Big Fun ♣ Beckett

C’est un peu la curiosité qui t’a poussée à franchir les portes du The Kitty Vortex. La curiosité, parce que la promesse du lieu et le concept derrière t’avais interpellée, toi, petite noob qui ne connaissait pas grand-chose de la cause LGBT. Un bar mêlant boisson et animaux adoptables, ce n’était pas quelque chose qu’on voyait tous les jours. Tu avais mis quelques jours à tâter le terrain, quelques jours à te décider à y aller. Comme dit, tu n’étais pas la personne la plus militante et la plus renseignée qui soit. Tu faisais partie de cette masse silencieuse est un peu inculte qui s’en foutait de la vie privée des gens. Tu partais du principe qu’une personne était ce qu’elle était et avait le droit de vivre et d’exister en tant qu’individu en dépit de son genre, de son orientation, et que tant qu’elle était heureuse et bien dans ses baskets t’étais personne pour venir emmètre un jugement. Tu te sentais encore moins légitime parce que venant d’une nana qui n’avait d’expérience amoureuse qu’un concert et une promesse d’évolution digne d’un conte de fées, tu n’avais certainement pas le bagage nécessaire pour juger et emmètres un avis constructif sur quoi que ce soit.

T’avais bien essayé de chauffer Gus à t’accompagner. Puis tu l’avais surpris à moitié mort sur une table de la bibliothèque, la tête dans une pile de parchemin tel un alcoolique dans les toilettes. Tu n’as voulu le déranger. T’as pris une photo en bonne amie. Puis t’es partie. Tu ne doutes pas d’être une amie formidable.

Tu passes la porte avec un peu d'appréhension, tu l'avoues. Ce n'est pas ton univers, tu as peur de faire tâche, de ne pas être à ta place. Cependant, les petits pas sont les plus importants. Apprendre à lâcher, profiter, c'est ce que Sandro t'avait conseillé de faire, non ? Tu te devais d'expérimenter un maximum. Puis, au-delà ça, si tu devais donner une réponse à Sandro, tu ne voulais pas le faire en tant que gamine, en tant que petite fille qui ne sait rien de la vie adolescente. Tu voulais le faire en tant que femme, en tant que demoiselle qui sait, qui peut oser quand elle le souhaite. Avoir le courage de faire le pas, ne pas rester dans sa zone de confort et s'ouvrir à toutes les opportunités qui se présente. Ne pas rester fermée. C'était un peu ton objectif, non ?

Le lieu te surprend à bien des égards par son ambiance qui tranche avec celle des trois balais, cette chaleur, cette impression d’accueil. Tu avais peur de te faire déshabiller du regard, de te faire scanner de la tête au pied mais ça n’a pas été le cas, à aucun moment. La patronne des lieux qui se présente sous le nom de Miss Taylor à un sourire doux et jovial, avenant également. Tu demandes une boisson pas trop forte pour commencer, en lançant un regard curieux sur ce lieu pas si particulier et impressionnant que ça, au final. Ton regard se pose sur les petits pensionnaires qui évoluent à droite à gauche.

« Vous n’avez pas de chien ? »
« Et non, team chien, ici ? »
« Plutôt oui, mais j’aime bien les lapins aussi. »

Pour pas dire que tu en as déjà un dans ta vie pour lequel tu bosses à plein temps. Ton regard dérive sur les gens qui discutent, cette ambiance légère, chill, pas lourde comme tu as pu en connaître aux trois balais. Tu remercies la patronne des lieux et embarques ton verre pour faire le tour du proprio et te trouver un petit coin sympa. T'es curieuse de voir qui viendrait ici, pourquoi. Ton regard passe en revue la foule alors que tu remarques une silhouette familière. Une silhouette que tu connais bien l'avoir vue relativement souvent depuis ton engagement chez les Foxes en plus d'en avoir beaucoup entendu parler depuis la saint valentin. Beckett. C'était un des meilleurs amis de Gus, mais tu ne lui avais encore jamais réellement parlé. Des bonjours cordiaux à tout casser. C'était peut-être le moment ? Quoi que c'était peut-être un peu délicat, non ? T'veux dire, t'es quand même pote avec son ex ET son nouveau copain… Quoi que Gus aussi. Roh, puis merde Dorothy, c'est pas un extraterrestre et les histoires de cul de Bert c'est pas mon problème. Allez ma fille ! Tu t'approches un peu. T'as le doute quant à comment tu dois l'interpeller. Campbell ? C'est pas le président, on se calme. Beckett ? Mais c'est pas la fête du slip non plus. Qu'est-ce qu'avait dit Gus déjà ? Ah ouais, arrête de réfléchir.

« Hé Aragorn ! »

Aragorn. T’espère que personne ne porte se prénom parce que si c’est quelqu’un d’autre qui te fait signe tu te sentiras bien con.

Aragorn # The Kitty Vortex # Fin Mai/Début juin 2029

L’espace d’une seconde, tu te demandes si tu ne vas pas prendre un monumental et glorieux vent. L’espace d’une seconde, tu te demandes si quelqu’un va avoir l’intelligence de se retourner. L’espace d’une seconde, tu te dis, qu’au final, c’était bien une idée de merde et que tu n’avais plus grand-chose à faire à Serdaigle. L’espace d’une seconde, tu te dis que tu dois opérer une manœuvre de diversion en allant prendre un chat pour tromper la vigilance des curieux et ainsi t’épargner l’humiliation d’un bide public. L’espace d’une seconde, tu te dis qu’Aragorn ça ferait un super nom de chat parce qu’après-tout si Croquette et Ganja étaient des noms légitimes, pourquoi pas Aragorn. L’espace d’une seconde, tu te dis tout ça. L’espace d’une seconde, seulement.

Parce que rapidement, tu vois la tête de Beckett se lever de sa table et croiser rapidement ton regard. Tu lui adresses un léger signe de la main, parce qu'ouais, c'est bien de toi qu'il s'agit, pas de la jolie blonde derrière toi ou du rouquin sur ta droite, mais toi. La petite naine aux cheveux roses qu'est bien trop contente de ne pas avoir à courir après un matou. Et tu vois dans ses yeux tout son processus de réflexion, Dorothy. Tu le vois se demander qui peut bien se faire appeler comme un héros de la fantaisie moderne. Tu le vois comprendre que personne ne s'appelle comme ça. Tu le vois réaliser que c'est de lui qu'on parle. T'avoues, t'as un sourire amusé face à son sourire bienheureux. Foutre Dieu, si t'avais su que les surnoms avaient un tel pouvoir t'aurais appelé ta mère Palpatine, peut-être que ça se serait mieux passé entre vous. (c’est faux)

Il te semble que Beckett fronce les sourcils sous le coup de la réflexion et tu te demandes, naïvement, si il sait au moins comment tu t’appelles. Tu ne peux pas dire que tu lui parles H24 malgré le fait que tu es souvent avec Gus et que tu flirt AHEM traîne avec son colocataire. Finalement, le Serpentard se décide à t’appeler Éowyn et l’espace d’une seconde tu repasses en accélérer tes souvenirs des films.

Eowyn c’est la connasse elfique qui veut devenir humaine pour pécho ou c’est l’autre badass qui déglingue le sorcier machiste ? Heu… Ah non, la connasse elfique c’est Arwen. Arwen ouais.

C'est à ton tour de sourire et d'être ravie de te faire comparer à une guerrière plutôt qu'à une elfe. T'as jamais aimé les elfes, tu as toujours été plus team nain, hobbit, troll, trucs moches qui tapent dur. Ça explique peut-être ton amour inconditionnel pour le catch et le fait que, si tu n'es pas une grande gameuse, tu peux tout de même te venter d'avoir fini à 100% la saga des Serious Sam. Tu ne remercieras jamais assez cet(te) inconnu(e) d'avoir installé un raccourci du jeu sur le bureau d'un des ordis, pendant ta seconde année.

« C’est moi ! »

Tu ne te fais pas prier pour t’installer, soulagée d’avoir réussie avec succès la phase un du protocole d’engament d’interaction sociale (ça existe vraiment, ok ?).C’est un peu intimidant, tout de même, m’enfin.

« Je ne te dérange pas ? T’as l’air en pleine révision. »

Les examens approchent et si tu es assez sereine sur le sujet, tu sais que ce n’est pas le cas de tout le monde. En témoigne Gus qui a fait un AVC sur sa table à la bibliothèque et tes trop nombreux camarades qui semblent avoir dépassé la dose létale de caféine. Tu ne sais pas trop ce qu’il en est pour Beckett, mais tu ne tiens pas à interférer dans ses plans de révision, dieu seul à quel point il est capable d’être au calme pour travailler, dans cette école.

Mais très vite Beckett enchaîne et à la façon dont il tire ses cours vers lui, tu comprends que ton arrivée tien plus d’une délivrance que d’une réelle gêne. Tu lui souris, poses ton verre sur la table… Hm, comment lui formuler clairement ce que tu fiches ici sans pour autant te griller avec Sandro… Ah ! Tu sais !

« Eh bien, récemment on m’a fait comprendre que la majorité faisait qu’il était temps pour moi d’expérimenter plein de chose et de me sociabiliser un peu… Et j’ai une mère plutôt conservatrice à choquer, donc… »

Ce qui n’était pas entièrement faux en soit. Outre le fait de te sociabiliser, d’expérimenter et découvrir cette vie d’ado que tu t’étais interdite, il y avait un léger plaisir coupable à faire tout ce que ta mère et grand-mère n’approuveraient pas. Boire, sortir, avoir 95% d’hommes dans ta liste de contact quand, selon ta mère, une fille sage se devait d’en avoir à peine 15%. En venant ici, tu frappais, inconsciemment, un grand coup. Enfin, comme tu l’avais expliqué à ton très cher papa : Ce n’était pas de ta faute si t’arrivais pas à te lier d’amitié avec les demoiselles de ton âge. Les filles, c’était chiants et vachement prise de tête. Oh wait.

« Nan puis, aller boire un verre au milieu d’animaux, le concept de base ne pouvait que me plaire. »

T’en profites pour boire une gorgée.

« Et toi, t’essaye de te motiver à réviser ? Tu veux que je te paye un truc à boire ? »

Après tout, fallait bien que ton argent de poche serve à quelque chose. Puis, un petit geste généreux ne pouvait faire de mal à personne.

Aragorn # The Kitty Vortex # Fin Mai/Début juin 2029

Tu reconnais les signes, Dorothy. Tu les reconnais très bien. Beckett Campbell à l’air d’être dans une phase de mort scolaire avancée. Tu connais ce fléau pour le voir décimer bon nombre d’élèves depuis quelques semaines. Tu le connais pour le voir faire sombrer Gus au point que tu te demandes s’il ne va pas finir par bouffer ses parchemins dans l’espoir de mieux intégrer ses cours, tu le connais parce que tu vois Bertram se gratter la tête comme un dérater à croire qu’il a des poux, et Ethan rester tel un moine en pleine méditation devant un manuel de la taille d’une encyclopédie.  

C'est un peu une tradition, une espèce de cycle maladif. Chaque année, à la même période, le virus nommé examen frappe Poudlard. Ton camarade est un exemple parmi tant d'autres de ses victimes. Quant à toi… Meh, tu mentirais si tu disais que tu n'avais pas pris un peu de retard sur ton programme. Disons que, cette année, tu avais des circonstances atténuantes, des circonstances atténuantes italienne, Ahem. Tu ne t'inquiétais pas trop de la suite, pour être honnête, toi, t'avais une technique folle qu'on appelait la rigueur et qui consistait tout au long de l'année à faire des fiches recap et des entraînements quotidiens pour être au top sur le programme et même prendre de l'avance que tu t'en sentais l'envie et le besoin (c'est pratique pour narguer les gens, spécialement Gus, t'aimes bien lui montrer que ton cerveau n'est pas à l'imagine de ton gabarit… Minuscule.).

Tu l’observes ranger ses feuilles, le pauvre à l’air d’être dépassé. T’observes une demi-seconde la carte puis tu lui commandes un café. Un café fort. Serré. C’est ta contribution à la réussite scolaire de Beckett Campbell.

« C’est un cas très rare d’amnésie pré-traumatique. C’est quand ton cerveau anticipe tellement le trauma qu’il surchauffe et finit par effacer sa carte mémoire. Gus à souvent ça quand je lui rappelle les entraînements physiques chez les foxes. »

T’as aucune honte à enfoncer ton canard, après tout ce n'est pas un scoop que, sobre, il n'est pas très sportif. Bourré par contre, il fait preuve d’une force et d’une endurance qui force le respect. C’était peut-être ça le sérum super-héroïque de Gus : l’alcool. Remarque ça marche bien avec toi aussi… Sauf que tu vomis à la fin.

Tu profites de l’arrivée du café du Serpentard pour boire une gorgée de ta propre boisson. Boisson que tu manques de d’avaler de travers lorsque Beckett te balance spontanément que tu es, je cite, « Badass ». Sur le coup, tu peux justes le regarder avec des grands yeux surpris. Toi ? Badass ? Y a des gens qui disent que tu es Badass ? Sérieux ?

« T’es sûr qu’on t’as pas dit ça de façon sarcastique parce que… » Tu désignes de bas en haut « 1m55 et 48 kilos, mon gars, j’ai pas la force physique de retourner grand monde. »

Sauf quand tu as un coup dans le nez mais bon ça, c’est pas tant un manque du prudence excessif qu’une réelle capacité physique.

« Après je peux pas viser autre-part que dans les genoux ou les bijoux de famille, alors je suppose que ça équilibre un peu. »

Après tout, si Gus te prenais très au sérieux quand tu le menaçais en lui disant que tu étais « pile à la bonne taille » c’est qu’il y avait peut-être une raison. Tu n’as pas eu le loisir de te battre avec beaucoup de personne, parce que ce n’était pas ton style premier, mais peut-être que tu avais de l’avenir dans l’art du combat rapproché. Comme un ninja, petit et fourbe qui vise les points vitaux (et les genoux en sont toujours un dans les jeux-vidéos). Tu es assez sceptique quant à ta badassitude, mais, t’avoues, c’est plutôt flatteur et agréable pour l’ego. Tu lui adresse un large sourire. Tes aventures hein ?

« Oulah heu… J’ai volé de façon très gracieuse suite à un stupéfix d’une connasse à la botte de The Crow, j’ai très probablement péter la main droite de Castiel pendant le match de Quidditch –navrée pour lui mais la guerre, c’est la guerre- en vrai j’étais une fille très sage et délicate avant de devenir amie avec Argus Catwright. J’suis sûre ton influence a joué. Mais je regrette pas, n’en déplaise aux parents et à la morale, c’est agréable de vivre comme ça. »

Aragorn # The Kitty Vortex # Fin Mai/Début juin 2029

T'es bien consciente que ton échelle de « foufoutisme » est autrement plus basse et simplette que celle d'un gars comme Beckett. Ce qui pour lui doit être un pet dans l'eau est un tsunami pour toi. Tu reviens de loin, de très loin. D'un monde où sécher un cours ou esquisser un « merde » te foutais dans la catégorie des tugs (ouais ouais, à ce point-là). Tout te donnait l'impression de jouer avec le feu, d'être une rebelle parmi les rebelles quand tu n'étais encore qu'un bébé, un petit poids léger dans cette vaste caste du « foufoutisme attitude ». Mais même ces petites choses que Beckett semblait considérer de l'ordre du détail, représentait pour toi un vent de fraîcheur bienvenue, une table rase du passé, un reboot de sauvegarde, une nouvelle partie. Tu n'avais pas dans l'intention de te mettre en danger, de te foutre mal. Tu trouvais ce genre de comportement bête en plus d'être irresponsable, il ne t’empêchait pourtant pas de désirer tester les limites, de tout simplement te laisser aller, de te découvrir aussi, un peu. Tu ne voulais pas avoir la sensation de passer à côté de ta vie, de ces expériences qui te manque, qui comble le vide. Un sourire provocateur orne tes lèvres. Ouais, tu étais sûrement encore bien sage pour quelqu'un comme Beckett Campbell.

« Cependant je suis plutôt bonne élève et, si parfois j’apprends lentement, j’apprends quand-même. »

Tu ne sais pas très bien à quoi tu t’engages, ni-même le terrain sur lequel tu poses un pied. Faire de Beckett un allié dans l’art de la connerie n’était peut-être as un choix particulièrement judicieux mais tu as soif de vivre, de te construire. Il te semble que tu as cessée de te connaître depuis ton harcèlement, que tu rompus avec toi-même par commodité, par besoin, parce qu’il était beaucoup simple de se faire accepter en étant ce que les gens voulaient qu’on soit. Toi, en ce moment, tu effectuais tout un travail de reconstruction, tout un travail d’apprentissage. Tu voulais te découvrir comme on pouvait découvrir un étranger, un nouvel élève dans sa classe. Tu avais, incontestablement, changée Dorothy. Pour le mieux, il te semblait.

« Sans partir dans des délires irresponsables, j’aimerais exploiter ce potentiel. »

Un sourire un peu plus doux étire tes lèvres à la mention de ces gens aux fortes capacités qui n’exploitent pas d’un point de vu scolaire. Tu lâches un léger pouffement avant d’avaler une gorgée de ta boisson.

« T’sais, ceux qui ont les meilleures notes sont souvent les plus cons, j’sais de quoi je parle, se focaliser sur des chiffres pour définir ta valeur c’est bien la preuve que t’es un gros abruti. »

Et tu ne fais absolument référence à ta très chère famille maternelle, tous plus focalisé sur la performance que sur le reste. Persuadée que c’est la reconnaissance de la société et les titres que cette même société te donne qui font ta valeur en tant qu’Homme. Seulement tu ne peux pas te retrouver dans cette définition des choses, parce que cette philosophie que tu avais embrassé enfant ne t’avais rien apportée, si ce n’est le dégoût des autres et des envies de plongeons dans le vide. Une expérience que tu ne recommanderais à personne, même si le trip emo-gothique peut plaire quand on a quatorze ans.

« Je sais pas trop, je pense que j’aimerais la bousculer un peu, lui montrer que les cases dans lesquelles elle me fout sont pas les bonnes, qu’il n’y a pas de case, en fait, qu’elle doit juste se rentrer ça dans le crâne. » les vieilles familles, tout ça. « La société magique est construite de telle sorte qu’on place le nom d’une famille au-dessus de beaucoup de chose, c’est un univers un brin consanguin et nombriliste, tout le monde se connaît, on traîne tous un héritage plus ou moins lourd et on encourage les gens à faire preuve d’ambition pour rendre leur nom de famille encore plus influant et respectable. Ça passe par pas mal de choses, dont une pression et des attentes précises pour les nouvelles générations. Parce que tu as un nom et que tes parents ou grands-parents ont pour ambition d’élever ce nom tu dois être comme ça, répondre à une norme, satisfaire plusieurs critères. Sauf que je n’ai pas envie de participer à ce projet, ma grand-mère et ma mère, par extension, sont du genre à avoir beaucoup d’ambition, on est pas sang-pur, ni même noble, alors pour devenir influent faut passer par la voie difficile. Seulement bah… Leur projet, c’est pas le mien. Alors j’essaye de me détacher un peu de tout ça, d’emmerder la norme et de devenir autre chose qu’un nom. »

Tu reprends une gorgée, un peu curieuse.

« Tu es d’origine moldue, non ? Est-ce que c’est un délire commun chez vous ? Ou c’est juste nous sommes particulièrement cons ? »

Aragorn # The Kitty Vortex # Fin Mai/Début juin 2029

Tu ne t'attendais pas à voir Beckett si bavard. À ta question, tu n'attendais pas de vraie réponse, si ce n'est quelques mots et un geste évasif pour rapidement passer à autre chose. Tu ne t'attendais pas à le voir serrer sa tasse comme pour trouver le courage d'énoncer une vérité qu'il pense dérangeante, tu ne t'attendais pas à cette expression songeuse, puis cet agacement dans la voix. Tu ne t'attendais pas à déceler chez Beckett cette sincérité brutale, cette honnêteté maladroite. Tu ne t'attendais pas à entendre sa vision des choses, sans tabou, sans faux-semblants. Tu ne t'attendais pas à autant. Ça aurait dû être un simple geste évasif, une discussion sans enjeux, pourtant ça n'en est pas le cas.

Tu écoutes, Dorothy, silencieusement, sérieusement aussi. Les mots de Beckett trouvent un certain écho en toi, une certaine logique. Ça se tient, tu ne connais rien du monde moldu que ce que tu n'en vois dans les produits culturels et de ce que ton grand-père t'en a raconté dans ton enfance. Beaucoup de leurs pratiques, de leurs technologies restent obscures et quelque peu étranges à tes yeux, vous avez des modes de vie et de consommation légèrement différent, un système éducatif et un rapport au monde sûrement divergeant aussi sur certains points, mais tu restes d'accord sur l'idée principale : vous êtes tous les mêmes. Sans doute que ce n'est pas l'univers qui compte, mais bien le facteur humain derrière. Sans doute que c'est un comportement typiquement humain, d'attendre, d'avoir le besoin du devoir accompli, la nécessité de transmettre quelque chose, le besoin de voir un héritage porté et embrassé par les siens. Tu crois ressentir dans le discours de Beckett un léger mépris pour les sorciers, tu crois comprendre que les frontières dressées au fil des siècles entre sorciers, moldus et cracmols n'ont pas lieu d'être. Que ces cases, ces définitions n'ont pas de sens. C'est la même merde partout, le même problème, c'est ce que tu crois comprendre de ses mots. Ce n'est pas une vérité qui te bouleverse ou te choc. En fait, ça parait même évident quand tu y penses. Les méthodes ne sont pas les mêmes, les nuances aussi, mais au final ce sont les mêmes problèmes, les mêmes épreuves que vous affrontez. Le discours de The Crow te semble d'un coup beaucoup plus absurde. Les distinctions entre les peuples n'avaient pas lieu d'être, parce que vous étiez tous les mêmes, personne ne valait mieux que son voisin. Vous aviez juste l'orgueil de le croire.

Tu bois ta boisson à petite gorgée, sans te donner le droit d’interrompre Beckett. Tu apprécies sa sincérité, tu aimes l’idée de ce genre d’échange sans faux semblants. Tu attends qu’il termine, qu’il relève les yeux vers toi pour lui offrir un léger sourire.

« Je pense que tu as raison. » laisses-tu échapper en posant soigneusement ton verre. « Nous avons tendance à nous donner de grands airs, certains nous pensent même supérieur au reste, mais, dans le fond, ces distinctions de race n'ont pas lieu d'être. Ce serait peut-être une bonne chose que plus de personnes portent ce discours, ça ferait du bien au monde. »

Surtout en ces temps troubles. Beaucoup de sorciers avaient été éduqués dans cette idée de monde parallèle, de frontière qui ne se mêle pas sans devoir faire un choix, un sacrifice à la fin. Soit on vivait moldu, soit on vivait sorcier, il n'y avait pas d'entre deux. Ça t'avait toujours semblé normal et clair, car ça avait été là ton seul exemple. C'est une autre chose que Poudlard et sa diversité apportait aux nouvelles générations : un enrichissement des points de vu. Une partie de toi pensait sincèrement que votre génération aurait une importance capitale dans l'évolution du monde. Que c'était par vous que les choses commenceront enfin à bouger et à changer. La question était maintenant de savoir si ce serait pour le meilleur ou bien pour le pire.

« Hmmm, je ne sais pas si on peut appeler ça des écarts de conduite, mais j’emmerde beaucoup ma mère et ma grand-mère en ce moment. Les cheveux roses ça n’avait déjà pas plus y a quelques années, mais le fait de sortir, de boire, et de traîner ouvertement avec des garçons parce que les amitiés entre fille c’est vraiment relou, ça fait pas mal gueuler à la maison. Elles sont vieux jeux, ça allait tant que je restais dans le rôle de la première de la classe coincée et sérieuse, je suppose que voir bébé grandir ça en fout un coup. Enfin, je ne sais pas si ouvertement s’assumer et avoir un peu fait un doigt d’honneur aux attentes maternelles compte mais j’en suis assez fière, j’avoue. »

Tu laisses ton poing se nicher dans le creux de ta joue.

« Et toi ? En tant que légende vivante tu dois avoir pas mal de choses à raconter. Instruisez-moi sur la voie de la jeunesse, maître Campbell. »

Aragorn # The Kitty Vortex # Fin Mai/Début juin 2029