la mort aux tripes — chase

excellent élève? il ne l'a jamais été. pourtant, on le retrouvait depuis le début du mois de juin assis à une table dans un coin de la bibliothèque. une seule raison : l'approche des examens. bien qu'il ne fasse pas particulièrement d'efforts le reste de l'année, il tenait quand même à les obtenir du premier coup et obtenir une place dans la nouvelle licence qui allait s'ouvrir à la rentrée. aucunes des autres l'avait attiré juste qu'ici, alors il était bien soulagé d'avoir enfin trouvé quoi faire.
voilà pourquoi zephyr ne pouvait se permettre d'obtenir de mauvaises notes à cet examen.

il avait donc le nez plongé dans un bouquin assez vague de divination. il ne s'était pas embêté à choisir des options ou abandonner des matières. ils les avaient toutes gardées. il essayait de comprendre avec plus ou moins de réflexion les mécaniques de fonctionnement de la lecture de l'avenir dans les feuilles de thé - un calvaire, si l'on devait le croire.

puis, il fut bien vite distrait de ses révisions. un peu plus loin, à une autre table, apparaissait derrière quelques livres rangés sur l'étagère, une tignasse blonde assez familière. il se surprit à la contempler quelques instants sans pouvoir en détacher les iris. chase. lorsque son prénom revint au bord de ses pensées, il replongea immédiatement son regard vers les lignes soudainement inintéressantes de son livre de divination.
chase.

alors, comme guidé par une force indépendante de lui, il se leva. ses jambes refusèrent d'avancer quelques instants, puis avancèrent toutes seules, sans qu'il ne puisse rien y faire. sans qu'il ne veuille rien y faire? sans qu'il n'est aucune envie d'y faire quelque chose? seul zephyr savait. et zephyr n'était pas lui.
zephyr était... autre chose.
ce n'est pas lui.

il arriva bien vite à quelques mètres, ou il se stoppa net. il observa les traits fins du visage du poufsouffle avec une fascination dont il ne devrait pas faire preuve. il secoua la tête. il n'avait pas le droit de le fixer ainsi.
il n'avait pas le droit de se languir de lui.
tout comme chase n'avait pas le droit de s'approcher de son coeur.

il se l'était interdit.

bonjour, chase.

l'interdiction était-elle levée, alors? zephyr... jubilait-il intérieurement de jouer avec le feu? de risquer de se briser au rocher de l'amour?
il ne pouvait pas. il devait décliner.

il se glissa sur la table, à côté du blond.

je t'embête dans tes révisions? il fit mine de d'être désolé - il ne l'était pas - gros bouquin.

la conversation semblait être la plus naturelle du monde. pourtant, il se faisait violence pour se convaincre de partir.

je te le fais pas dire. avait-il alors répondu en suivant le ton de sa phrase.

zephyr avait beau se répéter de cesser ces inepties, il n'en faisait rien. il était toujours là, sur cette table, un sourire rieur peint sur la moitié de son visage. qu'il est beau, et il se maudissait pour avoir pensé cela.
il se maudissait d'être là, et il se maudissait d'être lui. tout serait plus simple s'il n'était que zephyr, mais zephyr n'est pas encore totalement là, totalement poli, totalement prêt.
il y a encore des morceaux de son propre coeur, encore enfouis.

il rit à la remarque de chase.

effectivement, je m'en fiche royalement. c'est ennuyant.

il n'y avait rien de plus vrai, à cet instant. qui pouvait bien s'intéresser aux livres, quand il y avait... quand il y avait quoi? qui était chase pour lui?
il se le disait encore et encore et encore.

personne. personne. personne. personne.
tout?
rien?

il ne savait plus. chase ne devrait n'être qu'un énième passant dans le tableau de son existence, pourtant il semblait être peint au marqueur - indélébile. merde.

tu.. vas bien, par les temps qui courent?

c'était d'une banalité qui ennuierait les morts. il ne comprenait pas pourquoi il se retrouvait à perdre ses moyens ainsi, alors que tout devrait rouler si naturellement sur le bout de sa langue de semi.
semi-quoi? vélane. vélane, rappelle t'en bien, zephyr, qu'il s'était soufflé à lui-même. tu ne peux pas briser cette partie de moi, de nous. parfois, il se demandait si cette comédie qu'il avait monté de sa vie ne finissait pas par le rendre fou.
pourquoi s'obstinait-il à faire de zephyr quelqu'un d'autre? à le dissocier de lui? il était zephyr, mais il ne voulait pas que zephyr soit lui.

il croise les jambes, pliant son jean alors qu'il remonte le long de son tibia.

chase?

un temps.

que penses-tu de moi?

une partie de lui s'était abandonnée alors que l'autre se rendait malade d'avoir posé la question.

des masques, hein?

il avait penché la tête, faisant mine de réfléchir. chase avait vu juste, mais ce n'est pas ce que zephyr avait cherché à entendre. alors, il était déçu. il s'était redressé et avait regardé une nouvelle fois les traits de son visage.
il observait une certaine tension, une anormalité dans les plis, comme s'il se forçait à quelque chose.

à quoi bon?

ce n'est pas amusant, ce que tu me dis, chase.

pourtant, c'était la vérité, il le savait, mais il n'avait pas envie d'en parler. il avait décroisé les jambes et vient s'installer sur la chaise à côté du blond. délicatement il place un coude sur la table où il était assis il y a quelques secondes, et appuie sa tête avec un sourire dans la paume de sa main, à quelques mètres du visage du poufsouffle.

à ton avis, de quoi je me protège? de toi?

il n'avait pas envie de revenir là dessus, il aurait aimé changer de conversation. au final, il s'était retrouvé à lui demander directement, intrigué par la réponse qu'il pourrait lui donner.
amusé par ses réactions et ses expressions.

il vint poser un pouce sur la joue de son interlocuteur. avec douceur, il le fit descendre jusqu'au menton.

il faut sourire tu sais, chase, je préfère quand tu souris.

oh, évidemment qu'il préférait. il ne devrait pas.

il avait abandonné le contact et s'était redressé sur sa chaise avec un soupir, avant de se laisser s'étaler sur la table, la tête entre ses bras. la malédiction, la malédiction, elle le torturait.

il espérait autant qu'elle se brise qu'elle reste, et c'était là le plus gros dilemme au creux de son estomac.

qu'est-ce que tu ferais à ma place? si on inversait les rôles?

il cherchait le conseil, probablement, sans vouloir vraiment se l'avouer ou le dire à voix haute.

lorsqu'il lance son sortilège, l'atmosphère semble changer. à présent, qu'il y ait d'autres personnes autour d'eux importait peu. ils avaient maintenant leur bulle d'intimité et zephyr jubilait à cette idée.
après tout, il ne manquait plus que ça, entre lui et chase.

enfin quelque chose d'intéressant! tu vois quand tu veux, fowley!

il avait souri pour accompagner ses paroles et modulé son intonation sur son nom de famille pour le rendre plus chantant que sec. il s'était redressé sur son assise afin de se préparer au jeu, se demandant bien ce qu'il allait pouvoir énoncer comme vérité qui ne lui fasse pas l'effet de se mettre trop à nu.
ah, ce qu'il tenait à ses secrets, zephyr.

je commence?

il avait annoncé ceci comme une question, alors qu'il s'agissait bel et bien d'une affirmation. il préférait prendre les devants et décider de l'importance des vérités en montrant l'exemple que de se laisser devancer par chase et devoir avouer quelque chose d'équivalent à la sienne.
bien sûr qu'il lui arrivait de réfléchir parfois. et puis, s'il avait décidé que zephyr serait stratégique, alors ce que ce serait ainsi.

il cogite sûrement un peu trop, d'ailleurs.

je dis à tout le monde que mes vêtements viennent de grands créateurs alors que j'ai pas une thune et que j'achète tout en friperie.

il ne savait pas si son interlocuteur s'attendait à des vérités grandioses et lourdes de sens ; pour l'instant, il avait décidé de s'en tenir au trivia inintéressant mais vaguement satisfaisant.
ce genre d'information dont tu ne feras rien, mais qui sur l'instant t'arrache un oooh éphémère.

de toute façon, zephyr avait l'art de rendre l'ennuyant intriguant et la banalité merveilleuse. il jouait avec les mots comme il jouait avec les gens.
souvent, il tombait de haut et se haïssait d'agir ainsi, mais la scène était née pour lui et non l'inverse.

à toi!

un vilain mensonge pour un vilain garçon! avait-il cantonné en rigolant, se ressaisissant pour y ajouter un clin d'oeil.

il hoche la tête alors que chase lui annonce sa vérité. alors, lui aussi, aimerait goûter du bord des lèvres l'inédit d'un don, l'extraordinaire d'une particularité.
il devait avouer ne pas comprendre pourquoi. qui y avait-il de si attrayant à être maudit?

et quel animal tu cherches à être? un rat? ça irait bien, avec ta personnalité.

il avait ri une nouvelle fois. oh, il ne cherchait pas à être méchant... peut-être un peu pointu, mais ce n'était pas pour l'enterrer six pieds sous terre. il voulait plutôt pouvoir rigoler avec lui de tout et de rien, pouvoir se lancer des piques sans en tenir rigueur.
c'était peut-être audacieux de sa part, de continuer à vouloir se rapprocher de lui.

je rigole, bien entendu. tu ferais un très joli papillon. quel goût ça a, une feuille de mandragore, d'ailleurs?

il prit un moment pour réfléchir, s'imaginant poser ses lippes sur le bord d'une feuille, ou l'enfoncer dans sa bouche comme chase avait essayé de le faire déjà deux fois.
ensuite, il revint à la réalité et se rappela que c'était à lui de jouer.

parfois, j'aimerais ne pas être un semi-vélane, tout comme je ne sais ce que je serais aujourd'hui sans ça.

il avait laissé ses iris prendre le large, perdus dans les étagères un peu plus loin. il s'était mordu la lèvre, puis avait souri à nouveau, tournant la tête à nouveau vers le poufsouffle.

enfin, ce n'est pas très joyeux tout ça! pardonne moi. remonte nous le moral.

soit, qu'importe. tant que j'entends le son de ta voix, cela me suffit.

alors, il épousseta ses vêtements et pris soin de tendre l'oreille et écouter - entendre - chaque mots qui sortait de ses lèvres. ainsi découvrait-il qu'il n'était pas le seul dont l'âme était proie des tourments. la deuxième anecdote qui parvint à lui le fit sourire de par sa simplicité drôlement contrastée avec la première. il ne pouvait s'empêcher d'apprécier la légèreté de chase, et la beauté de son visage lorsqu'il sourit.

je ne t'ai jamais vu avec tes lunettes, avait-il énoncé comme s'il s'agissait d'un droit constitutionnel. il implorait presque de le voir. en tout cas, c'était l'intention qu'il avait espéré transmettre dans le ton de sa voix.

il fut pris de pitié, frappé par les condoléances. il voulait réconforter le blond - mais comment procéder alors que lui-même ne savait recoller les pots cassés de sa psyché tortueuse?
finalement, il fit ce qu'il savait le mieux. doucement, il plaça le menton du poufsouffle entre son pouce et son index, ses iris fondant dans les siens. ses lèvres s'étirent et ses yeux se plissent alors qu'un sourire se dessine sur la porcelaine de son visage.

d'une voix douce, ne t'en fais pas chase. tu as ta place ici, peu importe ce que les moldus ont à dire là-dessus.

il ne savait pas trop de quelle place il parlait. signifiait-il par là, ici même, poudlard, ou ailleurs, au fond de ses bras, au creux de son lit et de ses reins? lui-même était confus des pensées qui se bousculaient dans un esprit qui n'avait pas eu le temps d'apprendre à interagir simplement.
zephyr ne savait pas parler à un ami - son langage était celui de l'amour, encore et toujours, c'était la seule chose qu'on lui avait appris.

est-ce nécessaire de continuer ou est-ce que nous savons assez de choses l'un sur l'autre?

la fin de sa phrase s'était perdue dans une craquement. le doute avait jailli du fond de sa gorge et il s'était haï de l'avoir laissé s'échapper.
sans perdre contenance, il était dans l'obligation de se rattraper, de sourire, de rire. un patchwork trop dissident.

je suppose que c'est plus amusant de continuer. alors, je te propose ceci. tu peux me poster trois questions, celles qui te brûlent la langue, je le sais! et je n'ai pas le droit de ne pas y répondre.

il ne savait plus à quoi il jouait.