[EVENT #8] Le Gala des Hors-La-Loi (deuxième partie)

Vêtue dans sa robe noire, Otília Ambrozy a observé un instant l’intrusion, en silence. Non pas qu’elle n’avait rien à dire… c’était tout le contraire. Disons que par son parcours, elle qui a longuement été Auror, elle qui a toujours une fonction de diplomate, elle croit en la justice et elle essaie de se convaincre du bon jugement du Ministère – autant que faire ce peut. La méthode, le fait de s’introduire avec fracas dans l’établissement et interrompre le bal du Gala de fin d’année, voilà qui manque de tact. De toutes les soirées où les émissaires pouvaient se faire connaître… choisir celle-ci. Quel mauvais goût !

Quand elle a vu celui qui était à la tête de ce coup d’éclat, elle n’a pas retenu un long soupir empreint de mépris. Magnus Vandom. Arriviste des premières heures qui n’a jamais rien caché de ses ambitions et de sa volonté de faire la Une. Une manière d’exercer la justice qui insupporte la hongroise. Dans un premier temps, elle n’a rien dit, c’est vrai. Elle a préféré l’observation, voir où il voulait en venir. Il a continué son manège, agrandissant toujours plus la liste des « accusés », prenant des élèves pour cibles autant que le Directeur de Poudlard. Elle s’est avancée de quelques pas, s’éloignant légèrement de Raven avec qui elle discutait jusque-là. Elle ne perdra  pas une miette de ce qui se joue. Elle a jeté un regard circulaire sur la pièce, sur les visages déconfits des élèves, sur la panique et l’incompréhension qui émanaient de la plupart d’entre eux. Des regards se sont tournés vers elle et elle a volontairement voulu se montrer indéchiffrable. Difficile que cette situation. Il n’est pas de son rôle de contester l’émanation de la justice magique et ses représentants. Il n’est pas non plus son rôle de se fermer à la détresse des élèves de l’établissement.

Seulement… au milieu de l’indignation, de la colère et des questions, d’autres encadrants ont été plus rapides à parler qu’elle et Otília a bien constaté la technique de Vandom. Il affirme savoir ce qu’il fait. Il affirme détenir le pouvoir. Il a des mandats qui le prouvent… mais dès qu’on veut le positionner devant l’absurdité de la situation, la méthode disproportionnée qui est la sienne et cette forme d’agression « légale » qu’il utilise, il riposte par les attaques personnelles. Envers Orphan Scamander, d’abord… et tous ceux qui suivent. Face aux accusations, faces aux aurors qui se répartissent dans la pièce, les élèves ont peur et Otília ne sait guère quelle va être la meilleure des décisions à prendre. Les étudiants qui ont cours de Droit magique doivent bien savoir que dans ce genre de cas il vaut mieux opter pour le silence. Se laisser faire, ne rien dire qui puisse être retourné contre soi et attendre de pouvoir réclamer un avocat et que les accusations soient étoffées par des faits, des preuves. La hongroise, elle ne croit rien de ce qui a été dit jusque-là. Ce qu’elle sait, c’est que le Crow est un expert en manipulation de masse et elle se demande bien le rôle qu’il joue dans tout ça. Les croyances fondamentales de la Directrice de Serdaigle envers les institutions de la justice magique s’étiolent. Quel juge peut admettre une telle prise de position par la force, dans un établissement voué à la formation des esprits et des sorciers de demain ? Qui peut avoir accepté que Vandom débarque ainsi, des mandats absurdes à la main pour traumatiser une génération d’élèves ?

Et derrière… dans la panique et la crainte, il n’aura qu’à se servir. Parce que oui, les élèves ne savent pas plus comment réagir que les adultes, alors ils le font à leur manière. Certains avec des mots virulents, d’autres avec des insultes, d’autres enfin avec des gestes. Et si les aurors n’avaient pas de réels motifs pour les embarquer… maintenant ils en ont. C’est tellement facile.

« Surtout, ne faites rien, ne dites rien. »

Voilà son mot d’ordre envers les élèves qui sont à portée de voix. Elle fait en sorte de se montrer calme, pas le moins du monde perturbée, mais le froncement de sourcil qui agite son visage trahit tout de même son indignation. Plus loin dans la salle, c’est son collègue Andersen qui invite les élèves à une posture presque semblable… sauf qu’il les invite à se positionner devant la porte de la Grande Salle, pour faire barrage.

D’aucuns diront obstruction.

Otília n’ajoute rien. Jamais l’équipe pédagogique ne s’est retrouvée face à une telle situation et dans bien des cas d’alertes et d’urgence auxquels ils se sont préparés, rien ne présageait un face à face avec des représentants du Ministère réclamant d’arrêter le Directeur Scamander et toute une liste d’élèves, certains mineurs. Face à l’agitation des élèves, elle pose sa main sur l’épaule de l’un, essaie de rassurer en quelques mots l’autre, en invite un troisième au silence en plaçant son index sur ses lèvres.

Préparer toute une classe à une concoction de Potion Tue-Loup est une chose. Devoir éviter le chaos dans une Grande salle aux esprits surchauffés, c’est totalement différent. Elle s’avance vers une auror qu’elle se souvient avoir croisé dans une autre vie où elles étaient encore collègues.

« Smith, je peux voir ce mandat d’arrêt ? »

L’autre lui tend avec hésitation et l’Ambrozy laisse ses yeux parcourir le papier. C’est le mandat d’arrêt à l’encontre de Lola Edwards. On y parle de divulgation d’informations confidentielles au groupe terroriste The Crow. C’est un mandat en bonne et due forme mais… c’est clairement léger. Sans rien ajouter elle le rend à l’auror et scrute la pièce du regard. De partout, des groupes se sont formés, l’agitation est grandissante du côté des Directeurs Scamander et de la porte de la salle. Sa collègue Branwell fait également retentir sa voix à l’aide d’un Sonorus et manque clairement de sang-froid… mais qui peut lui reprocher ? Tout ce qui se passe en cet instant est grotesque. Otília tente en vain de dispenser ses conseils de silence aux élèves qu’elle croise et s’attarde sur le sort du jeune Enoch Lecsczinsky. Comme le fait remarquer fort à propos son cousin Béring, ce dernier est largement mineur et bien trop jeune pour être arrêté. Voilà une constatation qui pique la curiosité de l’experte des potions.

Dans un coin de la pièce, elle repère également une autre élève de sa maison, Mégane Lamoureux qui filme discrètement la scène à l’aide de son pineapple. En un autre contexte, la hongroise aurait levé les yeux au ciel. Cette fois, elle espère que la jeune étudiante ne va rien perdre de ce qui va se passer. Parce qu’en effet, des choses… il s’en passe. Vandom est-il réellement le représentant des institutions judiciaires, en cet instant ? Otília se met à en douter lorsqu’il reprend la parole, naviguant d’attaque personnelle en attaque personnelle. C’est à croire que l’homme veut faire sa justice tout seul. Soudain, Aileen Scamander s’approche, tout en projetant un étonnant voile de protection. Elle demande à Vandom et ses hommes de reculer. Ce qu’il refuse et lance une nouvelle fois son venin au visage de la Directrice de Poudlard.

Et… c’est alors que le chaos devient tout autre. Vandom ordonne à ses hommes d’arrêter les fauteurs de troubles et embarquent d’autres élèves, en le menottant. Pire…

« Tirez dedans.
- Non ! »

A la manière de ses collègues en capacité d’agir, la Directrice de Serdaigle sort sa baguette et formule toutes sortes de sortilèges défensifs à l’encontre des étudiants qui sont à sa portée. C’est une véritable cacophonie et aux sortilèges répondent les sortilèges. Des élèves sont touchés, des aurors sans doute. Un semblant de bile monte dans la gorge de l’Ambrozy. Ces personnes-là sont-elles vraiment des aurors ? N’ont-ils pas des enfants, des membres de leur famille plus ou moins proches passés par l’établissement ? N’ont-ils pas été élèves ici, eux-mêmes ? Comment peuvent-ils… ? Comment… ?!

Après les attaques, la foule est dispersée et Vandom continue son cirque, baguette levée pour créer un chemin par lequel doivent passer les accusés. Un couloir de la honte, eux à qui on n’a même pas donné le bénéfice du doute, jusque-là. A grandes enjambées, Otília se positionne sur le côté, de façon à ce qu’il l’entende.

« Magnus Vandom, quoiqu’il advienne, vous regretterez cette soirée. Ce que vous venez de faire, vous et vos agents, n’est absolument pas à l’image de ce que doit être la justice magique. Est-ce là donc ce que sont devenus les Aurors au sein de notre Ministère ? En quelques années, vous avez donc oublié ce que doivent être vos principes de justice et de respect de la population ? » Elle foudroie ceux qui passent du regard et continue de parler, d’une voix grave et tranchante.

« Si vous pensiez taper un grand coup, sachez que vous avez signé votre chute, Vandom. Vous venez de porter atteinte à bien des articles du code de déontologie des services de Police magique. La force utilisée doit toujours être proportionnelle à la menace. Alors quoi ? Une dizaine d’élèves parlant un peu fort et exprimant leurs craintes nécessitaient l’usage de sortilèges ? Aucun n’en a lancé avant que vous n’entamiez l’attaque, Vandom. Vous avez attaqué en premier, et quoiqu’il advienne, sachez que les familles des élèves ici présents seront informées. Sachez aussi que vous amenez avec vous des élèves mineurs, Vandom. Cela également je n’oublierais pas de l’évoquer. Moi comme mes collègues. Vous n’avez pas à venir à Poudlard comme en terrain conquis. Vous n’avez pas à proférer des attaques personnelles envers ceux qui représentent l’autorité au sein de l’établissement et vous n’avez pas à user de force et de menace comme vous l’avez fait. »

Elle se recule enfin, les bras croisés, et termine.

« Sachez enfin que je constate que votre application des mandats tels qu’ils ont été promulgués est si exacte que vous vous permettez de remplacer un accusé par un autre sur la simple base de leur nom de famille ? Êtes vous certain d’être véritablement auror, Vandom ? Vous comme tous vos subordonnés qui vous suivent sans faire preuve d’une once de réflexion ou de prise de recul. Le Corbeau ou pas, rien ne vous permet de vous croire tout-puissants. »

Si on reproche aux partisans du Corbeau d’être des fanatiques, qu’en est-il de ceux qui appliquent aussi aveuglément et inhumainement une supposée « loi » ?