Il y a trente-trois ans, mes yeux s’ouvraient sur le monde, dans la ville de Cardiff, au pays de Galles.
Mon père s’appelait Solayman Al-Mansûr et il était né en Égypte, de parents sorciers, eux-mêmes nés de parents sorciers et-cætera, et-cætera, et-cætera. Ses pouvoirs se sont manifestés très tôt, par quelques incidents bénins. Mais ses parents étaient habitués. Il n’était pas le premier de sa fratrie. Ni le dernier, d’ailleurs. Deux ainés, un garçon et une fille, ainsi qu’une petite sœur, envers laquelle il se montrait très protecteur. Ses études en sorcelleries, il les a faites, comme toute sa famille, à Uagadou et en est sorti avec d’excellents résultats qui auraient pu lui promettre un poste haut placé. Seulement, mon père était fasciné par les moldus et leur façon de vivre. Alors il s’est spécialisé dans leur étude, en a appris plus sur eux et a même appris comment se fondre parmi eux.
Ma mère, elle, se nommait Ann Llewelynn et était Galloise. Ses études, c’est à Poudlard qu’elle les a faites. Tout comme moi, je l’ai fait à sa suite. Et mon frère, également. Après cela, elle a continué d'étudier pour pouvoir, enfin, prétendre au poste d’Auror. Et elle y est arrivée haut la main. D’aucuns me disent que c’était une sorcière de talent. Pour moi, elle restera ma mère aimante, d’une douceur, d’une gentillesse et d’une bonté sans pareil… Elle rencontre mon père au Caire au cours d’une mission pour le ministère. Ne me demandez pas plus d’informations, elle n’a jamais voulu nous en dire plus à mon frère et moi. Le mystère restera à jamais non-résolu…
Entre eux deux, ce fut le coup de foudre. Du moins, c’est ce qu’ils s’amusaient à nous raconter. Ils se sont rencontré dans une fumerie moldue, côtoyée autant par ces derniers que par des sorciers grâce à la qualité du tabac qu’ils proposaient pour leurs narguilés… ainsi que l’opium, dans l’arrière salle. Par la suite, elle dut rentrer au Pays de Galles faire son rapport, ainsi que demander quelques congés pour « affaires personnelles » qui lui ont été accordées sans trop de questions. Elle est alors retournée en Égypte pour revoir mon père. La suite, vous vous en doutez. Ils se sont mariés. Ma mère devait reprendre du service. Mon père l'a suivi à Cardiff.
Et me voilà, ouvrant mes yeux sur le monde.
Ainsi donc, du pays de mon père, je ne connais rien. Le couple Al-Mansûr ne fut, bien évidemment, pas très bien accueilli. Mon père et ma mère ont dû faire face à quelques… crises de jalousie. Elle était une femme en vue et en vogue auprès des hommes du ministère. Un bon parti qu’il fallait à tout prix s’attitrer. Mais elle les avait complètement dédaignés pour un autre. Et pire que tout, pour un étranger qui ne connaissait rien de la vie au Pays de Galles. Quelques siècles plus tôt et on l’aurait traité de Sarrasin. Mais ils se sont accrochés. Et avec le temps, les gens se sont habitués à le savoir dans la vie de ma mère. Elle, elle a repris son travail d’Auror. Lui… lui, il a ouvert sa propre fumerie, dans la rue marchande principale des sorciers à Cardiff. Et l’exotisme de sa boutique lui a très rapidement valu un franc succès.
Trois ans après ma naissance, c’est mon petit frère qui vit le jour sous le ciel nuageux de Cardiff. Jamil, mon beau petit frère. Mon portrait craché qui est lui-même le portrait craché de mon père. Le teint hâlé, les traits volontaires... seuls nos yeux diffèrents. Les siens sont fait de miel, ceux de mon père, tandis que j'ai hérité de ceux de pluie de mère. Et... une sacrée voix dès qu’il s’agissait de pleurer -voire hurler. Si lui et moi, sommes nés Gallois, mon père, lui, reste égyptien et n'a connu que Uagadou comme école. Et il souhaitait que je suive le même chemin que lui. Seulement, c'est bien la lettre de Poudlard, que je recevrais, à mes onze ans. Pour la plus grande fierté de ma mère. Et la plus grande déception de mon père.
Mon enfance s’est faite tranquillement. À tour de rôle, papa et maman nous apprenaient à lire, à écrire, à compter. Elle nous enseignait l’histoire du Pays de Galles, lui de l’Égypte. Il nous a également appris à parler arabe, car pour lui, c’était important que de connaître ses racines. Et au final, pour nous, c’était normal. Nous jouions avec les enfants de notre âge, du quartier. Nous avions cependant interdiction, tous autant que nous étions, d’user de nos pouvoirs. On nous rabâchait encore et encore que sans la connaissance qui va avec, cela pouvait être dangereux pour nous. Alors nous restions sages, nous nous inventions des aventures et courions dans tous les sens dans les rues, jusqu’à ce que nos parents nous rappellent. Parce que papa et maman s’arrangeaient toujours pour que l’un des deux soit à la maison…
Et bien sûr, à l’âge de onze ans… j’ai reçu ma lettre d’admission à l’école de Poudlard. Quelle fut ma joie. Enfin, j’allais apprendre à devenir un sorcier, un vrai ! Et c’est à cette occasion que j’ai fait l’acquisition de ma baguette. Bois de tilleul argenté, ventricule de dragon, 33.655 cm, très souple. Le vendeur a été plutôt surpris qu’une telle baguette me choisisse, lui qui me regardait légèrement de travers à cause de mon teint basané - eh oui, encore aujourd'hui, les mentalités peinent à évoluer pleinement… Il devait me prendre pour un moins que rien. La baguette lui a indiqué que, peut-être, je pourrais devenir plus important qu’il n’y paraît. Cela dit, si nous savions, à cette époque…