[flashback/terminé] kocham kwiaty | z Mika

De l’eau avait passé sous les ponts depuis ta première rencontre en face-à-face avec le professeur Rosebury. Où, malgré ton manque criant de bonne volonté, il avait accepté – et proposé de lui-même – de t’aider. De recommencer sa matière au début, parce que tu n’y étais vraiment pas. Tu avais accepté la proposition de bon cœur – même si ton entraînement quotidien en pâtirait peut-être – et tu avais, lors de ces cours, découvert un homme charmant, qui t’avait beaucoup plu. Comme tous les enseignants, il te faisait un peu peur, au départ, tu craignais son jugement sur ton manque de connaissance criant et sur ton temps manquant, mais tes doutes s’étaient vite envolés. Oh, il n’était pas parfait, mais il était tout simplement… gentil ?


Tu t’étais un peu dévoilé lors de vos échanges scolaires. Tu lui avais longuement exprimé à quel point la danse était un sport prenant, passionnant, mais chronophage. Que tu aimais ce que tu faisais même si c’était dur. Que tes parents en attendaient énormément de toi, que par conséquent, tu n’étais pas si malheureux d’être à Poudlard pour ne pas subir leurs remontrances. Tu n’avais pas précisé qu’il s’agissait parfois de coups. Tu ne lui as pas non plus parlé de ton coach, qui parfois agissait étrangement avec toi…


Non, en fait, tu en avais peu dit – tu ne voulais pas avoir de problèmes et passer pour une pauvre victime – mais suffisamment pour que l’enseignant de runes ne pense pas que tu sois un loser.


Et au fil du temps… tu as apprécié ces moments à deux, où patiemment il t’explique où tu t’es trompé, où il te fait pas trop méchamment la leçon car tu n’as pas été tellement attentif. Et bizarrement, tes sentiments à son égard ont évolué. Positivement.


Mais la situation, elle, ne l’est pas.


Car tu sais que ça n’est pas bien de ressentir ce genre de choses pour un enseignant, qui plus est du même sexe – beaucoup plus de chances qu’il soit hétéro, n’est-ce pas ? Parce que tu as un pourcentage tellement élevé qu’il ne partage pas tes sentiments que ça ne sert à rien de t’acharner.


Alors, pourquoi depuis quelques semaines, voire mois, maintenant, déposes-tu à la même heure, à la même date, ce petit bouquet de fleurs rouges devant son bureau ? Pourquoi y laisses-tu à chaque fois, avec une écriture manuscrite modifiée au mieux, un mot anonyme où tu oses lui parler à cœur ouvert ? Tu lui dis qu’il est beau, qu’il t’attire, qu’il sent bon. Que tu aimerais passer plus de temps en sa compagnie, qu’il est gentil, attentif, doux. Qu’il est parfait et que tu es heureux malgré cet amour impossible de l’avoir rencontré.


Aujourd’hui, c’est ce jour. Le bouquet est arrivé un peu plus tôt dans la journée à ton dortoir et tu as fini de rédiger le mot. Ton cœur bat fort, comme à chaque fois que tu vas déposer les fleurs devant ses quartiers. Comme si la porte allait s’ouvrir sur lui et qu’il allait t’accueillir dans ses bras. Aucune putain de chance.


Rapidement, tu te rends à ta destination honteuse, vérifies qu’il n’y a personne aux alentours, et silencieusement, tu déposes les quelques fleurs avec soin. Un sourire triste glisse sur ton visage. C’est con, c’est tellement con. Mais tu en as besoin.


Puis, malheureux de toujours apprécier les mauvaises personnes, tu tournes les talons.

« halloween »

Mais au moment où tu allais t’enfuir vers ta salle commune, malheureux d’être obligé d’agir comme ça pour te sentir un peu plus heureux, la porte s’ouvre. Lentement, tu te redresses. Ton teint, soudain, est devenu très pâle – mais de toute manière, ce n’était pas comme si tu portais en temps normal de jolies couleurs sur tes joues – et ton regard honteux croise celui de l’enseignant. Bordel, qu’est-ce qu’il fout là ?! Tu as étudié les lieux et l’as assez espionné pour savoir que normalement, il ne devrait pas être dans son bureau à cette heure ! Quelles chances avais-tu qu’il sorte alors que tu serais là, visible ?


Mais quand la poisse nous poursuit, il n’y a pas grand-chose à faire, malheureusement.


Vite, il te faut trouver quelque chose pour justifier ta présence ici et ces bouquets que tu lui envoies à intervalles réguliers. Parce que s’il te voit devant sa porte, limite avec le bouquet à la main, ses conclusions iront dans un sens logique. Mais tu ne veux pas avoir cela. Tu ne veux pas avouer de vive voix, qu’il sache que c’est toi qui est derrière tout cela.


Tu l’aimes, bien sûr. Mais tu sais que tu dois garder tes sentiments pour toi. Ne jamais les montrer, surtout à un type pareil.


« Excusez-moi, ce n’était pas mon intention de vous effrayer. »


Toujours être poli et bien élevé. Tu puises dans tes talents de comédien pour afficher un visage fier, froid, un peu arrogant peut-être. Pas celui du gamin pris la main dans le sac. Ce serait plus facile de lui faire bouffer ton mensonge par la suite.


Il te rend ton bouquet et imperceptiblement, ton regard s’écarquille alors que quelque chose dans ta poitrine se brise. Une nouvelle fois. Tu as envie de t’enfuir en pleurant, gêné, mais tu gardes cependant ton expression fermée, comme si ce qu’il faisait ne t’atteignait absolument pas. Alors que c’est tout le contraire.


C’est pour cela que tu ne voulais pas qu’il découvre que tu étais celui qui lui envoyait ces roses. Car tu connaissais l’issue triste de ce geste.


Têtu, tu lui fourres les fleurs dans les bras et recules de quelques pas, mettant tes mains dans ton dos pour qu’il ne puisse te les rendre.


« Je suis désolé, mais vous n’avez pas le choix. Une personne m’a chargé de vous apporter ce bouquet, j’aurais l’air de quoi si je reviens bredouille ? Quelle excuse pourrais-je donner ? Et puis je suis sûr que de jolies fleurs rouges donneront une petite touche colorée à votre intérieur ! »


Tu le regardes l’air de dire « tu me mets dans une belle merde mon coco » en tentant d’avoir l’air le plus convaincant possible. Non, ce n’est pas de toi que ça provient ! Absolument pas !


« Vous pensez au mal que vous ferez à la personne qui vous a fait ce cadeau ? Allons, ce ne sont que des fleurs, ça ne vous oblige pas à lui renvoyer ses sentiments. »


Le mal était déjà fait de toute manière. Car ton cœur saignait déjà atrocement et tu étais sûr que tu ne pourrais fermer l’œil de la nuit tant ton oreiller serait humide.

« halloween »

Et toi, sottement, tu espérais qu’il boufferait tes balivernes. Ton excuse était bien rodée pourtant. Puis, plus c’est gros plus ça passe, non ? T’aurais pu sortir que c’étaient des extraterrestres qui t’avaient enlevés pour te poser avec ce bouquet devant la porte du professeur. Ouais, plus crédible sans doute.


Il ne te croit pas. Tu te mords discrètement la langue, ennuyé. Bientôt, tu deviendrais un professionnel du mensonge, mais en attendant, tu ne l’es pas encore. Malheureusement. Toutefois, il te faut trouver une parade pour ne pas te mouiller.


« Pardon ? Moi, mentir ? Et pour quelles raisons je ferais ça ? » lances-tu avec un air offusqué, comme si tu n’avais jamais rien entendu d’aussi absurde.


Oh, pour qu’il accepte tes roses, il suffirait que tu dises simplement que c’est toi, que tu l’admettes. Mais c’est trop dur. Impossible pour toi. Pas pour le moment. Avouer et assumer des sentiments aussi sales au grand jour, devant le principal intéressé… hors de question. Tu en es bien conscient que tes sentiments ne sont pas partagés. Cette humiliation suffit amplement.


« Vous n’aimez pas les fleurs ? C’est bizarre. C’est beau et ça sent bon, pourtant ! » commentes-tu malgré toi.


Aïe. Décidément tu ne fais rien pour plaire. Tu pensais bêtement que ça lui ferait plaisir, qu’il ne saurait jamais de qui sa provient, qu’il serait peut-être curieux. Que la nuit, il imaginerait le beau gosse timide. Qu’il espérerait, peut-être ? Mais non. Tu n’es qu’un élève. Nul en cours qui plus est.


« Recevoir des bouquets n’a jamais compromis le moindre emploi. À moins que vous soyez un moine particulièrement pratiquant impliqué dans une sombre secte… n’ayez crainte. Vous ignorez de qui ça provient, et c’est très bien ainsi ! » insistes-tu.


Une petite technique de manipulation nulle. Pour le convaincre que ce que tu clames depuis qu’il t’a découvert est purement la vérité. Que tu ne te caches pas derrière des conneries.


Va-t-il d’ailleurs arrêter de dire que c’est toi ? Quelles preuves a-t-il pour prouver ta culpabilité dans cette honteuse affaire ? Qu’est-ce que tu pourrais bien lui vouloir à ce prof, hein ? Ce n’est pas impossible qu’on t’ait envoyé toi plutôt qu’un autre te charger du sale boulot contre rémunération ! Qu’il te croie par pitié…


Malheureusement, ça ne semble pas être le cas.


Puis il aborde le sujet chocolat. Tu écarquilles les yeux légèrement. Mais oui ! Es-tu bête ! Ça aussi ça aurait pu être une bonne idée ! Tout le monde aime le chocolat… d’ailleurs…


« Ah, ça je savais pas. J’en ai un peu au cas où je ferais de l’hypoglycémie. Tenez. »


Tu sors d’une petite sacoche une mignonette Côte d’Or, chocolat au lait. Tu la poses sur le bouquet pour être sûr qu’il la prenne et en déballe une autre. Tu croques dedans, l’observant avec curiosité. Tu n’aurais jamais imaginé que ton professeur puisse aimer le chocolat. Qu’il aime quoique ce soit d’ailleurs. C’est un prof, c’est mystérieux.


Créatures étranges.


« C’est noté. Vous aimez quoi comme types de chocolat ? Vous avez des préférences ? De mémoire, je pense que les combinaisons sont infinies, qu’on pourra se péter la panse tant qu’on veut qu’on les aura jamais tous testés. Dites-moi, comme ça je peux le signaler à la… personne en question, qu’il ne se trompe pas, que son cadeau ne finisse pas à la poubelle. »


Car tu te doutes que tes fleurs ont plus d’une fois fini aux ordures.

« halloween »

« Toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire » réponds-tu avec le sourire et en haussant les épaules.


Tu le sais mieux que quiconque. Et il ne faut pas demander à quelqu’un comme toi de dire ce qui est vrai ; car tu n’es pas sûr de pouvoir apporter les éléments de réponse.


« Puis, vous êtes tellement sûr de vous. Croyez ce que vous voulez. Ça ne sert à rien que je confirme ou non vos propos. »


Tu croises les bras sur ta poitrine, penches légèrement la tête sur le côté avec un air ennuyé. Tu ne dois surtout pas montrer que la situation t’affecte. Tu dois faire comme si tu en avais rien à faire, comme si tout ce cirque n’était qu’une vague plaisanterie. Comme si ces fleurs et ces mots n’étaient qu’une blague. Que le professeur oublie vite ce qui venait de se passer ! Qu’il retourne à sa petite vie monotone d’enseignant, destiné à distribuer des bons et des mauvais points.


Tu soupires. La barbe.


« Quoi ? Vous aviez dit quelque chose ? » fais-tu, effronté et haussant les sourcils.


Tu sais que ce genre de comportement pourrait te coûter une retenue mais tu t’en fiches et tu sais qu’on ne te la donnera pas. Le pauvre enseignant ferait tout pour éviter d’être trop longtemps en ta présence, n’est-ce pas ?


« De toute manière, laissez-moi vous faire part d’une chose : je suis un mensonge. Ma vie entière est un mensonge. Je mens à tout le monde, ma famille, les autres élèves, les profs, moi-même… vous ne faites pas exception. Passez une bonne fin de soirée professeur. Et prenez soin des fleurs. »


Sans attendre une seconde supplémentaire, tu tournes les talons précipitamment, les mains dans les poches en direction de ton dortoir. Ouf. Il ne peut plus te voir maintenant. Alors tu laisses couler tes larmes librement.  

« halloween »