Tu étais encore sauvage à cette époque. Insensible du monde qui t'entourait, inflexible aux leçons qu'on te tirait. Tu étais un être différent, tu voyais différent et tu t'assumais différent. Comme si ressembler à la masse était se considérer comme stupide.
Quel âge avais-tu ? Quinze ou seize ans, pas plus. Mais tu essuyais déjà une sale réputation.
Il fallait dire que tes fréquentations n'aidaient pas vraiment. Le groupe avec Lukas, Tresor et Floyd ne passait pas inaperçu. Encore moins quand Raffaello se mêlait à celui-ci !

Assis dans les gradins de la piscine, tu lisais un livre pour préparer ton examen d'occultisme. Vu qu'on était en semaine et que la grande majorité des élèves étaient en plein cours, la piscine couverte était pratiquement vide. Quelques sportifs venaient faire des longueurs pendant leurs heures de trou.
Et actuellement, vous étiez deux seulement. Toi et une fille aux longs cheveux noirs qui avait pour elle tout le bassin.

Tu relevais de temps en temps les yeux pour vérifier qu'elle était toujours là, bercé par le bruit de son corps épousant l'eau à chaque mouvement. En vrai tu aimais bien venir te reposer ici. Non pas pour observer les filles en maillot de bain, mais parce que le bruit et l'odeur te relaxaient et parvenaient à éliminer les sensations parasites que ton corps pouvait percevoir toute la journée.

Alors qu'elle sort de l'eau, tu grimaces, alerté par les gouttelettes roulant de ses formes pour s'écraser sur le carrelage. Tes yeux rouges viennent se poser sur sa silhouette, de dos. Tu penses la reconnaitre et d'un ton espiègle, tu t'exclames.

— « Hey Nilsson. Tu sais que c'est dangereux de se promener seule ici ? »

Tu aimais bien l'embêter, appuyer là ou ça faisait mal pour la punir de cette curiosité malsaine dont elle avait pu faire preuve de toi dans le passé. Mais alors que la fille se retourne et te fusille du regard, tu hausses un sourcil en découvrant que ce n'était pas elle. Elle lui ressemblait fortement pourtant, mais c'était quelqu'un d'autre.
Un peu blasé, tu secoues la main pour reconnaitre ton erreur.

— « Désolé, je t'ai confondu avec quelqu'un d'autre. »

Il t'avait fallu quelques secondes pour te rendre compte de ton erreur. Tu avais confondu cette fille avec Nilsson, ta victime préférée. Mais ce n'était pas elle, et à ce que tu venais d'entendre, elle était pas du même genre. Tu hausses un sourcil, avant d'étirer un rictus coupable amusé. Elle avait raison, tu avais carrément mauvaise vue. C'était ironique bien sûr, tu pouvais discerner ses grains de beauté de là ou tu te trouvais.

Ce qui t'étonne cependant, c'est qu'elle connaisse qui tu es. De plus, elle t'avait appelé par ton prénom, ce qui n'était pas vraiment poli on pouvait le dire. Bon, toi non plus tu n'avais pas été d'une courtoisie évidente, en l'interpellant de dos.

— « Tu connais mon prénom d'accord, mais du coup t'es qui ? »

Tu fermes ton livre d'un coup sec et le range dans ton sac avant de descendre les gradins. Tes yeux avaient repris leur couleur naturelle et ton visage était plutôt fermé. Tu ne cherchais pas vraiment le conflit mais son animosité envers toi t'avait intrigué. Lui avais-tu fait quelque chose sans t'en être rendu compte ? Tu fronces les sourcils, pas que tu en es quelque chose à faire - la culpabilité c'était pas ton truc - mais tu voulais connaitre les motifs de tes ennemis.

Elle ouvre elle même un livre alors que tu es à sa hauteur et tu prends ça comme de la provocation. Tu te places derrière elle et lui prend des mains par en haut, lui accordant un regard froid et presque blasé.

— « Je t'ai posé une question miss. Fais pas style tu veux bouquiner ici alors que ça se sent à dix kilomètres que tu détestes cet endroit. Ta place, c'est plutôt au fond de la bibliothèque comme n'importe quelle serdaigle non ? »

C'était peut-être piquant, mais pas méchant. Tu jettes un oeil à la couverture de son livre, et étires un sourire au coin des lèvres.

— « Intéressant, que tu lises ça. Bon, c'est pas mon genre de courir après les filles qui ne veulent qu'une chose : attirer l'attention sur elle. Mais j'aimerai juste savoir ce que je t'ai fait, si ça te dérange pas trop. »

De profil, tu laisses retomber le livre sur ses genoux, le visage à l'allure ennuyé. Mains dans les poches, ton regard fixait obsessivement la fenêtre de la piscine qui grinçait à l'autre bout.

Tu avais vaguement feuilleté le livre qu'elle lisait et tu avais vomi intérieurement. Les histoires d'amour, t'y croyais pas et t'y avais jamais cru. Les humains avaient inventé l'amour pour justifier de leurs attirances biologiques sexuelles. Mais en réalité ça t'arrangeait bien de penser comme ça Vega... C'était une forme de lâcheté, face à la peur de l'amour et de l'engagement. Tu aurais eu envie de la vanner sur le sujet si tu ne cherchais pas désespérément à assouvir ta curiosité sur son cas. Et pour réussir, il ne fallait pas trop la brusquer.

A sa remarque qu'elle rétorque presque du tac au tac, tu serres les dents. C'était surement le pire truc qu'on pouvait te dire, la seule chose qui te faisait remonter des souvenirs traumatisants. Tu réponds, en contractant la mâchoire.

— « Le cercueil, j'ai déjà gouté merci. Je recommande pas trop si t'as un enfant plus tard. »

Tes yeux la toisent mais tu prends sur toi, croisant les bras sur ton torse. Elle était peut-être venimeuse, mais il suffisait de lui arracher les crocs pour qu'elle se calme. Métaphore, évidemment... Encore des souvenirs douloureux, et récents cette fois-ci.

— « Soleil ? Tu veux parler de Nilsson ? »

Cette fois, tu éclates de rire. C'était une blague ou bien ? Qu'est-ce que venait faire cette fille dans le rapport ? Tu saisis par la suite qu'elles sont surement amis. Toutes les deux serdaigle, apparemment leurs ressemblances trahissaient également une complicité entre elles deux. Tu te mords la lèvre et enjambe le siège pour t'asseoir à côté d'elle.

— « Hm... Et si on faisait un marché ? Je laisse Nilsson - ton amie - tranquille. Et en échange, tu me rends un service. »

Tu étires un large sourire, laissant dévoiler tes canines pointues, aussi blanche que ton teint blafard. Clairement, elle y gagnait pas au change.

Il était connu que Vega était quelqu'un de sarcastique, même dans son opportuniste. Il n'avait jamais forcé... il se délectait de l'indécision malsaine qui animait ces jeunes femmes et parfois les jeunes hommes. Comme lui.
C'était à l'époque ou il utilisait sa différence comme source d'attraction. Cela marchait si bien, car derrière la peur se cachait toujours la curiosité.

Ene est marrante, tu la dévisages avec neutralité, un infime rictus à peine perché au coin de tes lèvres. Elle s'agite, rumine, hésite et cette torture bonne enfant fait un bon divertissement. Jamais tu ne saisiras ses cheveux pour apporter violemment sa peau à tes crocs, elle viendrait d'elle même, honteuse de se laisser prendre à sa propre avidité.

— « Nilsson ne serait pas aussi dévoué en amitié que tu l'es pour elle. »

Ta tête est toujours tenu par tes doigts, le coude posé sur l'accoudoir vous séparant. Victorieux mais silencieux, tu jubiles face à son errance. Elle voudrait savoir, sans pour autant accepter. Savoir si elle serait capable de le supporter.
Tu viens attraper son menton pour capter son regard, et qu'il ne s'échappe pas cette fois-ci. Tes prunelles d'un écarlate incandescent scintille à la lueur de ses envies. Tu passes un doigt sur sa lèvre inférieur et répond avec nonchalance.

— « Tu sais très bien de quoi il s'agirait. De m'offrir ton sang à sa place. Si tu en as la force. »

Tu étais jeune Vega. Et parfois elles avaient tendance à vouloir jouer. Le pessimiste blasé de la vie se transformait en provocateur né.
Ce qui t'inquiétait presque avec cette fille, c'est qu'elle semblait plus concernée par son amitié avec Soleil, par le fait de la protéger que par le fait de se protéger elle-même.
C'en était presque agaçant, moins amusant.
Il n'était pas dans ta nature de pousser le vice trop loin, surtout quand une personne faisait acte de loyauté envers une autre. Tu restais Gryffondor, et c'était la principale raison de pourquoi tu n'étais pas à Serpentard. Les opportunistes sont des serpents.

— « Tu es fatigante. Il n'y aucun plaisir dans le fait de jouer avec toi. Tu ne penses qu'à ton amie. Tu es trop mignonne pour que je te fasse du mal. »

Tu soupires, un peu irrité, mais résigné. Il n'y avait rien à en tirer, si ce n'est en creusant sans doute la petite parcelle de curiosité en elle à l'égard des vampires. Mais c'était trop maigre, et tu t'étais déjà rabattu. Cependant, en réponse à sa deuxième question, tu étires un sourire.

— « Elle n'a jamais été calice, si ce dont tu t'inquiètes. Et je n'ai jamais forcé une fille contre sa volonté. Le chantage est une excuse, si elles ne voulaient pas, elles sacrifieraient leurs secrets. »

Tes yeux la dévorent du regard, se teintant d'une couleur vermeille. Tu souffles du nez, sans pour autant détourner tes yeux des siens. Soudain, tu poses tes bras de par en par de son siège pour la bloquer, et te positionne au dessus de sa tête. Quelques secondes bercé par son souffle saccadé, tu cognes ton front contre le sien.

— « Idiote. »