[FB - 2027] not so different (ethan)

Pire avant-midi de ma vie. Et je comprenais toujours pas comment c’était arrivé, mais c’était arrivé. J’irais jusqu’à croire, plus tard, que ce fut un tour du destin qui voulait absolument que je rencontre un élève en particulier. Je m’explique : depuis mon plus jeune âge, mon ouïe aiguisée fut source de problèmes plus que de solutions. Ainsi, trouver le sommeil était, dans un dortoir partagé avec trois autres individus, un combat récurrent, qui ponctuait mes fins de soirées aussi assurément que le soleil se levait le matin ou que les Poufsouffles aimaient manger. La veille n’y avait, bien sûr, pas échappé. L’élément de nouveauté, toutefois, c’est que j’avais mis jusqu’à très tard pour finalement fermer l’œil et que, par conséquent, je n’avais pas réussi à me lever à l’heure habituelle, provoquant un retard gênant dans mon horaire. Malgré moi, je me retrouvai donc à assister à mon premier cours de la journée le ventre vide, le pouce appuyé contre l’une de mes canines alors que ma jambe tremblait de frustration. Inutile de dire que ça commençait mal et que j’étais fort impatient que sonne l’heure du déjeuner.

Je descendis au deuxième étage pour gagner l’infirmerie, dans l’optique d’y récupérer une poche de sang. Juste d’y penser suffisait à me mettre l’eau à la bouche et à me faire gargouiller le ventre. Ce fut un tel soulagement, lorsque je pus enfin goûter à mon breuvage par excellence que je me permis de sauter les précautions habituelles. De toute façon, à cette heure, tout le monde était à la grande salle. Ou presque. J’estimai donc que je serais tranquille dans mon trajet entre l’infirmerie et la bibliothèque, là où je comptais aller passer l’heure libre dont je disposais pour étudier. J’aurais dû me douter que ce ne serait pas aussi facile que ça. Il y avait quelqu’un d’autre dans le couloir du troisième étage. Merde !

Légèrement paniqué, je m’empressai de refermer l’embout de la poche de sang. Évidemment, ce ne fut pas sans la serrer un peu trop, le sang de bovin dégoulinant sur le dos de ma main. Merde merde merde. Lorsque je fus certain que mon sac ne risquait pas de se changer en scène de crime, je fourrai la poche dans celui-ci, m’empressant de porter ma main à ma bouche. Pourvu qu’il ait rien vu, pourvu qu’il ait rien vu. Je pourrais toujours faire semblant de m’être coupé, dans le pire des cas. Il faudrait un odorat surhumain pour être en mesure de dire que c’était du sang de bœuf et non pas du sang humain, ou de semi-vampire.

Est-ce que c’est… du sang ? Merde. Il l’a vu. Il a remarqué. Il se pose des questions. Je dois trouver une parade, quelque chose. Le mieux que je trouve à faire, c’est essuyer le dos de ma main contre ma robe de sorcier de la manière la plus casual possible. Ça va être un cauchemar à faire partir. Heureusement qu’elles sont foncées ces robes, parce que ces tâches risquent de s’accrocher à la vie.

« Du sang ? Mais non ! C’est euhm… Du jus. De canneberges. »

Je lui donne mon excuse, mais j’ai pas l’air plus certain que ça. J’en ai jamais bu moi, du jus de canneberge. J’ignore si ça va passer comme excuse, si c’est assez ressemblant. Je crois juste me souvenir que la couleur a quelque chose de rouge foncé. À moins que je ne confonde avec un autre type de jus ? J’espère bien que non parce que sinon je vais avoir l’air foutrement con. Peut-être que j’aurais dû dire que c’est du jus de tomate, mais c’est moins foncé que du sang. Son ventre gargouille de manière bruyante, un sentiment avec lequel je peux compatir. Et je sais pas à quel point. Puis, étrangement, il me demande le chemin de l’infirmerie. Il n’a pas l’air spécialement malade, juste affamé. Même ce qu’il dit ensuite semble contradictoire. Peut-être est-il simplement gêné ou mal en point ? Ça expliquerait pourquoi il parle d’aller manger à l’infirmerie. Quoi que… Moi aussi je vais bien chercher à manger là-bas, non ?

« T’es sûr que ça va ? Si tu veux je t’y accompagne même, j’en reviens tout juste en plus. »

Puis je réalise l’étrangeté de sa demande. Où est l’infirmerie ? Je veux dire, je sais bien que le château est grand, mais il n’a pas l’air beaucoup plus jeune que moi. Comment peut-on passer potentiellement des années ici sans savoir où elle se trouve ? La seule explication, c’est qu’il s’agit peut-être d’un nouveau. Échange étudiant, déménagement, ces trucs-là. Bien sûr j’aurais aimé aller à la bibliothèque tel que je l’avais prévu, mais à présent j’avais des remords. S’il venait d’arriver à l’école et qu’il était malade dès le départ, surtout s’il ne connaissait personne, ça ne devait pas être super fun comme expérience ou comme première impression des lieux.

« Et j’ai rien à faire donc, je peux même rester un peu si jamais t'as d'autres questions ou… autre chose. Tu viens d’arriver ? »

J’ai pas besoin d’aller perdre une heure dans la Grande Salle pour manger surtout, ça aide à se trouver du temps libre mine de rien.

Certes, la question aurait pu être bizarre, dans le cas où ça n’aurait pas été du sang, justement. Là… Bah il était pile dessus. Ce qui était d’autant plus gênant. Difficile d’expliquer ça sans vendre le pot aux roses : oui bonjour je suis un semi-vampire, bienvenue à Poudlard ! Pas très vendeur et encore moins accueillant. C’était un plan pour le faire regretter sa venue ici et lui donner envie de prendre ses jambes à son cou avant d’être la victime d’un terrible monstre à dents pointues. Au lieu de ça, je décidai de lui offrir de le guider jusqu’à l’infirmerie. Autant donner un coup de main. L’inconnu accepta cette offre, mais vint également soulever un autre point. N’étais-je pas occupé ? Je le rassure en mentionnant que je n’ai rien à faire, ce qui est partiellement vrai. Je devais aller étudier, mais du coup j’ai pas besoin de perdre mon temps à la Grande Salle pour manger. Ce qui me permet de lui offrir de répondre à ses questions, s’il en a. J’apprends d’ailleurs bientôt qu’il est à Poudlard depuis quatre jours seulement. Mon intuition était donc la bonne. Quant à me devoir quoi que ce soit…

« Ne t’inquiète pas trop avec ça, c’est normal voyons. »

Surtout qu’il est question de l’infirmerie, déjà, et qu’on est tous les deux en noir et jaune. Il faut bien s’entraider, particulièrement si ça concerne la santé. Ce après quoi le nouvel élève avait décidé qu’il était temps de faire les présentations. J’esquissai un sourire mi-amusé, mi-amer en entendant son prénom.

« Ethan Bartholomew Stoker. Mais je n’utilise que mon premier prénom alors tout le monde m’appelle Ethan. C’est une drôle de coïncidence. »

C’est drôle que ce prénom que j’ai hérité de mon père, un vampire, soit aussi le tiens. Vaut mieux ne pas trop longtemps s’attarder sur ce fun fact, je n’ai pas nécessairement envie d’en parler. C’est un sujet sensible après tout. Vaut mieux orienter la conversation vers autre chose sur le chemin qui nous sépare de l’infirmerie.

« J’ai fait toute ma scolarité à Poudlard jusqu’à maintenant, et je ne sais pas si j’aurais le courage d’aller en échange étudiant. »

Parce que je suis un semi-vampire, ça complique beaucoup de choses et ce très rapidement.

« Et toi tu le fais pour une raison en particulier ? Je suppose que ça signifie que tu sais parler français ? »

Très tolérants ici ? J’avoue ne pas avoir d’élément de comparaison, mais je suppose que ma présence à elle seule suffit pour confirmer ça, n’est-ce pas ? J’acquiesce donc et la conversation suit son cours normal alors que nous gagnons le deuxième étage, là où se trouve l’infirmerie. Bartolomeo a l’air sympathique, et venant de moi ce n’est quand même pas rien. Quand vint le moment d’expliquer les raisons de son échange étudiant, l’autre jaune mentionna simplement un besoin de changer d’air. Je dirais bien que je pouvais comprendre, mais au fond était-ce vraiment le cas ? Pas vraiment puisque je n’avais jamais considéré cette possibilité. Que je ne le ferais sans doute jamais. Je m’étais fait à la vie à Poudlard et j’avais déjà tant de difficultés à avoir des amis et tout ce qui s’en suit. Pas question de recommencer à zéro, de perdre les gens qui me tenaient déjà à cœur comme Gus ou Sera. Quant à parler français… Woah.

« Je n’ai absolument rien compris… Mais généralement j’aime apprendre. »

Et même que je suis un bon élève, d’habitude. Mais pas besoin de me vanter de ça. Je suis déjà plus qu’assez lame sans avoir besoin d’en rajouter. Ce après quoi le jeune homme réalise à quel point il s’est trompé dans son trajet. J’esquisse un sourire compatissant, les mains toujours cachées dans mes poches.

« On fini par s’y habituer, t’inquiète pas. Mais pense à te mettre en route pour tes cours avec un peu d’avance, surtout au début. »

Ce serait bête d’arriver en retard à cause des escaliers, surtout que certains enseignants sont moins patients et compréhensifs que d’autres. Sans compter que ce ne serait pas une très bonne façon de commencer sa scolarité à Poudlard. Il devait déjà être si stressant de se retrouver dans un environnement inconnu de ce genre. Ainsi, lorsqu’il me remercia de l’avoir accompagné, je m’empressai d’acquiescer, déjà prêt à lui rappeler que ce n’était rien et, surtout, qu’il ne me devait rien en retour. Je n’eu toutefois pas le temps de le faire puisqu’on me devança. L’infirmière. Viens prendre ta poche de sang. Quoi ? Mais j’ai déjà pris la mie— Oh. Je clignai des yeux, dévisageant le nouvel élève. C’est l’infirmière qui me tire de ma transe en me demandant si j’ai besoin d’autre chose.

« Rien, merci. »

Mon regard surpris n’a pas dérivé du nouveau. Ça doit commencer à être inconfortable là d’ailleurs. Ça mérite probablement une explication et je plonge donc la main dans mon sac pour en sortir… ma propre poche de sang. Je lui adresse un genre de sourire timide, gêné. Mais puisque je connais son secret, n’est-ce pas normal d’aussi lui partager le mien ?

« Je crois qu’on n’a peut-être pas juste un prénom en commun, si tu vois ce que je veux dire. »