme ça. Il devait y avoir une solution, un moyen, quelque part…

- « Je suis navrée Katie, Arcturus. On fera de notre mieux pour vous épauler, Alannah était- »
- « Etait ? » Le sang de Dorothy ne fit qu’un tour. « Qu’est-ce que tu racontes maman ? Elle n’est pas morte que je sache ! »
- « Ce n’est pas ce que j’ai voulue dire Doro- »
- « Je sais très bien ce que tu veux dire. Mais je ne suis pas d'accord, on ne peut pas baisser les bras. Si c'était arrivé à l'un d'entre nous, je suis sûre qu'Alannah se serait battue jusqu'au bout pour trouver une solution ! Il existe des milliards de pistes qu'on n'a pas encore explorés, on peut la sauver. Il y a des pratiques magiques, bien particulières, un peu partout dans le monde, donc autant de piste à creuser. On n'a certes pas encore découvert le moyen de rompre sa malédiction, mais ça ne veut pas dire qu'il n'en existe pas. Baisser les bras, c'est comme enterrer Alannah et, moi, je n'enterrais pas ma sœur de cœur sans avoir fait tout mon possible pour l’aider.»

Daisy Martin regarda sa fille, muette de stupéfaction. Son insolence avait parlé au-delà de tout respect pour le malheur d’autrui. Mais il était hors de question pour Dorothy d’entendre parler de deuil ou d’abandon. Du haut de ses 17 ans, elle voyait le refus de se battre comme une trahison. On devait se battre, au-delà du raisonnable, par respect et par amour pour la cadette Blane. Ne rien faire, accepter qu’elle était vouée à dépérir revenait à l’enterrer petit à petit. C’était un choix simple pour elle.

- « On ne pourra peut-être pas la sauver complétement, mais on peut limiter les dégâts. Moi j’y crois, on peut arrêter ça avant que ça ne devienne trop grave. Je ne dis pas que ça sera simple et sans conséquence pour nous, mais je pense qu’on n’a rien à perdre à chercher un moyen de contrer les effets de sa malédiction. Moi en tout cas je chercherais. »

Le regard outré de sa mère lui fit comprendre qu’elle était sans doute allée trop loin. Non, elle était allée trop loin. Cependant, ça ne l’empêcha pas de rester camper sur ses positions. Il fallait aider Alannah. On ne pourrait peut-être pas la sauver, on ne pourrait peut-être pas ramener ce qui avait été perdu, mais on devait se battre. C’était une évidence pour Dorothy. Tout essayer, pour que si le pire devait finalement arriver, il n’y a rien à regretter.

C’est alors que la voix de Luke s’éleva dans les airs, arrachant un sourire entendu aux lèvres de l’adolescente. Oui, c’était ça, c’était tout à fait ça. Il fallait au moins essayer, il fallait se battre. Il y avait toujours une solution, elle n’était pas toujours évidente, pour moment, elle n’avait pas encore été découverte. Mais c’était une règle universelle à laquelle Dorothy croyait fermement : il y avait TOUJOURS une solution, même s’il fallait en arriver à la créer de toute pièce.

Le regard de Luke fut une évidence pour Dorothy qui s’empressa de le suivre d’un pas énergique. Un dernier coup d’œil à sa mère lui fit rapidement comprendre que son excès d’insolence se paierait pendant les vacances… Qu’à cela ne tienne. Daisy pouvait bien la sermonner et lui donner toutes les punitions qu’elle voulait : ça faisait bien longtemps qu’elle avait cessé de croire en l’autorité de sa championne de mère. D’ailleurs, ce n’était pas spécialement ce qu’elle recherchait, Dorothy, ce qu’elle voulait, c’était de la tendresse, un geste d’amour et de fierté de sa mère. Le reste, n’avait que peu d’impact et d’importance pour elle. L’adolescente referma la porte de la chambre derrière elle avant de s’engouffrer dans le couloir. Elle s’approcha de quelques pas de son parrain et sans trembloter de la voix demanda :

- « Alors, comment on procède ? »

Le silence régna quelques instants. Luke avachit sur un fauteuil, observait le vide en quête de réponse. Cette vision si fragile de lui te poignardait le cœur… Mais, d’une certaine façon, aussi, te forçais à te tenir droite, fière. Ton parrain, ton idole, l’être que tu aimes le plus au monde est en position de faiblesse et il est temps pour toi de devenir son pilier. Quoi qu’il t’en coûte et quels que soient les sacrifices que te demandera ce rôle, tu es prête à le tenir aussi longtemps qu’il le faudra.

C’est le regard ferme que tu l’observes, déterminée à lui rendre la pareille, à lui montrer que tu étais là, que tu serais toujours là. Que, comparé au reste du monde, toi, oui toi, tu ne lui ferais jamais défaut. Jamais. Sa voix s’élève dans les airs et tu l’écoutes avec un sérieux presque religieux, Dorothy. Des plans, toi aussi, tu n’en avais aucun. Cependant, tu savais qu’il y avait des milliards de piste à explorer et tu allais t’employer à toutes les explorer. Où est-ce qu’elles te mèneraient ? Tu n’en avais aucune idée, mais, pour le moment, tu n’avais pas l’intention de t’encombrer de ce genre de détail.

- « Tu veux parler d’Andersen ? C’est une bonne idée, oui. On pourrait sans doute arriver à grandement ralentir le processus de détérioration de sa mémoire si on creuse du côté des potions. Dans un premier temps, ça pourrait être une bonne alternative. »

Tu mordilles ton pouce, tic traduisant chez toi une intense réflexion. Tu analyses toutes les options avec une froideur implacable. Pour le moment, gagner du temps est une priorité et si tu n’aimes pas trop l’idée de mêler des gens extérieurs à votre affaire, tu n’es pas idiote au point de ne pas comprendre ce que peut représenter une aide pareille pour Luke. Plus que des solutions concrètes, c’est d’un entourage solide dont il a besoin. Toi, tu n’es encore qu’une enfant, et même si ça te tue de te l’avouer, tu sais que tu n’as pas l’âge et la maturité nécessaire aux yeux de ton parrain pour briller comme le ferait un adulte. Toi, tu vas être les petites mains dans l’ombre, la silhouette qui s’active en coulisse. Tu ne négliges pas l’importance de ton action pour autant, tu crois fermement que tu peux faire pencher la balance.

- « Dis-moi Luke, tu comptes en parler au directeur ? » Du haut de ton mètre cinquante-cinq, tu n'as pas besoin de t'accroupir de beaucoup pour faire face au visage de ton parrain assis. Alors que tu plonges un regard sérieux dans le siens, tu reprends. « Soyons réalistes, les potions pourront peut-être adoucir et ralentir la maladie, mais elles ne la guériront pas. Si ce qu'on vise est le rétablissement complet d'Alannah, on doit se pencher du côté de la magie noire et Scamander a peut-être les moyens de nous aider. C'est un directeur, il doit forcément avoir des contacts avec des gens qui s'y connaissent très bien. »

C’est le moment de vérité. Est-ce que Luke acceptera de te laisser mener des recherches sur un sujet aussi dangereux ? Aucune idée. Dans l’idéal, tu voudras faire ça avec sa bénédiction, mais tu sais très bien que, même sans son accord, rien ne t’empêcheras d’aller explorer cette piste. Tu penses déjà aller fouiner dans la réserve, il doit forcément avoir des ouvrages sur ce genre de sujet. Ensuite, il faudra peut-être profiter de tes weeks-end pour te mettre en contact avec des gens du métier… Peut-être explorer la piste des élèves ayant de la famille ou un goût prononcé pour ce domaine ? Les sorciers ambitieux et curieux, ça pullule chez les Serpentard, il était peut-être temps d’aller faire amie-amie avec les serpents.

Tu considères ton parrain avec un pincement au cœur. Doucement, tu prends ses mains dans les tiennes et sans trembler tu tentes d’adopter une posture rassurante.

- « Je t’aiderais Luke. Je ferais tout ce qui est en mon pouvoir et même plus. On sauvera Alannah, toi et moi, on va y arriver tu vas voir. Tu peux compter sur moi. Elle n’est peut-être pas très conventionnelle mais nous sommes une famille et c’est à la vie à la mort entre nous. On va régler cette affaire et retrouver l’immonde enfoiré qui lui a fait ça, ok ? » Et ce jour-là, t’espère avoir tout un panel de sortilège douloureux à lui infliger. « Je vais mener mon enquête et faire des recherches sur ce genre de malédiction. Si on trouve exactement ce qui l’a touchée, on trouve également un moyen de tout arrêter. Je vais tenter d’infiltrer la réserve et de voir si je n’ai pas moyen de glaner quelques informations auprès de personnes intéressées par le domaine. »

La dernière recommandation de Luke t’interpelle cependant.

- « Tu… Tu penses que l’accident d’Alannah était prémédité ? Est-ce qu’on est en danger, Luke ? »

Evidemment, tu t’y attendais, Luke était trop responsable pour te laisser partir dans ce genre d’expérimentation. Tu comprenais très bien, tu ne pouvais pas dire le contraire. Pour autant, malgré toute ta bonne foi et toute ta compréhension tu ne pouvais t’empêcher de te sentir frustrée… Impuissante. Le Luke que tu avais devant toi, te faisait peur car le Luke devant toi était instable, chamboulé et, pour être tout à franche, c’était bien la première fois que tu n’arrivais pas à le déchiffrer. Quelque chose en toi te disais que cette histoire allait mal finir, qu’il fallait que tu en fasses plus, toujours plus. Est-ce que te limiter à la recherche théorique l’aiderait vraiment ? Est-ce que ton soutient allait suffisamment alléger ses épaules meurtries par la pression ? Tu avais bien peur que non. Mais, Luke c’était Luke. Tu étais incapable d’aller à l’encontre de sa volonté. Même si tu poussais les choses un peu loin, Luke c’était ton parrain et s’il y a bien un regard pour lequel tu étais prête à tout lâcher c’était bien le sien.

- « J’ai compris, je ne ferais rien qui puisse me mettre en danger, c’est promis. » Tu avais l’air d’une petite fille à laquelle on avait eu du mal à arracher un désolé. « Mais… Je veux faire mon maximum pour t’aider. Je… Je n’aime pas l’idée que tu t’isoles et affronte seul ce combat. C’est une mauvaise idée, je veux pouvoir me rendre utile, est-ce que juste me limiter aux livres et aux discussions ça t’aidera ? Vraiment ? »

Tu es légèrement désespérée en cherchant son regard, Dorothy. Tu sais à quel point Alannah compte pour lui. Elle est de ce genre de personne qui façonne un monde, votre monde. Elle est ce genre d’être pour lequel on mourrait. Tu sais à quel point Luke l’aime, mais tu sais aussi que l’amour peut tuer et par moment blesser. Jusqu’où serait capable d’aller Luke pour sa sœur, tu n’en as aucune idée. Et ça te fais peur, Dorothy, ça te terrifie.

Sentir sa main sur ton crâne te chamboule plus que tu ne le voudrais l’avouer et ses mots te touchent bien au-delà de ce qu’il peut penser. Il est précieux, Luke. Il est celui qui ne t’a jamais tourné le dos. C’est avec lui que tu as ri, que tu t’es sentie libre. Luke c’est ta famille. Tu ne veux pas le perdre, tu ne veux pas le voir disparaître. Tu ne t’en remettrais jamais si c’était le cas. Parce que Luke c’est un être cher, c’est un repère dans ton monde si étriqué. Tu l’aimes profondément Dorothy. Profondément.

- « Je ne veux pas qu’il t’arrive malheur non plus. On a failli perdre Alannah aujourd’hui… Je ne veux pas me lever, un matin, et te retrouver dans le même état. Soit prudent s’il te plait. Fais-moi un peu confiance et n’affronte pas ça tout seul, ok ? »

Tu profites de son étreinte pour le serrer un peu plus contre toi. Les prochains mois vont être durs. Très durs.

- « On fera ça. »