Les jours s’entament — s’entassent, s’encrassent — de la même monotonie aberrante, étouffante, exaspérante. Les ombres se déplacent, se chevauchent ; forment un amas dépéri et inconsistant entre ces murs éreintés, cette bâtisse livide et blême. Les couleurs se perdent et s’effacent ont-elles ne serait-ce qu’une seconde existées ? entre les yeux terreux ; ne subsistent, survivent que nuances de noir qui s’accrochent à la trace, collent à la peau, déteignent et égayent l’existence vécue — éprouvée. Et devant les palabres qu’elle jauge funèbres, les sombres cavalcades, la silhouette se détache et s’extirpe de leur truculence exacerbée, enflammée et débordante de vie — d’allégresse niaise, muette interrogation au bout des lèvres qui ne cesse de suppliquer le pourquoi et le comment. Quelque part, elle se savait désirée et attendue mais le pas se perdait dans sa nonchalance habituelle, si propre et singulière à la carcasse. Le flegme arboré ne daignait s’évaporer, s’animer d’un enthousiasme plus exalté qui saurait accélérer la cadence morne et désabusée. Car Selene l’était — l’est — de tout son soûl, crevée par la fulgurance absente, accablée par l’étincelle manquante qui saurait esquisser un sourire, élever une allégresse naturelle. Alors la méprisance déborde, l’écrase et déferle envers ceux qui savent, comprennent et parviennent. Elle comble les fêlures démesurées par lesquelles s’échappent toutes ces notions aussi simples, bêtes — élémentaires. Voilà pourquoi Selene mord et aboie. Voilà pourquoi Daisy sanglote et s’appitoie ; manquante, défaillante de l’essentiel. Celui qui comble les êtres et fait flancher les coeurs. Et c’est ainsi la tête pleine à ras bord qu’elle rejoint finalement Oskar, âme en perdition devant la mélancolie qui l’affuble. Toujours aussi beau, avec son culot outrancier ; toujours aussi beau, avec ses airs cabotins célestes. Un sourire normatif lui fut accordé pendant qu’une cigarette s’apprêtait à pendre entre ses lèvres.
« En réalité, je suis bien heureuse d’avoir manqué cette vision d’horreur. » Elle réajusta son béret de velours, le regard aveuglé par l’astre solaire avant de saisir son zippo et d’en extirper une latte.
« Bonjour Cyanure. » Elle appréciait ce duo par l’extravagance qu’ils affichaient. Le monde pourrait crever que la chevelure vénitienne s’insurgerait pour s’apprêter correctement — parfaitement. Il s’habillait avec goût et panache, elle ne pouvait en démordre. Une des autres, nombreuses, caractéristiques qui lui plaisaient tant. Sa langue de vipère en première place, bien entendu.
« Le gala approche bientôt. » qu’elle insuffla.
« J’hésite entre l’avant-gardisme ou le traditionalisme. Mais je te montrerai tout cela plus tard. » Elle lui prit le bras et effectua un pas en avant.
« Que racontes-tu de beau ? As-tu trouvé chaussure à ton pied ? » Et Dieu sait qu’il était dur à satisfaire.