j'ai le souvenir de ta main dans la mienne.
de ta chaleur, du soupire de ta voix contre ma peau quand tu me disais que de ton royaume j'étais reine. j'ai le souvenir de te serrer contre moi, d'entendre les éclats de tes sonorités que chaque jour je me surprenais à redécouvrir, tomber un peu plus à chaque seconde amoureuse de toi à en courir, loin, la peur au ventre de ces sentiments que j'ai dû garder en moi si longtemps. la peur de ne pas être décente, de perdre l'amitié qu'on avait plantée et faite grandir. j'ai pris l'arrosoir de tes sentiments et je l'ai chéri autant que j'ai pu, voulant le préserver de mes desseins déments. j'ai glissé, pourtant, en une soirée au vent frais, calées devant la cheminée, que je t'aimais. j'ai voulu voir une fleur grandir en notre nom, prête à ce que tu en arraches les racines mais tu m'as offert en retour une douceur assassine. je me souviens, j'ai cru que tu serais sienne et qu'il deviendrait tient, à ce garçon dont je ne sais plus le nom et qui a voulu piétiner notre jardin. je me suis précipitée dans le feuillage de mes mots, quand tu m'as demandé pourquoi tu ne devrais quitter notre hameau. j'ai murmuré, tête basse pour la première fois de mon histoire, un peu honteuse et gênée, le coeur atrophié, que l'amour que j'avais pour toi planté était bien plus beau.

et dans ton sourire,
j'ai vu des prairies entières fleurir.

dans la main qui est venue quérir la mienne j'ai senti le printemps et l'été sur tes joues brûlantes d'une chaleur estivale. j'ai tant rêvé de cet instant qu'il m'a semblé oasis au milieu du désert aride que je pensais traverser. je crois que sur mes joues se sont déversées en silence ou dans un éclat de rire quelques averses légères d'une joie que je n'ai connue qu'avec toi et qui fut tout aussi passagère. je t'ai vue grandir et je t'ai voulue éternelle mais je n'ai jamais rien connu de plus éphémère que le papillon de nos émois. on lui a cramé les ailes, pour sûr, mais putain, qu'est-ce qu'elles étaient belles. dans leurs cendres, j'y ai vu ton côté éclipse comme le mien, perdus dans la valse de nos lippes et de nos poings. et le pire, c'est que de mes sentiments je ne regrette rien.

et si demain je venais à vivre,
à revoir ta silhouette et entendre ton rire
pour sûr, je sais que je reviendrais
admirer tes pétales fleurir
(pour sûrement à nouveau les arracher
à nous en faire mourir)

je crois que je n'ai jamais vu plus beau que les bleus que j'ai peint sur ta peau. la rage que tu passais sur la mienne et tes sanglots qui berçaient nos nuits, les cicatrices nées par ma faute et que j'ai de tant nombreuses fois embrassées alors que tu t'en excusais, sachant que ce n'était pas en faisant couler de la sève que le printemps reviendrait.

je me souviens de ce dernier baiser
que je t'ai jamais pris,
parce que tous les dahlias de notre jardin
étaient déjà partis.
qu'il n'y avait plus de graines à planter, de terre à fraîchir et de plantes à cueillir et

dis-moi, au juste
quand les amours si tendres du printemps
sont devenues un orage incessant
dans l'automne si injuste ?

je ne rêvais dans cette verdure que de faire pousser ton bonheur mais je me souviens si peu de tes rires et si bien de tes pleurs - je me dis au fond, parfois, que tout n'était qu'une erreur.

chaque année, je reviens
admirer du haut de la tour
où j'ai pris mon envol,
le sommet de notre jardin.

plus rien ne pousse, plus rien ne fleurit, plus rien ne flétrit plus rien n'est

ici

comme s'il n'y avait jamais eu nos rires, nos pleurs et tout l'amour qui nous a brûlées, je crois que c'est bien ce qui, chaque année, à cette date, me donne à nouveau envie de sauter. pourtant je sais que tu ne viendras plus, que tu n'as plus de raisons, que l'amour a pris son dernier souffle quand on t'a mis la bague au doigt et qu'il n'y a derrière

plus que moi
qui ne peut rien faire
à part repenser
chaque jour
chaque année
en cette soirée d'été





à aller voir
les dahlias noirs
que j'ai tant aimés.






(j'ai passé une année de plus à t'aimer
à faire saigner
mon coeur brisé)