You are going to love this - Camille

Aïssatou n'avait pas l'habitude d'avoir un public plus étendu, le mercredi soir, que les turbulents cinquième, sixième et septième années qui avaient gardé sa matière parmi leurs différentes options (et c'était, selon son propre aveu, déjà bien suffisant pour mobiliser une femme seule durant deux heures trente, qui devait déjà naviguer entre les téléphones portables, les tiges d'hellébores et les ratés nauséabonds des moins doués de sa classe pour s'assurer que le savoir essentiel à la réussite finisse par leur rentrer dans le crâne). Sous l'indéchiffrable regard de son collègue, elle passait de tables en tables, descendait la température des chaudrons, corrigeait les gestes et sentait les émanations, ne s'arrêtant que pour remettre ses cheveux en place sous son pagne de tête pour éviter toutes contaminations possibles. Elle n'avait pas encore trouvé le temps de lui demander ce qu'il pouvait bien faire ici, et avait exclu assez naturellement les premières options qui s'étaient présentées à elle. Il n'était clairement pas venu pour évaluer quoi que ce soit, dans un premier temps parce qu'il n'était aucunement habilité à le faire, et dans un deuxième temps parce qu'il semblait intéressé surtout par les potions réalisées. Ce qui excluait naturellement la seconde hypothèse: il n'était pas venu là pour elle non plus, ce qui en soit semblait relativement logique à partir du moment ou ils n'étaient pas si proches que ça. Tout en indiquant à un élève la bonne température du feu, bien plus douce que l'espèce de fournaise infernale qu'il était parti pour allumer, elle adressa un discret sourire à son invité impromptu.

Monsieur Camille Gaunt himself.

Maintenant qu'elle avait une petite minute tranquille, elle se dirigea vers lui, ignorant les regards perplexes de ses élèves et les jeunes filles du premier rang qui gloussaient. Évidemment, que la présence de l'homme faisait jaser, et les adolescents s'en donneraient certainement à cœur joie sur leurs réseaux. Bah. C'était sans incidence, n'est-ce pas?
Elle fut interrompue par une odeur étrange et fit volte face pour tomber devant un chaudron qui avait une couleur plus qu'étrange, compte tenu du résultat attendu, et devant son propriétaire, un Gryffondor dont le visage commençait a prendre les couleurs de sa maison. Monsieur Gaunt attendrait. Identifiant le souci en regardant le plan de travail de son élève, elle lança un petit sort, deux croisement de doigts, qui permirent au breuvage de se stabiliser, avant de montrer comment découper les racines sans les écraser comme un hypogriffe en pleine charge. La catastrophe évitée, elle avisa l'horloge, et émit un vague grognement déçu. Il restait peu de temps, et une masse de travail assez conséquente à accomplir.

Adressant un regard d'excuses au sorcier, elle continua le tour de ses élèves, et peu de temps après, elle observa avec une certaine satisfaction que tout le monde avait , en substance, réussi sa potion, bien que peu d'entre elles soient suffisamment bien réalisées pour obtenir une bonne note aux ASPIC. Heureusement qu'il restait encore beaucoup de cours pour relever le niveau optimal qu'elle visait pour ses classes.

Tandis que chacun observait avec attention le comportement de son chaudron pour les dernières étapes et commençait à ranger ses affaires, elle put finalement atteindre son silencieux spectateur, et sourit, avant de lui faire une de ses blagues favorites.

"Eh bien, Monsieur Gaunt. Il me semble que vous n'avez pas beaucoup participé pendant ce cours-ci. Si rien ne vous presse, je vous attends à mon bureau à la fin de l'heure, afin que nous puissions voir ensemble ce que vous auriez pu louper pendant ce cours?"

Elle lui fit un clin d’œil, avant de repartir vers ses élèves et de les féliciter pour les progrès accomplis. Il était intéressé par les potions, alors? Ils allaient donc faire des potions. Il était exclu d'envisager que la réserve, remplie de choses délicieusement dangereuses et interdites aux élèves, allait rester à prendre la poussière alors que deux professeurs pourraient en faire de très grandes choses. La jeune femme avait d'ailleurs une recette qu'elle aurait adoré tester, et un assistant ne serait pas de trop. La pensée la fit rire intérieurement.
Elle n'avait aucunement besoin d'un assistant. Mais quelqu'un pour travailler avec elle, et pour partager son amour inconditionnel pour la matière. Si jamais il était partant, a deux, elle était convaincue qu'ils allaient faire de grandes choses.

Aïssatou salua chaleureusement chacun des élèves qui quittaient (finalement) la salle, avant se soupirer de soulagement. Elle n'était pas passée loin de la catastrophe, et elle avait eu chaud, surtout devant un collègue. Mais tout s'était finalement passé sans incidents majeurs, et elle appréciait tout particulièrement le fait que personne n'ait enfumé sa salle de classe, ce qui avait pourtant eu, l'année précédente, une forte tendance à se produire. Elle détestait les enfumements généralisés, même si elle ne pouvait s'empêcher d'aimer les élèves qui les provoquaient. Mais le temps n'était plus aux divagations des troisièmes années survoltés dès qu'ils avaient un chaudron dans les mains: le professeur avait dès à présent un tout autre genre d'étudiant, qui, selon ses propres termes, n'hésiterait pas à venir la voir en fin de cours. Si elle espérait que c'était bien pour l'aider dans son projet, elle se demanda l'espace d'un instant si le sang-pur n'avait pas pris ombrage de sa petite blague. Elle n'était pas intégralement au fait de la réputation des Gaunt, mais avait eu des bases suffisantes pour savoir que certains nobles des grandes maisons anglaises goûtaient peu à son sens de l'humour particulier.

Il aurait peut-être fallu y penser avant, songea t-elle. Mais c'était trop tard, et les craquements du plancher se rapprochant d'elle lui indiquèrent que la rencontre était inévitable. Il valait mieux s'avancer vers lui, prendre l'initiative, mais a peine avait-elle fait un pas qu'il était déjà là, en face d'elle. Il souriait. Voilà qui était rassurant.

Et il l'avait appelée professeur. Il était rentré dans son jeu, et c'était une sensation plutôt plaisante, de se dire qu'elle était maîtresse de la situation, même si celle-ci n'engageait finalement qu'a une réalisation de potion expérimentale. Mais quel sentiment grisant d'avoir un peu de contrôle, même sur les petites choses. Tout ceci promettait d'être terriblement amusant, même s'il ne s'agissait que d'une petite blague entre collègues. Ne vivait-on pas que dans l'attente de ces petits moments là?

"Monsieur Gaunt. Merci d'être resté."

Elle lui adressa un charmant sourire. Peut-être un peu charmeur, aussi. Il fallait respecter les règles du jeu, et l'entraîner avec elle dans les méandres formidables de ce qu'elle avait concocté.

"Je ne vous ai pas vu pratiquer, durant cette séance. C'est ma foi fort dommage. Comme vous le savez certainement, si la théorie en potions est un prérequis, la pratique est essentielle..."

La phrase mourut tandis qu'elle esquivait le regard très présent de Camille pour observer un point fixe derrière lui. Elle espérait beaucoup de sa dernière invention, mais allait-il l'apprécier autant qu'elle? Il était encore possible de retourner en arrière.
Mais elle vivait pour ces moments-là, finalement. Même si cela impliquait de se retrouver, songea t'elle avec déplaisir, dans une situation qu'elle fuyait absolument, à savoir se retrouver seule dans un espace clos avec quelqu'un de l'autre sexe. Il fallait se décider.

"Venez avec moi, j'ai quelque chose à vous montrer, peut-être quelque chose qui sera plus à votre goût qu'une potion pour les ASPIC."

Elle lui sourit, et se dirigea vers la porte de son bureau, pour le laisser passer. Posé sur une petite table, l'objet de ce cours particulier impromptu. Dans un petit chaudron doré reposait tranquillement un liquide clair, vaguement bleuté, qui se comportait comme si animé par une puissance interne, tourbillonnant à certains endroits. Elle s'accroupit près de lui, et huma la mixture, qui sentait le pétrichor et le musc, avant d'émettre un petit claquement de langue de satisfaction.

"Approchez-vous, Monsieur Gaunt, venez voir de plus près. Vous avez devant vous ma toute dernière tentative de création. Bien évidemment, il aura fallu beaucoup d'essais pour en arriver là, mais peut-être qu'aujourd'hui, ça va enfin marcher. Tout est compliqué, lorsque l'on part de rien, voyez vous? La préparation nécessite un mois, et ne tolère que les chaudrons en or - c'est une princesse, si vous voulez mon avis de professionnelle - , et la dernière étape, celle que nous allons réaliser ensemble, nécessite deux personnes, et est d'une complexité certaine. Mais si jamais cela fonctionne..."

Alors, cela pourrait changer bien des choses. Mais auparavant, il fallait la réussir correctement, et les ennuis commençaient seulement. La présence de Camille pouvait cependant renverser le courant, et elle devenait de plus en plus essentielle.

"Si vous vous en sentez le courage, j'apprécierais volontiers votre aide. Voyez ça comme un cours particulier, et une manière pour moi d'évaluer votre pratique."

Qui pourrait résister à un défi pareil? Sortant ses notes illisibles sur un parchemin , elle adressa une autre oeillade sympathique à son nouvel élève. Il allait accepter. Forcément.

Camille avait l'air enthousiaste, et c'est précisément ce qu'Aïssatou attendait de lui en cet instant face au contenu du petit chaudron qui se mouvait gaiement. Éclatante de bonheur et fierté face à sa trouvaille, qu'elle n'imaginait pas échouer un seul instant pour le moment, elle sourit de toutes ses dents.

"Cette potion est censée réagir comme un genre de bouclier, si tout se produit comme prévu. Ce serait...comme un genre d'amulette, à usage unique? Parfois fort utile, quand les circonstances s'y prêtent..."

D'un regard presque amoureux, elle couva sa petite préparation d'un oeil tendre et rit doucement à la remarque de son apprenti impromptu. La quête de gloire, que ce soit chez le petit Catwright ou chez le grand Gaunt, était et resterait toujours la même. Elle-même ne proposait pas ses produits sous son véritable nom, et Fatou, vieille amie, lui prêtait le sien autant de fois qu'il l'avait fallu pour commercialiser ses créations. Ce serait amusant de le voir collé au grand nom des Gaunt. Elle ne s'en remettrait certainement jamais, et la famille de sang-pur recevrait certainement des pagnes à leur effigie du meilleur effet à chaque réveillon de Noël.

"Seulement si c'est une réussite? Je vous imaginais plus solidaire de vos collègues, Monsieur Gaunt!"

Un éclat de rire ponctua la phrase alors qu'elle fouillait encore dans ses notes illisibles, pour bien noter qu'elle blaguait. Hors de question qu'il pense qu'elle se moquait de lui. Alors que la potion tourbillonnait toute seule un tout petit peu plus fort - suffisamment pour attirer son attention, son regard tomba tout seul dans celui de son partenaire.

Elle se rappela rapidement d'une réflexion émue et tremblottante d'un première année à son arrivée à Poudlard, qui lui avait demandé, presque mort de honte, si elle pouvait rougir, et se dit que s'il avait été là, il aurait certainement eu la réponse à la question. Comme une adolescente, le feu envahit son visage sans prévenir, alors qu'elle remarquait ce qu'elle avait bien voulu occulter pour l'amour de sa matière: Camille Gaunt n'était pas dépourvu de charme, loin de là.

Ce n'était pas un charme classique, pourtant, mais il fonctionnait à merveille, et elle se sentit idiote, Aïssatou, à sentir des papillons bouger dans son ventre et sa lèvre inférieure trembler. Cela se voyait? Cela se voyait. Il fallait rapidement se donner une contenance dans ce délicieux petit jeu, et ne pas laisser paraître le trouble qui l'envahissait.

D'un coup, elle se redressa.

"Il faudrait que nous hachions une quantité assez conséquente de jeunes pousses de Voltiflor, si nous voulons passer à la vitesse supérieure."

Aissatou plongea ses mains au fond d'un tiroir pour en sortir un petit bac empli de terre, cadeau de Marguerite qui devait s'avérer utile pour la suite. Les petites pousses pointaient seulement, et elle constata avec bonheur que son chat n'était pas passé par là pour faire Merlin-savait-quoi avec ces petites merveilles.

De son tiroir, elle sortit deux petits couteaux à la lame courbée, ainsi qu'un petit instrument tranchant ressemblant à un genre de petit sceptre au manche de bois assorti d'une lame en forme de vague, visiblement destinée à écraser et découper en même temps.

"Je ne sais pas si vous avez déjà vu ce genre de choses, monsieur Gaunt? C'est quelque chose que nous employons chez nous, pour certains types de magie, mais aussi pour les potions, et c'est l'idéal pour tirer des pousses ce que nous voulons pour notre potion. Donnez moi vos mains, je vais vous montrer comment ça fonctionne."

Elle regretta immédiatement sa proposition de proximité physique et son coeur loupa un battement, mais il était trop tard.
Une fois rejointe par le sorcier, elle se décida à montrer la marche à suivre, un peu fébrile.

"Vous saisissez fermement l'instrument par le manche, comme ceci, mais pas trop haut, sans quoi vous risquez de vous couper, et vous le posez en biais, à 45°, à peu près. Et là, très doucement, le poids de l'instrument doit travailler pour vous, vous penchez le poignet vers le haut, comme ça, et hop. La tranche est faite, et déjà écrasée, et nous récupérerons tout le produit pour le mettre dans la potion, très rapidement. Pendant que vous verserez le produit de nos découpes dans le chaudron,
je lancerais quelques enchantements que je vous expliquerais dans le même temps,
si le coeur vous en dit?"

Elle parlait trop, à présent. Beaucoup trop, pour oublier la proximité des corps à laquelle elle n'était plus habituée. Sa voix tremblait, son être tremblait, et elle ne comprenait plus ce qui se produisait.

Et étrangement, elle aimait ça.

Il se passait quelque chose, et Aïssatou commençait, lentement, mais surement, à s’en convaincre. Quelque chose qui n’avait rien à voir avec les potions, pour être tout à fait honnête, mais qui relevait plus du domaine d’une certaine alchimie qu’un chaudron n’aurait pu reproduire efficacement, sinon même tenter d’émuler. Et si elle n’était pas contre, dans l’idée, participer à ce petit jeu plaisant, l’angoisse éternelle lui signala sa présence malveillante en faisant trembler ses mains plus que de raison, corps traître qui l’abandonne alors même qu’elle en a le plus grand besoin. Mais Monsieur Gaunt est bon élève, et elle se concentre avec application sur chacun des mouvements de mains de celui-ci pour s’assurer que la Voltiflore est hachée correctement.

« Exactement. Vous auriez fait un tabac en cours de potions à Uagadou, sans aucun doute. »

Elle sourit et continua son mouvement lent, sensible au contact, mais elle tenta de ne pas se laisser décontenancer par la peau de son acolyte du jour. Il y avait une potion à faire, et il fallait la faire du mieux possible. Mais sa remarque suivante la fit tressaillir. Elle tremblait, oui, mais elle n’imaginait pas qu’il l’aie remarqué à ce point. Elle était en train de rougir, maintenant, et elle le savait, et elle savait qu’il savait. Peu habituée aux jeux de séduction, elle se trouvait à présent dans une impasse, tant intellectuelle que sociale, et ne savait pas exactement quoi faire. Et la pique du professeur ne fit que rajouter à son embarras. Elle retira rapidement ses mains, cassant le contact pour reprendre une contenance. Bon sang, elle ressemblait à une adolescente effarouchée, elle qui avait déjà trente ans, et elle se trouvait ridicule.

« J’ignorais que vous étiez déjà un expert en la matière ? »

Piètre défense face aux évènements, mais il faudrait s’en contenter. Et il lui fournit une excellente raison de changer de sujet, en tranchant la Voltiflore qui n’avait rien demandé complètement de travers. Est-ce qu’il l’avait fait exprès ?L’idée la traversa un petit instant, et elle commença a ouvrir la bouche.

« Est-ce que vous… ? »

La phrase devait ne jamais être terminée, alors qu’elle chassait cette pensée idiote de sa tête. Pédagogue, elle respira un grand coup avant de reposer ses mains pour le guider.

« Plus dans ce sens là, d’accord ? Si vous vous y prenez comme vous venez de le faire, vous risquez de vous emporter un doigt, ce que personne ne souhaite. »

Elle accepta l’excuse avec un timide sourire, et acheva de trancher les pousses avant d’observer avec un sourire ravi le petit tas qui s’était formé. Ils étaient prêts à démarrer.

« Les enchantements servent majoritairement à inhiber certaines propriétés et à en développer d’autres, mais ils servent aussi, et plus précisément dans ce cas, à catalyser les réactions plus rapidement. Un peu comme…comme deux personnes, vous voyez ? Parfois des choses devraient se produire, mais n’arrivent pas, faute de catalyseur. Là, l’enchantement fait la petite étincelle qui fait que ça fonctionne correctement. Je vous montrerais, si vous voulez, mais je ne suis pas à l’aise avec une baguette magique, alors je vous fait entièrement confiance pour la traduction. »

Elle eut un petit rire en pensant à l’inutile bout de bois qui pendait à sa ceinture, ce qui lui permettait d’une façon tout à fait appropriée de passer sous silence l’explication relativement malaisante qui avait précédé.

« Il me semble que tout est prêt. Je vous laisse mettre les morceaux un par un, et je m’occupe du reste. »

Elle fit craquer des doigts, et se concentra sur le chaudron. Trois, deux, un…
Ses doigts s’agitèrent à toute vitesse alors qu’elle murmurait à peine, nimbant chacun des morceaux d’une lueur violacée avant leur chute finale dans le chaudron. Concentrée, précise, elle avait conscience qu’elle n’avait pas le droit de se louper là-dessus, et continua, rythmée par le mouvement de ses mains, à enchanter tout ce qui devait l’être.
Quand ce fut fait, elle soupira de satisfaction.

« Et dix minutes bien au chaud . Vous prendrez une tasse de thé, en attendant ? »

Elle avait vraiment des explications étranges. Bien sûr. Elle en avait toujours eu, pour ne rien cacher, et trouvait parfois qu'il fallait simplifier le propos au maximum. Alors, évidemment, c'était souvent étrange à la sortie. Mais tout le monde avait compris lorsqu'il ressortait d'un de ses cours, s'il avait été un peu attentif. Et elle aimait par dessus tout lier les gens aux potions, l'alchimie se déroulant entre les ingrédients et les êtres vivants étant de son point de vue sensiblement les mêmes.

Les tasses et théières s'envolèrent et le thé fut rapidement fait, entraînées par magie dans le sillage de la baguette de Camille, et la sorcière sourit en observant tout se mettre en place. Elle aurait pu s'en occuper elle-même, mais elle l'aurait fait à la main, privilégiant toujours le contact délicat avec les divers ingrédients à l'utilisation de la magie, mais tous n'étaient pas de la même école, et elle comprenait parfois un des grands travers du monde magique qui consistait à tout automatiser. Et c'était encore plus vrai chez elle, lorsqu'elle observait ses parents coudre en croisements de doigts successifs, sans plus même toucher les étoffes dans lesquelles elle s'enroulait avec bonheur quand elle était enfant. C'était dommage. Mais c'était là.

Il la regardait, fixement, et elle se sentit presque dévisagée. Il se passait vraiment quelque chose, et elle mettait le doigt dessus, lentement mais sûrement. Monsieur Gaunt n'était pas genre à s'étendre en compliments, et c'était pourtant précisément ce qui était en train de se produire, alors qu'il vantait sa capacité à enseigner et sa passion pour les potions. C'était étrange. Mais finalement, pas tant que ça, n'est-ce pas ? Elle relia le tout à son regard. Et comprit.

C'était un jeu, mais pas un simple jeu entre collègues autour des potions. C'était un jeu de séduction, dont elle ne maîtrisait pas les codes, voyant simplement la finalité de la chose se profiler à l'horizon. Que faire, que dire, quelle direction prendre, elle n'en savait rien. Il fallait se laisser porter par les flots inconnus, et aviser en chemin.

« Merci beaucoup. Mais vous êtes un élève très assidu. Les enseignants ne valent rien sans quelqu'un pour les écouter, vous voyez ? »

Elle but une gorgée de thé, pensive, avant de laisser échapper un rire sonore en entendant la proposition de son collègue. Elle, se servir d'une baguette ? C'était peine perdue. Mais cela pourrait être amusant. Tout comme tout ce petit jeu.

« Ce serait avec plaisir, Monsieur Gaunt. Mais je préfère vous prévenir, je suis une étudiante médiocre en la matière. On ne change pas trente ans de mauvais réflexes avec un coup de baguette magique, si je puis m'exprimer ainsi. »

Un tintement sonore retentit dans la pièce, et elle se retourna brusquement.

« Oh, c'est prêt ! Venez, elle a du changer de couleur normalement. Si mes estimations sont exactes, elle devrait être violette, à présent. »

Elle déposa sa tasse sur le bureau et observa le contenu du chaudron, d'une riche couleur violette, dont la surface était de plus en plus animée comme de par magie. Sans bien contrôler son geste, elle saisit, dans le feu de l'action, la main de son collègue avec enthousiasme.

« Regardez, ça a marché ! Il faut la tester. Je vais..Non. Vous allez...Attendez. Je vais boire la potion, et vous allez tenter de me lancer un sort. Bon sang, c'est tellement excitant ! Merci encore de votre aide, monsieur Gaunt. »