Please believe me when I tell you
That this is not who I am
  La famille de Mercury avait toujours habité le même vieux pavillon anglais en briques rouges, avec son petit escalier extérieur menant à la cave et ses grandes fenêtres blanches en arc, aligné entre tant d'autres identiques dans une petite rue moldue. Les Meadows étaient le genre de voisins toujours polis, qui vous saluaient toujours le matin, et ne faisaient jamais d'histoires. La seule chose extraordinaire chez eux était le volume sonore que leur fils pouvait atteindre. Bien qu'il était généralement poli et bon garçon, il se laissait parfois aller à des colères énormes pour un oui ou un non, auquel cas ses parents se contentaient de le laisser dans sa chambre, s'énerver et renverser les meubles, jusqu'à ce qu'il en ai marre et doive tout ranger.
Un méchant garçon ? Non
Un gentil garçon sérieusement casse-couilles ? Oui.
Et ce n'était que le début.
Son oncle était saxophoniste dans un petit groupe de café jazz, et lui transmit tout son amour de la musique, ses vieux enregistrements, ses vinyles, ses solos endiablés joués rien que pour lui. Même en son absence sa chambre devint un concert sans fin. Et un jour, quand il estima que Mercury était assez grand, il décida de lui acheter son propre instrument. Ses parents se mirent à genoux pour le convaincre de ne pas prendre un instrument à vent et épargner leurs pauvres oreilles de quelques décibels. Ainsi Mercury eût sa première guitare (et sa dernière aussi.) (c'était pas donné.)
A huit ans, il était désormais suffisamment mature pour avoir arrêté ses caprices, et c'est donc des airs de guitare beaucoup trop grande pour lui et mal joués qui prirent le dessus. Un jour il interrompit une conversation skype de sa grande sœur, Edith, et son crush pour "mettre une ambiance romantique" entre eux, et elle le pourchassa avec un balais dans toute la maison pendant quinze minutes, jusqu'à ce qu'il trébuche dans l'escalier, ferme les yeux, et se retrouve au sol plus rapidement et moins violemment qu'il ne s'y attendait. Edith se frotta les yeux un instant, presque certaine d'avoir vu son frère disparaître et réapparaître trois marches plus bas. Malheureusement sa confusion ne fut que de courte durée et Merry appris bien vite qu'aucun type de magie juvénile n'était suffisant pour échapper à la colère de sa sœur.
Il y eût d'autres incidents, bien sûr, souvent justifiés maladroitement par une erreur d'attention ou une hallucination visuelle sans importance, jusqu'à ce que ces méprises et ces mirages prirent le nom de
magie: ainsi l'appelait l'élégante lettre blanche et dorée de Poudlard qu'ils reçurent pour son onzième anniversaire.
If I recover, will you take me back again?
I'm just another, trying hard to fit right in
C'était un changement plus que bienvenu.
Sa sœur avait toujours eu les meilleurs jouets, les meilleurs baskets, les meilleures notes, le meilleur crochet du droit, mais lui, maintenant, avait une baguette et une robe de sorcier.
L'arrivée dans le monde magique fut extraordinaire et... Hum,
magique, dirons-nous. Les plafonds sans fond, les fantômes, auxquels il mit un certain moment à s'habituer, les cravates colorées des élèves, la salle commune des gryffondor, tout était parfait. Il se fit sans trop de mal des amis dans son dortoir, jouant quelques airs à la guitare en leur parlant de space marines et leur enseignant les prises de catch moldues que sa sœur faisait sur lui pour s'entraîner.
Mais plus le temps passait, moins il se sentait à sa place. L'intérêt de ses nouveaux amis pour les choses moldus semblait décroître rapidement, alors que le sien pour les choses magiques ne cessait d'augmenter. Peu à peu, il commença à se trouver presque ignorant et malhabile comparé à ses camarades de maison, dont la très grande majorité venaient de famille de sorcier. Quand il exprimait timidement ses problèmes, on lui tapait dans le dos en lui disant qu'il s’inquiétait pour rien, que tout viendrait naturellement au bout d'un moment. Mais rien de cela ne le rassurait vraiment, et ce sentiment d'exclusion semi-refoulé ne fit que croître à travers le temps.
Puis vient Bradley Selwyn.
Bradley avait toujours été là, à vrai dire, une tête de plus que les autres, le visage rond et les lèvres pincés, un sang
pur, avec sa cravate verte toujours trop bien nouée et ses cheveux toujours trop bien peignés. Simplement avant sa deuxième année, Bradley n'avait jamais vraiment existé aux yeux de Merry, s'étant toujours plus ou moins ignorés mutuellement.
Il suffit d'une coïncidence au chemin de traverse pour qu'ils s'adressent la parole pour la première fois. La conversation fut surprenamment plaisante. Bradley était tout ce qu'il n'était pas, confiant et talentueux, et bien plus charmant qu'on avait voulu lui faire croire, bien qu'il ne put s'empêcher de remarquer les coup d’œil agacés qu'il lançait à ses parents par moments. Il finit par dire.
▬ Je ne sais pas comment tu fais pour supporter de vivre chez les moldus tout l'été. Ça me filerait de l'urticaire.Merry haussa les épaules. Il aurait bien voulu, lui aussi, que ses parents soient sorciers, et, plus il y pensait, plus il se disait que c'était un peu leur faute si il se sentait aussi à l'écart. Si seulement Edith aussi, était une sorcière, si seulement il en avait su un peu plus au lieu de partir de
zéro. Au lieu de ça, il avait appris des choses qui ne lui serviraient sans doute plus jamais, et passait l'été à regarder le juste prix avec sa mère ou à servir de punching ball à sa sœur.
▬ 'Me le fait pas dire.Brad sourit.
▬ Tu es plus cool que je ne pensais Meadows, en fait. Viens t'asseoir avec nous dans le train la prochaine fois. Nina a dit qu'elle ramènerait des pâtisserie du meilleur magasin du Londres magique.Mercury sourit un moment, à l'idée de pâtisserie de haute qualité et de la jolie Nina, puis se ravisa.
▬ Mh, mais je m'assois toujours avec-Le Serpentard soupira.
▬ Avec ces gros looseurs de Gryffondor, je sais, j'ai remarqué, c'est pour ça qu'on s'est jamais parlé avant, je pensais que tu étais comme ces gogoles. Fais-toi une idée Meadows, ils te tirent vers le bas, juste pour se sentir mieux et supérieurs, parce que tu as du potentiel et eux non. Enfin, bon, fais ce que tu veux. Si u veux continuer à jouer aux bavboules, amuses-toi bien, si tu changes d'avis tu sais où me trouver.Mercury réfléchit à la proposition de Bradley pendant tout le reste de l'été, s'enfermant froidement dans sa chambre quand sa sœur lui proposa de jouer à la console, râlant que si elle voulait juste lui mettre la misère virtuellement au lieu de physiquement elle devrait se contenter de se trouver des amis pour prendre sa place. Edith ne répondit rien, choquée d'un ton que son frère n'avait jamais pris avec elle. Il est vrai que ses amis de gryffondor étaient assez maladroits avec leurs balais et baguettes et ne répondait pas franchement à ses interrogations quand il en avait. Ils l'ignoraient presque à vrai dire, et se fichait de ce que
lui aimait. De l'autre côté, Brad était un des meilleurs élèves, et parmi les plus populaires, chez les deuxièmes années au moins. Et puis il y avait Nina.
  Quand le jour du départ arriva, il passa devant le compartiment de ses camarades de dortoir, qui, radieux, lui montrèrent avec entrain leur dernière acquisitions de bavboules. Merry leur donna un sourire désolé, et changea de compartiment sous leurs mines perplexes et déconfites.
Il avait échangé ses amis contre des pâtisseries et les beaux yeux verts de Nina.
  Personne ne s'intéresse vraiment aux gens comme lui, dans les histoires. Il n'est pas le héros, noble et grandiose, il n'est pas non plus le vilain à la défaite triomphante ou la rédemption larmoyante. Il est le second, l'ombre, le béta, l'homme de main, le bully, sans nom et sans histoire, ceux qui restent dans le fond et qu'on oublie, ceux qu'on moque, faibles esprits qui copient les méfaits de meilleurs qu'eux. Il est là, dans le fond, il rit avec les autres, mal à l'aise au début, puis plus confiant, il trouve sa place et joint la troupe. Craquements de doigts menaçants, mauvaises farces, insultes, les bras croisés et les sourcils froncés, rien n'était si bon et si mauvais à la fois. L'impression d'avoir trouvé sa place, absorbé par un manque d'estime de soi et le charisme d'autrui.
Fermer les yeux pour mieux sourire.
Se convaincre.
Il en a appris des choses, à Poudlard, entre deux cours de magie. Il a appris à grogner, à ignorer, à humilier, à appuyer, à détruire, à déprécier, à maraver, à se mettre en colère pour trois fois rien.
À crier.
À crier.
À crier, à crier, à crier, à crier.
Et à grandir.
Et à comprendre.
Et à la sortie du nid, le visage dans les mains, à repenser à ce qu'on à fait, à refaire le passé, à se chercher des excuses, à oublier tout ce qui manque.
À la guitare qu'il a renvoyé à son oncle car la musique ne plaisait plus.
Aux figurines rangés dans des cartons au grenier.
À la sœur, brusque mais complice, dont il a oublié le son de la voix.
Aux amis qu'il a aliénés.
But my photographs remind me of who I used to be
If only I could go back when I, I was me
  Si Poudlard avait fait de lui un demi-dieu tout puissant, la réalité du monde adulte se fit brutale et sévère. Le monde sorcier est plus étroit qu'il ne le semble, et les rancunes résistent longtemps. Privé du confort de l'astre autour duquel il avait toujours gravité, il se sentait perdu et seul. Les anciens compères de sa bande se contentait de salutations polis, persuadés d'être plus grandis, et impatients d'oublier les erreurs de jeunesse. Bradley était devenu tabou, envoyé à Azkaban pour des incidents dont on oserait parler sans verser une larme de dégoût, et à ce nom tous se contentaient d'hausser les épaules en racontant qu'ils avaient toujours su que cela arriverait, et qu'ils avaient toujours tout fait pour le restreindre dans ses brimades. Menteurs. Hypocrites.
Tout s'écroule.
Avachi la journée entière au bureau de liaison avec les centaures, qui avait la réputation d'être le plus inutile et de ce fait ennuyant de tout le ministère. Son travail consistait à chauffer une chaise et renvoyer sans réponses les éventuels cervidaures qui auraient des questions auxquelles il n'avait jamais la réponse, le tout ponctué de châteaux de cartes, d'avions en papier à but non professionnel et à manger compulsivement pour passer le temps. Un salaire de misère, une chambre et un repas chaud chez papa et maman. Pas de perspectives d'avenir, pas de carrière, des petites amies avec qui il avait toujours peur de s'engager, et un abonnement à netflix.
Fortuitement, il aperçu le dos d'une ancienne connaissance dans les couloirs du ministère. Les souvenirs d'un visage souriant dans la salle commune des gryffondor l'emplit de nostalgie et il alla le saluer, souriant et courtois, comme si rien ne s'était jamais mal passé entre eux. Son interlocuteur haussa un sourcil.
▬ Tu te fous de ma gueule ?▬ De quoi ?▬ De me saluer après tout ce temps à nous avoir ignorés et traités comme des merdes.Il haussa les épaules, en tentant d'esquiver.
▬ Oh ça va c'était des blagues.▬ Des blagues ?... Tu délires ? Enfermer les gens dans les toilettes et voler leur baguettes pendant qu'ils pleurent en tapant contre la porte tu appelles ça des blagues ?Il savait bien que non.
▬ Ouais pas si vous aviez pas constamment tenté de me rabaisser et d'être jaloux que je devienne cool...▬ Tu étais cool abruti ! Tu étais bienveillant et passionné.▬ J'étais né-moldu.▬ On s'en foutait !▬ PAS MOI.Il avait crié. Il partit. Il marcha vite, sans dire bonjour, sans regarder personne. Il s'enferma dans son bureau. Ses jambes s'effondrèrent, il sortit une barre chocolaté de sa poche en tremblant et la mangea en arrachant à peine le papier, en étouffant ses propres sanglots.
Tout allait bien.
Personne ne verrait pleurer.
Personne ne venait jamais, de toute manière.
Il avait l'impression d'avoir enfin mit des mots sur ce qui n'allait pas. Qu'on lui dise en face qu'il avait fait les mauvais choix, et qu'il se dise en face pourquoi il les avaient faits. Sa relation avec sa sœur s'améliora progressivement après ça. Elle lui proposa même d'aller voir son oncle depuis la première fois depuis longtemps. Elle l'accompagna mais les laissa avoir un peu de temps seuls. Il avait tant de regrets à lui avouer, tant de choses à lui dire.
Et puis il laissa un bouquet sur sa tombe et ils rentrèrent.
Ils fêtèrent son vingt-neuvième anniversaire. Edith plaisanta alors,
la trentaine bientôt, ça fait quoi de devenir vieux.Il fit la moue.
Des gens plus jeunes que lui avaient des meilleurs emplois, des relations plus stables, et ne vivaient plus chez leurs parents et avaient une vie sociale plus épanouie que de jouer au bowling avec leur grande sœur. Des gens plus vieux que lui avaient moins de bedaine, étaient moins fatigués et sortaient plus que lui.
Il déglutit.
Il allait réparer sa vie ou mourir en essayant.
Give me strength to fight
Help me feel alive again
Mercury comprit rapidement que le succès d'une personne dépend presque exclusivement du nombre de conversations désagréables qu'elle est prête à avoir. D'abord il soigna son apparence, rasa sa barbe qui n'était pas assez longue pour lui donner une impression de sorcier sage et pas assez courte pour faire propre sur lui. Il acheta des vraies, belles, capes de sorciers, fit sauter son petit salaire, et passa à l'offensive. Il passa plus de temps à parler aux collègues des autres sections du ministère, il se fit plaisant, il insista à voir ses supérieurs, les emmena dîner, se plaint de son travail, il graissa des pâtes et fit des caprices, il travailla plus dur qu'il ne le devait, rendu des services pendant le temps perdu de son travail sans avenir. Il finit par décrocher un emploi d'opportuniste au secrétariat du magenmagot, avec enfin suffisamment de gallions pour déménager. Il avait l'impression d'être un hypocrite et il se détestait pour cela, mais au moins il avait su inverser sa mauvaise réputation et se remettre en marche.
Et puis il avait l'habitude de e détester depuis le temps, alors il prit sur lui, et garda les oreilles ouvertes à attendre la prochaine bonne opportunité, en continuant les faveurs aux autres départements, attendant son heure comme un arriviste, passant son temps libre à étendre ses compétences, trop anxieux d'avoir à se soucier de réparer sa vie sociale pour le moment. La priorité allait au travail.
Et enfin, l'opportunité arriva, de la manière la plus improbable qui soit. Après la grande annonce de l'ouverture de Poudlard aux moldus dans le secret et cracmols qui secoua le train-train du Ministère pendant des semaines, ils entendit les conversations sur le recrutement des nouveaux professeurs pour les postes qui venaient juste d'ouvrir du fait de cet élargissement de leurs élèves.
Personne ne voudra de ces emplois, railla un collègue. Mercury demanda pourquoi, estimant que le statut de professeur à Poudlard avait toujours été regardé comme un honneur. On lui haussa les épaules : la plupart des cracmols n'avaient pas les compétences nécessaires pour enseigner des choses qu'on ne leur avait jamais appris, et ceux qui les avaient, pour la plupart, n'avait pas envie de mettre les pieds dans une école qui les avait toujours refusé. Quant aux sorciers, il devraient faire face au dédain des puristes.
Seuls les arrivistes qui n'ont rien à perde seront intéressés il lâcha avant de finir son café.
Mercury réfléchit énormément ce soir-là.
Il était un arriviste.
Un arriviste qui en avait fait suffisamment pour probablement réussir à dégoter des lettres de recommandations venant de tous les différents départements du Ministère, et qui allait sûrement avoir peur de concurrence.
Il n'avait certainement pas grand chose à perdre non plus, et subissait déjà le dédain des puristes de toute manière.
D'un autre côté, une vois dans sa tête continuait à lui répéter qu'il avait été le genre de personne qui aurait rabaissé ses pauvres gamins et qu'ils ne méritaient pas d'avoir un professeur aussi peu digne et intègre que lui.
Il tourna en rond pendant des jours.
Il n'avait à vrai dire, aucune envie de revoir les locaux de Poudlard.
Il souffla u bon coup, et prit sa décision, et envoya une lettre de parchemin, l'adresse de Poudlard inscrite en belles lignes courbées d'encre noire dessus.
Make me whole inside
Instead, this hole inside is killing me
  Il entra dans sa première salle de classe, nerveux, manqua de trébucher devant ses élèves, tous presque complètement silencieux dans leurs uniformes gris, même si il entendit quelques rires s'échapper poliment. Il remarqua qu'il avait laissé sur son bureau son ouvrage de "PÉDAGOGIE SORCIÈRE POUR DÉBUTANTS" et le replaça sous un autre ouvrage, gêné, en se raclant la gorge. Il avait préparé un discours comme il avait l'habitude de le faire avant ses réunions. Et il posa son regard sur ses élèves.
Il y en avait tellement. Il était toujours difficile d'avoir une idée du nombres de non-magiques inclus dans le monde sorcier, et soudain il les avaient tous devant lui, ceux qui n'avaient jamais eu leur place ici, les laissés pour comptes, les ignorés, ceux sur qui ils auraient un jour marché.
Il se sentit ému.
Il oublia son discours.
Il leur sourit.
Quelque part, là où tout avait prit une mauvaise direction, il avait trouvé sa rédemption.
And I'm begging you