[flashback varsovie/terminé] osamotnienie | z Jack

Ce soir, ce fut un triomphe, un véritable triomphe. Les gens ne t’ont jamais applaudi avec plus de vigueur qu’aujourd’hui ! Ton cœur s’est serré de bonheur, heureux d’avoir pu apporter à tes spectateurs ce qu’ils méritaient : une danse, une grâce, un show à la hauteur de leur porte-feuille, du temps qu’ils ont passé à te regarder. Toi et les autres artistes.


Toutefois, si leur contentement t’a rempli de joie, les parents, comme souvent, sont venus tout gâcher. Ton père, surtout, qui n’arrivait pas à être satisfait de ta prestation de ce soir. Bah oui, tu as remplacé un saut par un autre au dernier moment – son saut préféré – et, selon ses dires, tu ne semblais pas suffisamment pris dans le jeu. Pas suffisamment réactif. Mais ce n’est pas vrai ! Et puis, qu’est-ce qu’il y connaît, lui ? Il n’a jamais mis de chaussons de danse de toute son existence !


Ses mauvaises paroles ont réussi à t’arracher des larmes, Inocenty. Car il est égoïste, car il n’a parlé qu’avec son perfectionnisme à la con, qu’avec sa mauvaise foi et son méchanceté. Il ne t’arrive pas à la cheville et tu le sais. Si son nom est connu, c’est grâce à toi. Bientôt la fin de ton règne ? Il ne sait pas de quoi il parle. Un fils nul comme toi ? Beaucoup aimeraient t’avoir comme enfant.


Au lieu de profiter de ta soirée avec les autres danseurs dans un bar, tu es parti de ton côté pour te bourrer la gueule, plantant tout le monde là. Tu entends encore ton père te hurler de revenir, ta meilleure amie tenter de te retenir, mais tu t’en fiches. Ce soir, tu passeras ton triomphe seul à déprimer. Loin de la gloire et de la reconnaissance qui te sont si chers. Tu ne rentreras pas chez toi avec elle, ce soir. Elle sera jalouse, mais tant pis.


Il y aura d’autres moments pour pleurer.


Tu finis par trouver ce que tu recherches, un bar que tu connais assez bien et où on ne viendra pas te chercher. Les gens ne semblent pas te reconnaître, et ça te fait un peu mal au cœur. Deviendrais-tu arrogant et imbu de toi-même ? Ce serait dommage.


Tu t’assois et poses ta veste sur ta chaise, dévoilant une chemise légèrement ouverte sur ton torse, ta croix chrétienne autour du cou. Tu soupires longuement, attrapes la carte et une fois le serveur près de toi, commandes deux shots. Tu les enfiles comme s’il s’agissait d’eau.


C’est un peu le cas. Ta descente est excellente.


Tu ne t’arrêtes pas là, et bientôt, morose, tu dégustes ton troisième cocktail.

« halloween »

Ton regard survole la salle plusieurs fois, ne s’arrêtant toutefois sur personne. Tu as bien compris que si tu voulais pécho ce soir, ce n’était pas ici que tu trouverais. La population locale est trop âgée, et même si les boissons sont bonnes et peu chères, tu ne poireauteras pas éternellement à ta table à broyer du noir.


Tu avais besoin de bouger un peu plus. De coller ton corps contre celui d’un ou d’une autre, d’être rassuré pour cette nuit car tu n’es vraiment pas bien.


Ta meilleure amie/plan cul t’envoie des messages désespérés, te demandant d’aller chez elle, de répondre, de ne pas la laisser sans réponse, que tu l’inquiètes. Tu hausses les épaules et lui envoie un simple « je vais bien » sans donner plus d’explications. Ainsi, elle devrait comprendre que tu n’as aucune envie de la retrouver. Même si tu sais qu’elle saura très bien te consoler.


Toutefois, tu n’as pas besoin d’elle ce soir.


Tu es interrompu dans ton flot de pensée par un mouvement devant toi. Tu lèves les yeux de l’écran et ceux-ci tombent sur un joli visage. Tu es surpris et clignes plusieurs fois des paupières, certainement stupidement. Waouh ! Y’a des beaux gosses qui viennent ici ? Incroyable.


Ah, il parle anglais. Ça doit être un étranger. Pas étonnant qu’il ne connaisse pas les bons bars.


Il t’annonce d’office qu’il est un grand fan et tu ne sais pas… tu te sens bizarre. Car tu ne t’y attendais pas. Mais ça te réchauffe agréablement le cœur et tu souris un peu. Et… serait-il en train de te faire du pied, là, sous la table ?


C’est totalement inattendu et tu restes de marbre à le fixer. Tu ne comprends pas. Vraiment pas. Tu as besoin d’un peu de temps pour t’en remettre et appréhender la suite. C’est assez rare que l’on te fasse ainsi du rentre-dedans. Aussi directement.


Oh, pas que ça soit désagréable, même si tu aimes prendre ton temps.


Lui pas, visiblement.


Et en plus, il te demande un show privé. Hm… façon bien particulière d’aborder une personne dont on apprécie le talent. Surprenant. Mais il entend quoi, par show privé ? Tu n’es pas une prostituée ou un strip-teaser ! Ne se trompe-t-il pas de personne ?


« Je ne suis pas un acteur porno » fais-tu simplement.


Il te laisse dubitatif, tu dois bien avouer. Mais tu as un peu plus chaud, tes joues sont rouges de gêne et de honte, tu étoufferais presque.


« Allons dehors. »

« halloween »

Ses paroles te font du bien, évidemment. C’est tout ce que tu demandais pour ce soir. Tu souris légèrement. Bien sûr que tu as de grands talents en danse, bien sûr qu’il a de quoi être impressionné. Sans vouloir paraître arrogant. Enfin un peu quand même. Tu ne vas pas te rabaisser sur cet élément-là, hors de question.


Tu ne le remercies qu’à peine, toutefois. Tu ne veux pas paraître à ce point triste et désespéré.


Vous vous rejoignez à l’extérieur car tu as déjà payé. Tu n’as pas besoin d’attendre longtemps, toutefois, pendant ce laps de temps seul, tu t’es tout de même demandé s’il ne fallait pas filer à l’anglaise. Car tu es conscient qu’une fois le jeune blond à nouveau à côté de toi, il serait difficile de t’en défaire.


Mais le veux-tu seulement ?


Tu lui souris encore lorsqu’il sort lui aussi et tu le suis. Il semble savoir où aller. Étrange, car il ne t’a pas parlé en polonais, mais bien en anglais. Est-il ici depuis plusieurs jours ? Tu ne lui poses pas la question et attrapes toi aussi une sucette que tu débarrasses de son petit sachet coloré que tu jettes à la poubelle. Tu l’enfournes ensuite en bouche, la tétant tranquillement alors que vous poursuivez votre chemin dans les rue de la capitale.


Enfin, alors que tu commençais à désespérer d’entendre sa voix à nouveau, il t’adresse la parole et un léger rictus moqueur s’affiche sur tes traits. Tu avais raison. Et tu te décides de l’enfoncer dans sa bêtise un petit peu.


« Oh ? Tu es un vrai fan mais tu n’es même pas au courant que je suis né et que je vis ici ? Connais-tu mon nom, au moins ? »


Non, tu n’as pas besoin d’une visite de la ville. Merci.

« halloween »

Mouais. Tu es très moyennement convaincu par ses explications. Encore bien qu’il connaisse ton nom, mais tu es conscient qu’il dupe. Qu’il ment, et que si vraiment il a assisté à ton spectacle, ça devait être la première fois. Qu’il n’avait jamais entendu parler de toi auparavant.


Car tout le monde sait que tu es Polonais. Et que tu as beau avoir du sang russe, tu n’es absolument pas attaché à cette seconde patrie. Et que si tu y feras probablement une partie de ta vie, c’est par intérêt et pas par plaisir. Tu grimaces légèrement et hausses les épaules. Admettons.


Et il ose te demander si tu es disposé à passer du temps avec lui. Tu souris légèrement. Oui, bien sûr, mais pas si facilement. Tu n’es pas une catin de bas étage et tu veux le faire poireauter un peu. Tu glisses une main dans tes fins cheveux blonds et croises son regard.


« Eh bien… ça dépend de ce que tu entends par « temps » ! On peut se balader un peu en ville si tu veux, et je te ramènerai à ton hôtel plus tard quand tu en auras marre de marcher. »


Pour t’enfuir dans le premier bar gay croisé sur ta route et sauter sur un mec intéressant chopé au pif. Oui, oui. Mais tu sais qu’il ne parle pas de ça.


« Mais si tu désires autre chose de moi… sache que ça ne sera pas gratuit. Il y a une robe très jolie en vitrine là plus loin… et j’ai terriblement envie de me l’acheter, tu vois ? Si tu pouvais un peu participer à mon rêve, tu serais gentil… et tu seras très bien récompensé, tu en as ma parole. »


Bon… c’était toujours bien de tenter ! Le pire étant que la robe était déjà dans ta garde-robe depuis belle lurette. Mais tu n’avais jamais assez.

« halloween »

Tu hausses un sourcil en le voyant s’éloigner et tu restes là comme un idiot à attendre qu’il revienne. Attends… il était quand même pas parti acheter une robe ? Ce serait fou car il était deux heures du matin.


Sauf que quand il revint quelques instants après, il a bel et bien un sachet provenant de ton magasin préféré. Tu écarquilles les yeux de surprise avant de te rappeler que ce soir est un peu spécial – et d’ailleurs tu râlais de ne pas profiter de cette occasion exceptionnelle à cause du spectacle – car ils ont un nouvel arrivage et des promos sur le reste des articles…


Bon, assurément pas sur la nouvelle robe qu’il vient de t’offrir. L’équivalent de mille-deux cent euros quand même. Tu jettes un œil à l’intérieur du sac. Ok, c’est pas la même, ils ont dû changer les mannequins. Mais c’est fou quand même ! Tu relèves les yeux vers Jack.


« Ok, toi tu veux vraiment baiser... » tu constates.


Dire que tu pourrais t’enfuir comme un voleur… mais non. Tu es trop sonné pour seulement y penser. Tu t’approches du blond et le plaques doucement contre le mur derrière vous. Tes lèvres rejoignent sa gorge que tu embrasses tendrement avant de te reculer. Il sent bon, c’est agréable.


« On fait ça quand tu veux et où tu veux. Pour ce prix-là… tu peux même me garder pendant trois jours. »

« halloween »