somewhere to hide, please ☆ bertram

Des chapelets de mots que mes yeux suivent et dévorent. Il est pas si mal, au final, ce livre d’aventures sorciers. Ca fait un moment que je n’ai pas pris le temps de cloîtrer un moment dans ma chambre, à l’abri de l’agitation effervescente qui régnait généralement dans la salle commune des serdaigles. J’avais pas mal de choses en têtes, pas mal de noeuds à dénouer, j’avais juste besoin de calme pour y réfléchir...et un profond désir d’être distrait de toutes mes préoccupations. Ces dernières avaient d’ailleurs l’art de s’infiltrer dans mes pensées, même lorsque je me relaxais. Les personnages de ce roman prenaient des visages parfois inattendus, et je me surprenais à laisser aller mon imagination qui prenait des détours imprévisibles.

Et la transe était si prenante que je ne réalisais pas que le petit bruit que j’entendais ne venait pas de l’extérieur mais bien de juste là, sous mon lit. Un niffleur me fixe avec ses petits yeux globuleux, alors qu’il fouillait dans les poches de mon manteau. On se fixe mutuellement pendant quelque secondes, paralysé. Je m’empare directement de ma baguette et le voleur en profite pour filer ! Sale bête.

J’adore les niffleurs mais...pas quand ils touchent à mes affaires ! Je n’ai pas eu le temps de voir ce qu’il m’avait pris, peu importe, j’ai bien l’intention de le récupérer…. et d’utiliser la force si besoin.  Enfin, c’était le plan jusqu’à ce que son propriétaire me rejoigne dans le couloir : Vanyar Entwhistle - semi- gobelin. Timide et mystérieux en général. Je m’arrête. C’est trop tard, il est hors de ma vue. Si Vanyar n’avait pas été dans le couloir, je l’aurai eu avec un sort. Rien qui ne puisse lui faire mal, mais ça aurait été drôle de le voir agiter ses petites pattes dans les airs.

C’est ton niffleur, j’imagine, Vanyar.

Ce n’est pas le seul à posséder un niffleur ici. C’est juste qu’en général, les autres font plus attention à leur animaux de compagnie. Je soupire, visiblement contrarié. Je ne suis pas du genre matérialiste, mais je ne supporte pas qu’on fouille dans mes affaires. C’est vraiment malpoli.

Depuis quand les chats sont devenus trop mainstreams ? Les niffleurs ne sont pas censés être gardés à l’intérieur ….

Un peu hypocrite pour quelqu’un qui avait introduit un niffleurs depuis la forêt interdite dans le château. Mais ça Vanyar l’ignorait.

Je ne suis pas d’une excellente humeur je dois l’avouer. Lorsque je le regarde, Vanyar m’évite. Je crois qu’il ne m’aime pas trop et je ne sais pas pourquoi. Moi je n’ai rien contre lui. J’aime bien le fait qu’il soit petit et ses oreilles sont un ravissement pour les yeux. Il est généralement calme, à travailler dans son coin. D’ordinaire il me rend curieux et il me répond rarement. Mais aujourd’hui, au moins, il semble vouloir coopérer avec moi.

Dormir avec ? Comme une peluche ?

Bizarre. Mignon.

Et voilà qu’il prend l’initiative de regarder sous les lits de chaque chambre. A mon tour, je l’imite, scrutant sous les lits des autres. C’est pas glorieux et on ne se rapproche pas du trésor. Montagnes de poussières, slips et chaussettes sales, quelques livres, des morceaux de parchemin…Et la remarque fuse alors que je me relève en essuyant la poussière de mes mains

Eurk, les gens sont des porcs… - Rien ici non plus.

Et je m’avance vers l’autre chambre, lançant un regard un peu curieux à mon camarade.

Merci de ton aide.

Et de marquer une pause, hésitant, avant de tenter :

J’ai toujours cru que tu ne m’aimais pas.

Mon camarade serdaigle ne réagit pas à mes remarques un peu désobligeantes, se murant dans ce silence habituel qui l’entourait dans ma présence. Vanyar était mal à l’aise, et il n’avait même pas le bon goût de le cacher. Moi j’aurai juste aimé savoir pourquoi. Comprendre. Essayer de changer. Enfin peut-être.

Apparemment parler de son animal de compagnie chapardeur suffit un peu pour lui délier la langue, mais à peine. La poursuite se transforme en un petit jeu de cache-cache un peu plus lent mais tout aussi excitant. Est-ce que Gus le chipeur allait se trouver dans l’autre chambre ? Et ben non !  Dommage, on essaie la suivante. Et pendant ce temps là, le niffleur devait être en train de continuer de chaparder tous les trésors brillants de mes camarades. A voir ce qu’il aurait récolté...si je parvenais à mettre la main dessus.

Et là mon approche directe finit par payer : il m’explique certaines choses. Fixer ses oreilles ? Oui c’est vrai, je fais ça et ….ça le dérange de recevoir un peu d’attention.

Et être différent c’est mal ?

C’est tout l’intérêt d’être différent. Pourquoi être ordinaire ? Les gens ordinaires sont insignifiants, ennuyeux et prévisibles. Sans intérêt. Je pousse un léger soupir. Vanyar est perdu, complexé dans sa différence alors qu’il devrait la célébrer. Mais c’est sa croix à porter, pas la mienne.

Et j’aime bien la forme de tes oreilles, c’est tout. Mais...désolé.

Qu’il n’y voit pas une autre raison qu’un compliment.Avec un peu de la chance, une petite excuse ça le rendra un peu plus chaleureux et moins méfiant. En tout cas, pas le temps de parler davantage sur le sujet que le blondinet a repéré la bestiole. Enfin, j’espère parce que je ne vois pas pour quelle autre raison il m’aurait brutalement foncé dedans. Il était juste méga maladroit où j’étais juste transparent ?! Lui s’étale carrément comme une crêpe moi j’ai juste perdu l’équilibre pour me retrouver sur les genoux.

Il est parti par où ??!  

Avant de reporter mon attention sur le blond qui était toujours face contre terre

Est-ce que ça va ? Tu saignes ?

Il a beau ne pas tomber de très haut, le blondinet semble avoir plutôt mal chuté. Il est un peu maladroit, non ? Et en plus il n’a pas pu apercevoir sa compagnon s’enfuir. Double échec. Epic fail. Quand est-ce que cette course poursuite allait finir ? Tant de questions sans réponses, mais vu l’efficacité de mon camarade, je pense que je vais devoir réfléchir à une solution alternative….

Au final je ne suis pas si sûr que l’approche directe ait fonctionné. Mes mots ne semblent pas l’atteindre tant que ça alors qu’il me fournit une réponse logique et pragmatique . Ceux qui font sentir aux autres que leur différence est une pure honte

Et qui te fait sentir comme ça ?

Je serai curieux de le savoir. Aussi c’est une bonne façon de me rapprocher de lui, de commencer à partager. Si j’avais du mal à connecter nos points communs, peut-être qu’on avait des choses en communs dans ce qu’on déteste. Moi, j’ai pas envie de le faire se sentir comme ça. Les différences devraient être célébrées, pas...insultées. La poursuite continue, sans plus de succès et honnêtement je commence à en avoir marre. Mais je ne peux pas renoncer à mon déluminateur; et c’est pas en râlant sur Vanyar que ça va changer. Je lui fais signe de s’arrêter.

Bon. Ok. Ca sert à rien de continuer n’importe comment et à le pourchasser, il va juste continuer de s’échapper un peu plus loin. On doit changer d’approche.

Je réfléchis quelques instants avant de me rappeler mon dernier plan, plutôt évident pour capturer le petit voleur. Je frappe dans ma main.

Evidemment  ! Plutôt que de le chasser, je te propose de l’attirer directement à nous dans un piège….il nous suffit juste d’un appât. On pourrait se placer dans ton dortoir, créer une piste d’objets brillants auxquels il ne pourra pas résister et le coincer là- bas ! Qu’est-ce que t’en penses ? T’as pas des trucs brillants dans ta chambre ? Qu’est-ce qui l’attire le plus ?  

Et pour empêcher que quelqu’un d’autre les vole, il suffirait de laisser un mot magique dans l’espace du couloir. Quelque chose comme “ne pas ramasser, piège à niffleur”. C’était l’idée parfaite.

Je crois que tu me désespères un peu Vanyar. Pourquoi tu t’enfuis quand je te pose des questions ? Pourquoi tu te caches ? Dis-le moi si je te donne cette impression que tu es différent et que c’est mal. Dis-le moi. Okay, tu ne veux pas me parler de qui t’as égratigné dans la vie et comment - je comprends, c’est de la pudeur. Mais s’il te plaît, je sais pas, faire ressortir quelque chose, n’importe quoi. Ta voix est si douce, le ton de ta voix si poli. On dirait moi. Ce qui veut dire que t’as quelque chose à cacher. Et j’espère, honnêtement que t’as quelque chose à cacher. Parce que si on t’a fait ressentir comme ça toute ta vie, c’est normal, non, c’est sain d’avoir de la rancoeur. Un soupçon de colère. Même l’hybride le plus doux et le plus poufsouffle que je connais, derrière sa douceur, si on gratte on remarque qu’en réalité il est plein de rage. Et toi Vanyar, qu’est-ce qu’on trouve quand on gratte un peu ? Pas rien, j’espère. Me dis pas que t’es juste abattu et résigné ?

Tu réponds à côté de ma question. Tu le fais exprès, je le sais. Je ne vais donc pas le relever - t’approcher est suffisamment délicat.

Je soupire. Tant pis.

Au moins mon plan pour piéger son animal de compagnie semble l’enthousiasmer au point qu’il m’invite dans sa chambre. Okay. Je le suis docilement dans son repaire et détaille du regard tout ce qui me semble important. Chaque indice. Il s’empare de gemmes et autres objets brillants. De mon côté j’agite ma baguette pour écrire dans l’air à l’aide d’un flambios : “Piège à niffleur, veuillez ne pas toucher.”

Mm...tant que je récupère mon déluminateur…. L’idéal ça serait d’avoir une sorte de prévenir plutôt que guérir. Il y a pas mal de gens qui se baladent avec des choses précieuses dans leur dortoir.

Et honnêtement j’ai mieux à faire de mon temps que de courir après un stupide niffleur. Baguette sortie, on attend que la créature tombe dans notre piège. Pour rompre le silence j’ose lui demander :

Qu’est-ce que tu fais avec toutes ces pierres ?

C’est délicat  ce genre de choses. Un niffleur aussi c’est très délicat - je le sais, après en avoir introduit un sauvage dans les murs du château. Je m’en souviens encore, Beckett l’avait baptisé Gollum et j’avais retrouvé sa trace dans les donjons. Mais j’étais loin d’imaginer qu’une créature parviendrait à me dérober quoi que ce soit. On pouvait dire que c’était le karma qui revenait comme un boomerang me mettre un petit coup sur le coin du visage - même si en réalité je l’avais tourné en opportunité pour en apprendre plus sur le mystérieux et timide Vanyar Entwhistle.

Une fois le piège tendu je me rends dans le dortoir de mon camarade pour attendre le petit voleur sur un lit qui ne m’appartient pas, baguette prêt à attaquer. Mon regard balaie les différents éléments de la pièce, les affaires de ses colocataires et enfin son propre matériel. Apparemment il se sert de tout ça pour créer des objets magiques ?! Voilà qui est terriblement intéressant. Mais je sais que je dois dissimuler mon enthousiasme. C’est donc avec un ton plutôt décontracté que je lui dis :  

Waw ! C’est impressionnant. Ca doit être plutôt difficile à faire. Est-ce que je peux te demander ce que tu préfères fabriquer ?

Poli et détourné. C’était plus facile de lui poser des questions sur ses préférences que de lui demander directement quel type de trucs il fabriquait.

Après un silence - il faut dire que le dénommé Gus prenait son temps à arriver, sans doute de notre faute pour l’avoir pourchassé - il me sort une petite phrase sortie de nulle part. Je le regarde avec surprise. Je lui avais bien demandé qui le faisait se sentir comme ça mais...je ne m’étais jamais explicitement inclu en quelque façon dans ce groupe de personne. En général, je faisais en sorte que mes affinités politiques restent neutres  ou qu’elles soient ignorées. Néanmoins...ça restait un bon point. Si Vanyar ne pouvait pas me dire qui le faisait se ressentir comme ça au moins j’avais la conviction de ne pas en faire partie. Je dégaine un sourire aussi doux que le ton de ma voix.

Et bien….je suis content de l’entendre.

Et au milieu de ce moment de confusion pour lui, et de victoire pour moi - le niffleur débarque rapide comme la lumière, dégommé directement par son propriétaire. Il couine.  Le choix du sort me surprend un peu - un stupéfix c’est pas forcément le sort le plus agréable à encaisser. Et il faut savoir qu’il peut être dangereux et engendré la même chez les personnes très faibles ou encore âgées. C’était un peu….overkill pour un niffleur. Pauvre Gus. Redoutable Vanyar. Il m’apporte mon bien

 Ah merci ! Mais….tu sais, pour Gus un wingardium leviosa aurait suffit.  

Je baisse les yeux vers la créature.

 Il a chipé d’autres trucs ?  

Est-ce qu’il a un petit côté sadique ou bien il était vraiment du genre à paniquer et lancer le premier sort qui lui venait à l’esprit ? Difficile à dire alors qu’il restait si mystérieux en ricanant. Bizarre c’est le seul mot qui coule dans ma tête et qui me remplit de ravissement. Et puis ce n’était pas si grave, non ? Gus était en vie en train de se faire caresser dans les bras de son … maître propriétaire. Et si le sort avait achevé le niffleur - et bien, ça aurait été triste mais j’aurai eu l’avantage de ne pas être responsable. Et aussi ça aurait signifié moins de chapardage dans les environs. Je lui aurais bien conseillé de vérifier dans sa petite poche ventrale mais loin de moi l’idée de tripoter son niffleur sans permission.

Si jamais tu trouves où il les cache...appelle-moi. Qui sait ce qu’il a pu dérober en toute impunité

Du bout de l’index je caresse doucement le front de la créature un peu masochiste. Sa façon de me remercier souligne le silence gênant qui s’est installé. Je lui réponds avec un léger sourire convenu, le ton chaleureux.

De rien. C’est normal. Je vais te laisser travailler et ...consoler Gus.

Ca me donnait envie de pouffer de rire. Consoler Gus. Je lui adresse un petit signe de main et retourne dans mon dortoir pour enfermer les trésors à double tour - qu’ils ne voient plus la lumière du jour. Les meilleurs secrets se gardent sous clés, non ?