Parfois, les histoires commencent avec quelques mots …
Une admiration, une obsession, une envie de comprendre … Les sentiments, les mots, sont nombreux. Pourtant, ils ne peuvent pas tout expliquer. Dans une quête désespérer, on fait parfois les mauvais choix. Les livres nous apprennent ce que nous ne savons pas, ils peuvent tout nous dire, même ce qui pourrait sembler impossible, voir irréaliste. Je l'avais déjà vu à cette époque, cette petite époque où je parlais à peine. Mes mains se tendaient dans sa direction tandis que des gloussements s'échappaient de ma bouche. En face de moi, j'avais l'impression de voir un chat, sauf que c'était loin de ressembler à ce félin chétif, mignon et affectif. Cette bête était plus grande, plus noire, plus impressionnante et mon innocence me faisait faire des choses improbables. Derrière cette image douce, ce souvenir enfantin, je savais que mon père se cachait derrière cette étrange félin, qui jouait avec moi. Alors, j'ai voulu le comprendre. J'ai surtout voulu lui prouver que je pouvais le faire aussi. Les livres sont parfois stupides …
Après un mois de fermentation dans ma salive, la feuille de mandragore pouvait enfin reposer dans cette fiole de cristal. Ce n'était que le début. L'attente n'avait pas été longue, mais plutôt le processus. Avant d'en arriver là, j'avais déjà retiré une première fois la feuille de ma bouche par dégoût ou plutôt, par gêne. Maintenant, c'était au tour de l'orage de faire son effet sur l'ensemble des ingrédients que contenait cette fiole. Loin de mon regard, je devais lui faire confiance. Loin de tout regard, je devais proposer ses mots qui résonnaient dans ma tête et qui résonne toujours : « Amato Animo Animato Animagus ». Petite comptine qui me conduira en Enfer.
L'éclair est tombé, il a illuminé mes yeux avant de s'abattre sur le sol. L'heure venait de sonner, l'horloge indiquait minuit. J'enfreins les règles. Je venais de quitter mon dortoir pour rejoindre le lieu où dormait cette fiole emplie d'un poison irrésistible. Il me fallut un peu de temps, mais je pouvais enfin la voir ; petite fiole emplie d'un liquide rougeâtre. Charmant mon désir et nourrissant ma curiosité, je la pris en main. Un premier regard à droit, puis un second à gauche, j'étais seul. Pourtant, je me mis à fuir les lieux, la fiole contre ma poitrine, je cherchais un meilleur endroit, je ressemblais à un voleur …

A l'extérieur du château, un peu plus loin, je pouvais enfin observer ma fiole dont la couleur brillé sous les rayons de la lune. Comme je le faisais tous les matins depuis le début de ce long processus, je plaçais l'extrémité de ma baguette sur mon cœur et je prononçais ma petite comptine :


En une fraction de seconde, le contenu de la fiole se déversait dans ma bouche. Je buvais goulûment ce liquide rouge avant de tout lâcher. Éclatant la fiole au sol, je sentis une vive douleur m'envahir. Ma main droite vint agripper mon haut au niveau de mon cœur, j'avais le souffle coupé, j'avais l'impression que mes os allaient exploser. Mes jambes tremblaient, mon corps me lâchait petit à petit, est-ce que j'allais pouvoir tenir ? Etais-je en train de mourir ? Ce n'était pas écrit dans les livres. Le sort pouvait-il échouer ? Mon père avait-il autant souffert ? Tout se brisait. J'avais peur. Pourtant, tout autour de moi était calme, il n'y avait pas un seul bruit, pas un seul témoin de ma décadence. C'est alors que tout devint clair dans mon esprit.
Une image s'était dessiné dans ma tête. Je la voyais clairement et sans m'en rendre compte, je ne faisais plus qu'un avec moi-même. Mes vêtements avaient laissé place à un pelage grisâtre parsemé de tâche noir. Mes mains et mes pieds étaient devenus des pattes pourvues de griffes. Mes oreilles s'étaient allongés, tandis que mon nez était devenu un museau. Je n'étais plus un être humain. Engourdi par la transformation, mes pattes me laissèrent tomber au sol. D'un léger mouvement de tête, je me mis à observer mon corps tandis qu'une queue vint obstruer cette vision. Elle était longue, presque aussi longue que mon corps. C'est alors que je pus constater que mes pattes étaient plutôt courte pour la taille que je semblais avoir, était-ce une malédiction ou un coup du sort ? Dans tous les cas, après avoir identifié l'animal que j'étais devenu, je vins caler ma baguette entre mes pattes. Mes yeux se fermèrent tout seul et je me laissais emporté par le marchant de sable.


Je dû me réveiller un peu avant le lever du soleil pour reprendre ma forme humaine et surtout pour retrouver mon lit, qui semblait avoir bien refroidi depuis.