Tissu immaculé ondoyant sous les chatoiements de la scène ; les muscles ourlent sous l’épiderme satiné, l’élégance imprègne chaque geste, chaque contorsion, chaque friction. Palpitant martelant la cage thoracique, hémoglobine pulsant furieusement au creux des veines, mais le faciès ne laisse rien transparaitre, le faciès demeure figé ; expression ciselée dans le marbre, expression parfaitement pétrifiée. Seule la passion, omniprésente en cet instant crucial, suinte de ses pores en vagues frénétiques ; saturant la scène, étouffant les spectateurs. Elle valse, elle vole, elle ondule, elle tangue ; créature sibylline au paroxysme de l’ardeur.
Tous savait, en observant Seraphina dodeliner ainsi, d’une telle ferveur, d’un tel zèle, que la danse régirait son avenir. Personne ne s’affairait autant pour un misérable spectacle scolaire, si ce n’étaient les véritables épris du ballet, les fanatiques de cet art sportif.
Seraphina découvrit, en ce crépuscule fatidique, la véhémence du premier amour, les frissons sillonnant la colonne vertébrale, la chaleur fleurissant sous la pulpe. Seraphina découvrit, fiévreuse et exaltée, la parcelle manquante, la pièce complétant le mécanisme : le ballet et toutes ses ramifications.
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Un homme, niché parmi les ombres, scruta la représentation d’une oeillade brillante ; ému par l’exaltation d’un être si frêle et menu. Ses paumes s’heurtèrent frénétiquement, sa voix rocailleuse vibra entre les parois ; ovation exagérée attisant l’irritation. Mais l’inconnu ignora sciemment les réprimandes, perpétuant ses gesticulations emphatiques, soucieux d’aimanter son regard céruléen. Une idée fermement ancrée en son encéphale semblait motiver cette agitation singulière.
Cassiopée, clama t-il avec enthousiasme, un sourire courbant les lèvres, le regard chaleureux et pétillant. Ce fut la première fois qu’ils s’adressèrent la parole.
Cassiopée était une âme vagabonde, un voyageur se complaisant dans l’aspect éphémère des choses ; jamais véritablement enraciné, voguant d’horizons en horizons, chamboulant perpétuellement son quotidien. À l’instar de Seraphina, une passion zélée tressaillait au creux de ses entrailles ; celle de danser.
Topazes enfiévrés, crinière safranée ; versants identique d’une même pièce, affinité se ficelant naturellement.
Cassiopée promit de la perfectionner, de la modeler ; artiste bourgeonnant d’inspiration, sculpteur habile. Et il s’y attela avec ferveur, avec tendresse, avec émotion ; consolidant ses ailes, lustrant ses plumes, à cette enfant chétive, à cette enfant intrépide malgré tout.
Seraphina savait, un fragment d’elle même danserait toujours pour lui. Cassiopée était la figure paternelle, les bras rassurant, le sourire franc, au détriment de parents obnubilés ; deficit de billet régissant leur moindre pensée.
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Mlle. Vladislava, l’Académie de ballet Vaganova vous accueillera parmi ses élèves à la rentrée. Félicitations. Cette annonce pourtant réjouissante marqua le début des calamités.
Blâme susurré aux oreilles attentives, réprimande ponctuant son quotidien ; parents infiltrant ses pensées, parents galvanisés par la perspective d’une fille fructueuse. Par la perspective de multiple billets.
Ce n’est pas assez, Seraphina.Mais ses géniteurs ne figuraient point en tant qu’unique antagonistes ; multiples ballerines maculaient l’harmonie du tableau, compétitivité corrodant leur raison, jalousie infectant leur cervelle. Poudre de verre et réflexions fielleuses crachées entre deux cours ; trop de candidate pour un nombre limité de place, c’était à coup de crocs que l’on se forgeait une chance.
J’ai entendu dire que Seraphina suçait le prof.♡♡♡
La lettre lui parvenait à l’issue de chaque spectacle. Un admirateur secret aux vers mielleux.
Tu rayonnes.Le nombre d’auditions décroché s’amplifiait au fil des mois, tout comme l’attention braquée à son encontre ; jeune ballerine à la crinière dorée, piégeant les prunelles de ses valses raffinées.
Ta peau est si crémeuse. Bien que l’attention suscitait un certain mal être, la passion éprouvée en chaloupant sur scène subjuguait toute anxiété.
Je veux te voir.Serafina vivait un rêve. Son rêve.
Je veux t’avoir.♡♡♡
Prunelles opaques nappées de lascivité, rides zébrant l’épiderme poisseux ; il s’était glissée dans sa loge telle une ombre, silencieux et méticuleux. Tout évoquait la névrose chez cette homme cireux ; les saletés mouchetant ses habits, la barbe parsemant son menton inégalement, le jaune fardant ses dents.
Et ses mains. Ses mains où serpentaient des veines enflées, ses mains où la peau craquelait, ses mains aux ongles encrassées.
Ses mains qui empoignèrent ses épaules, ses mains qui longèrent ses courbes, ses mains qui arrachèrent ses collants.
Ses propres doigts agrippèrent sa baguette, tremblant furieusement.
Expulso.Il ne parviendra jamais à conclure son méfait.
Mais le mal était déjà fait.
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Giselle. Son ballet favori. Seraphina s’y était préparée toute sa vie.
Mais les lumières aveuglaient ses opalescences bleutées, ses jambes chancelaient sous l’anxiété ; il était là, elle le sentait, il était là.
Ses pupilles ébènes trônaient parmi la foule, s’attardant au creux de sa jupe, effleurant l’orée de son bustier. Elle le sentait sur chacune parcelle de sa pulpe, parasitant chacune de ses fibres.
Non, il n’était pas la physiquement. Il était ancrée au creux de sa cervelle, logée parmi ses réminiscences. Et elle était prisonnière de son dégoût, incarcérée par sa terreur.
Seraphina convulsa sous les regards sidérés ; nerfs chaotiques et ébranlés, larmes taillant ses pommettes rosées.
Elle ne dansera plus jamais comme avant.
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On l’expédia à Poudlard, loin du tumulte et du désordre. Mais le désordre persistait toujours au creux de son cerveau.
Sa première journée se révéla terriblement morne, si ce n'était la rencontre d’une élève singulière. Crinière diaphane, émeraudes chatoyantes, risette rassurante ;
Arya, souffla t-elle d’une voix velouté.
Arya, répéta t-elle au creux de ses pensées.
C’était un joli prénom.