[Flashback] Aux prémices des Furies | Tay - Rin

- Merci encore de m'avoir fait faire le tour de l'école !

Taylor serra vigoureusement la main de son interlocutrice en disant cela, essayant de mettre dans ce geste toute la chaleur et l'amitié qu'elle ressentait, mais ne réussissant sans doute qu'à lui engourdir les doigts. Alors que la préfète en chef s'éloignait, l'américaine continua de la fixer du regard avant de se souvenir que ce n'était pas poli. Comme ça il y avait vraiment des non-maj et des cracmols à Poudlard ? Incroyable. Elle avait entendu parler de cette nouvelle politique en vigueur avant de prendre le portoloin pour l'Angleterre mais ce n'était que maintenant que son caractère extraordinaire la frappait. Des personnes incapables de faire de la magie dans une école de magie. Quelle idée étonnante. Mais après tout, Poudlard tout entière n'était-elle pas étonnante ?
Taylor s'était émerveillée devant les carrosses apparemment tirés par le vide, le lac peuplé de vie et les tours vertigineuses du château. La cérémonie de répartition l'avait laissée dubitative – un chapeau, vraiment ? ça manquait de prestance – avant que le dit couvre-chef ne soit posé sur ses cheveux blonds et ne se mettent à murmure à l'intérieur de sa tête. GRYFFONDOR ! avait-il crié à l'assemblée en liesses et Taylor était partie rejoindre la table des lions, sans vraiment comprendre ce que cela signifiait mais déjà emportée par l'esprit de camaraderie.
Mais alors qu'elle se tenait devant la porte de sa chambre, sa robe de sorcière retombant impeccablement sur ses formes généreuses et sa cravate nouvellement colorée de rouge et d'or, Taylor savait que le plus important restait à venir. Car que représentait une vie d'internat sans colocataires ? Elle remit ses boucles blondes en place d'une main experte avant de frapper à la porte et la pousser d'un geste assuré. La première impression était souvent essentielle.
Sa salutation joyeuse mourut sur ses lèvres.
Une part d'elle se fit la remarque que les vieux murs de l'école étaient incroyablement bien isolés pour qu'elle n'ait rien entendu du chaos qui régnait à l'intérieur depuis l'autre côté du panneau de bois. L'autre part voulait juste exploser de rire.
Deux jeunes filles tentaient désespérément de repousser les assauts de Raptor qu'un inconscient avait dû laisser sortir de sa cage, dans un maelstrom de papier déchiré, de tissus colorés, de plumes et... est-ce que c'était des poupées vaudous ? Au dessus de tout ça un poster de Bob Marley contemplait la scène avec toute la sérénité et le détachement d'un moine bouddhiste et c'est lui qui l'aperçue le premier.

- Yo.
- Yo ?

De nouveaux hurlements mirent fin à cette rencontre du troisième type et Taylor s'empressa de porter secours à ses nouvelles colocataires avant que l'une d'elles ne perde un œil ou n'arrive à mettre la main sur sa baguette.

- Oh-la, ma belle ! dit-elle en attrapant délicatement sa poule de compagnie sous les ailes. Tout doux ! Est-ce une façon de faire connaissance ? Je ne crois pas non, vilaine fille. Raptor ne protesta pas mais lâcha tout de même un côt ! outré, comme pour dire « c'est elles qui ont commencé », avant de se blottir dans les bras de sa maîtresse. Je suis désolée pour son comportement, reprit cette dernière, le décalage horaire l'a fatiguée et elle est toujours un peu irritable quand son nœud est de travers.

Du bout de sa botte de cowboy rose Taylor entreprit de fouiller dans ses affaires entreposées au bout d'un des lits – son lit elle supposa – afin d'en sortir le coussin de velours de Raptor. Une fois la poule déposée et son nœud rose redressé, elle entreprit de se lisser ses rares plumes en tout en gardant un œil menaçant sur les intruses. Sans se laisser démonter, Taylor se retourna vers ses compagnes et entreprit de leurs serrer la main, chacune avec assez d'entrain pour leur engourdir le bras jusqu'à l'épaule.

- Le nom est Taylor Krystal Britney Hawkins, arrivant tout droit de l'État ensoleillé du Texas, ravie de faire votre connaissance ! J'espère que nous allons passer trois très bonnes années en compagnie les unes des autres !

Une fois qu'elle fut certaine d'avoir bien fait passer tout son enthousiasme par sa poignée de main métallique elle les relâcha. Posant ses poings sur ses hanches elle laissa son regard faire le tour de la salle, l'appréciant dans sa globalité.

- J'aime beaucoup ce que vous avait fait de l'endroit, c'est... diversifié. Juste une question. Elle pointa un doigt dans la direction de la plus grosse araignée qu'elle avait jamais vu. C'est normal l'araignée ?

Non parce que s'il fallait l'écraser ça ne la dérangeait pas, juste qu'on le lui dise quoi.

Abena. La première de ses colocataires s’appelait donc Abena, un nom qui collait parfaitement avec ses impressionnantes origines africaines largement affichées dans la chambre. Taylor sourit de plus belle, ravie de faire sa connaissance, mais quand elle se tourna vers la deuxième celle-ci était déjà repartie s'affairer de son côté de la chambre. Était-elle timide ? À moins qu'elle soit en colère que Raptor ait mis un tel bazar dans ses affaires ? C'était plausible, vue l'énergie qu'elle mettait à ranger ce qui se trouvait à côté de son lit. Taylor songea qu'il faudrait qu'elle aille s'excuser quand Abena attira à nouveau son attention. Elle décida de ne pas prendre sa première remarque comme une pique – après tout elle venait à peine d'arriver et déjà sa poule les attaquait, elles avaient le droit d'être un peu refroidies – et entreprit de la balayer d'un rire.

- Je suis en double cursus en fait, licence de droit et politique magiques et licence de sports magiques. Vous êtes en quoi vous ?

Peut-être qu'elle partageait certains cours avec l'une d'elles, Taylor l'espérait secrètement. Même si elle n'avait aucun problème à débarquer en terrain inconnu et se faire petit à petit sa place il était toujours plus agréable d'avoir au moins un visage familier dans la foule des inconnus. Le poster de Bob Marley parla à nouveau, la faisant sourire, et lui rappelant qu'elle avait elle-même toute une flopée d'affiches diverses à accrocher sur sa partie du mur. Puisque ses colocataires semblaient toutes occupées à ranger quelque chose – une lance ? pourquoi avait-elle une lance ? – Taylor entreprit de disposer ses valises sur lit pour faciliter son emménagement, jetant au passage à coup d’œil à l'araignée dont Abena lui parlait.

- Alors on restera en bons termes lui et moi.

Tant qu'il ne l'attaquait pas elle ne l'attaquerait pas non plus. Tout velu qu'il soit, Taylor n'était pas du genre à frapper la première. Elle en était encore à fixer l'arachnide du regard quand Abena mentionna ses ongles, lui faisant aussitôt effectuer un demi-tour parfait un grand sourire placardé au visage. La plupart du temps la première chose que l'on remarquait chez elle c'était son décolleté avantageux ou son bras manquant, c'était un premier départ rafraîchissant. Aussi Taylor fit deux grands pas excités dans sa direction, dans la ferme intention de prendre ses mains dans les siennes.

- Tu as remarqué ? C'est une technique que m'a apprise Miss Sorcière Nevada 2024 quand je l'ai croisée par hasard à une démonstration de produits de beauté. Est-ce que tu préfères des ongles longs ou courts ? Je vois que les tiens sont plutôt courts mais avec un sort adapté et un bon limage je peux te les faire sans soucis. Il faudra que tu regardes dans ma collection quel vernis tu préfères mais d'après la carnation de ta peau je pense qu'on peut partir sur de jolies couleurs qui feraient ressortir celles de ta tenue, qu'en penses-tu ? Des couleurs sombres sont bien sûr tout à fait envisageables également, ce sont tes doigts après tout c'est toi qui choisis !

Lâchant sa pauvre victime, Taylor se tourna vers sa seconde colocataire dont elle ne connaissait toujours pas le nom ; peut être qu'elle pouvait lui proposer de lui faire les ongles à elle aussi, en signe de paix et pour se faire pardonner des dégâts causés par Raptor. Souriante, elle était prête à enterrer la hache de guerre.

- SUCK.

Ou pas. La petite blonde se jeta sur un tas de bonbons sans rien ajouter et Taylor fronça les sourcils, un peu déçue et un peu contrariée. Tout le monde n'était pas branché maquillage, elle pouvait le comprendre, mais était-ce vraiment une raison pour exprimer son désaccord de façon aussi impolie ? Mais après tout, son animal venait bel et bien de ravager sa chambre... Prenant une grande inspiration, Taylor décida de se montrer mature et raisonnable. A sa place, peut-être que elle aussi ne serait pas si contente de voir une inconnue venir chambouler ses habitudes. Peut-être que le lit qu'elle occupait était à quelqu'un d'autre avant, quelqu'un qui lui manquait. Peut-être que le poster que Raptor avait déchiré était imp... un bruit de quelqu'un qui vomit interrompit le cours de ses pensées.
Abasourdie, cela lui prit quelques instants avant de comprendre ce qui venait de se passer, jusqu'à ce que son instinct maternel ne reprenne le dessus.

- Tout va bien sweetie ?

Taylor se précipita à ses côtés de la démarche inquiète et volontaire de celle qui a l'habitude de s'occuper des autres et ne permet pas qu'on l'en empêche. Elle posa sa main de chair sur son front, vérifiant soucieusement sa température, tandis qu'elle plaçait l'autre sur sa nuque ; la fraîcheur du métal pourrait la soulager.

- Tu n'as pas l'air d'avoir de fièvre, tu as juste dû faire une indigestion. Ce n'est pas bien de s'empiffrer de cochonneries au point de se rendre malade.

Elle réalisa un peu tard qu'elle était en train de gronder une parfaite inconnue et la libéra de son contact. Adoucie, elle s'accroupit pour être à son niveau et la regarder dans les yeux, un sourire contrit sur les lèvres.

- Désolée, je ne voulais pas te contrarier. Avec Raptor ou mon comportement.

Elle baissa son regard sur la tâche de vomi qui s'étalait devant son nez et se redressa, emportant la main de la petite blonde dans la sienne.

- Mais d'abord je propose qu'on te nettoie de tout ça. Tu devrais enlever ta chemise et ta jupe, qu'on les mette à laver, dit-elle en tirant sur un pan du vêtement. Puis, se tournant vers Abena : Vous avez des douches communes ou individuelles ici ?

Dans tous les cas, elle n'allait pas tarder à le découvrir.

Taylor ne comprenait plus grand chose à ce qu'il se passait.
Sa joie d'avoir une de ses colocataires dans sa classe n'avait été que de courte durée, aussitôt remplacée par de l'inquiétude pour la deuxième. Abena semblait furieuse, ce que Taylor trouva un peu dur au première abord avant de constater que la petite blonde n'était pas malade, juste une goinfre. Est-ce que ce genre de rejet arrivait souvent ? Souffrirait-elle d'une autre maladie, d'un genre plus psychologique ?
Son affirmation comme quoi elle l'avait fait exprès, rapidement suivit de gestes disant que non, ne fit que confirmer ses soupçons et la colère d'Abena ne lui apparut que plus insensible encore. Son visage sans expression et dénué de toute compassion ne fit que faire davantage froncer les sourcils de Taylor. Comment pouvait-elle traiter de la sorte sa colocataire qui souffrait de toute évidence d'une forme sévère de boulimie au point de ne même plus avoir le temps d'atteindre les toilettes avant de vomir ? Taylor avait maintes fois vue les ravages de cette maladie parmi ses adversaires lors de concours de beauté et elle était particulièrement sensibilisé à la cause. En bonne justicière défendant la veuve et l'orphelin elle ne pouvait pas rester sans rien dire.

- Tu pourrais te montrer un peu plus compréhensive, dit-elle en jetant un regard réprobateur à Abena, ce n'est pas facile de souffrir d'un tel trouble du comportement.

Elle en aurait bien dit plus si la petite blonde ne lui avait pas coupé l'herbe sous le pied, se présentant soudainement. Taylor ne put que lui sourire en lui serrant la main.

- J'm'appelle Eireann sinon. Eireann Finnsech O'Malley. Mais appelle-moi juste Rin.
- Enchantée Rin, dit-elle en tentant d'imiter son accent si particulier. Et oui, c'est une fausse main.

Elle remonta sa manche en rigolant, dévoilant ainsi l'étendue de sa prothèse et s'amusant des questions saugrenues qu'on lui posait. Taylor ne s'y connaissait pas assez en culture moldue pour saisir toutes les références de ses propos mais elle ne se démonta pas pour autant. Et puis, elle voulait lui changer les idées pour qu'elle arrête de penser à ses problèmes de santé.

- Je ne crois pas avoir besoin d'arme à feu puisque j'ai déjà une baguette magique, mais il peut recopier les cours automatiquement et capter toutes les radios du monde. Plus important, ça fait toujours son petit effet quand les gens me serrent la main et qu'elle leur reste... entre les mains.

Aussitôt dit aussitôt fait, Taylor décrocha sa prothèse qu'elle abandonna à Rin, observant sa réaction tandis qu'elle-même riait aux éclats. Elle ne s'en lasserait jamais.
La laissant se débrouiller avec la main de fer qui ne voulait pas la lâcher, Taylor en profita pour se rapprocher discrètement d'Abena.

- Est-ce qu'elle voit un psychologue ou un nutritionniste pour tenter de se soigner ?

Elle pouvait difficilement être plus à côté de la plaque.

La conversation qu'elle avait voulu bienveillante tourna, de façon soudaine et imprévue, très mal. Vraiment très mal.
Abena était de toute évidence énervée et lui criait dessus tandis que Rin, trop absorbée par la prothèse, n'émergea de sa transe que pour en entendre la fin. Taylor ne comprenait pas comment ses propos avaient pu provoquer une telle éruption de colère chez sa colocataire, ni comment celle-ci pouvait faire montre d'aussi peu d'empathie. Et pourquoi est-ce qu'elle revenait toujours au sujet des friandises ? Qu'est-ce que les friandises avaient à voir avec ce qu'il venait de se produire ?
Abena avait l'air furieuse, Rin avait l'air attristée et Taylor était perdue. Mais elle n'était pas femme à se laisser submerger par les événements, ni à abandonner un mystère tout juste entamé. Alors que ses colocataires retournaient chacune à leurs occupations, de toute évidence décidées à laisser la discussion où elle en était, Taylor planta ses poings sur ses hanches et pris une lente inspiration.

- Quel est le rapport avec les bonbons ? Je ne comprends pas.

Le meilleur moyen de lever une incompréhension était encore l'honnêteté, elle en était persuadée.

- J'ai été témoin de nombreuses scènes comme celle de ce soir dans les coulisses de concours de beauté ; des accès de goinfreries suivis de vomissements incontrôlés, et ils ont toujours été causés par des stades plus ou moins avancés de boulimie.

Elle parlait avec sa main restante, accompagnant ses propos de larges gestes expressifs. Prise par l'emphase du moment, Taylor ne put s'empêcher de se tourner vers Abena en levant un doigt autoritaire avant de reprendre.

- Et il n'y a aucune, je dis bien aucune, honte à avoir besoin de l'aide de docteurs pour surmonter cette maladie. Il est même très important pour de se faire aider.

Il n'y avait rien d'insultant ou de méprisant dans sa suggestion d'aller voir un psychologue et Taylor tenait à ce que ce point soit parfaitement clair. Retournant à ses moutons, elle finit en désignant à nouveau les restes de dragées éparpillées au sol.

- Du coup, quel est le rapport avec ces bonbons ?

Taylor ne pouvait pas imaginer qu'ils étaient mauvais au point de faire vomir quelqu'un – honnêtement, qui apprécierait des friandises pareilles ? comment pourraient-elles ne serait-ce que se vendre ? – aussi ne voyait-elle pas d'autre explication que la boulimie au comportement de Rin. Mais pas pure curiosité, elle se pencha néanmoins pour ramasser une dragée égarée près de ses pieds et la mangea avant que quiconque puisse faire quoique ce soit pour la stopper.
Glup.