BUT GREATNESS IS MY VISION ❦ Jamal était le troisième fils du très respecté Membaye Taha Loongo ; directeur de l’école de magie Uagadou en Ouganda, éminent génie de diplomatie ayant réussi à y maintenir la paix depuis 1990 malgré les nombreux défis à relever qu’imposait tel challenge.
Membaye était un homme au cœur bon mais un bien piètre parent ; il exigeait de sa progéniture rien de moins que
l’excellence, persuadé qu’être sévère et strict avec ses enfants les pousseraient à faire les meilleures choses dans la vie. Et malheureusement, avec le décès de sa femme Aminata suite à l’accouchement éprouvant de leur dernière enfant –et unique fille– Assa, il n’y avait personne pour l’aider à prendre du recul sur les choix de vie qu’il leur imposait.
L’aîné
Mahdi, était l’enfant modèle –à peine sortie de l’école il décrochait déjà un poste de stagiaire au Ministère de la Magie britannique au département de la coopération magique internationale ; une place de choix pour laquelle son père avait usé de son nom, prédisant que son fils sera un futur élément clé à l’édifice de la coopération magique du monde entier.
Le cadet
Ousmane, était plus chahuteur et défiant des règles mais d’une audace, d’un talent et d’une vivacité d’esprit sans nom ; premier de sa promotion à devenir un animagus au bout de seulement un seul et unique essai. Non sans surprise, il était destiné à devenir le plus éminent des professeurs de métamorphose à Uagadou et il évinça le même professeur qui lui avait tout appris dès sa sortie de l’école.
Assa, la petite dernière, beaucoup plus jeune que ses frères, était elle aussi côté d’un talent inné pour la magie ainsi que d’un fort caractère qui l’empêchait de se laisser marcher sur les pieds –cela causait bien des problèmes à son père qui se félicitait d’avoir une femme forte en guise de fille mais qui d’un même temps voyait ses idéaux conservateurs de féminité douce et silencieuse bien malmenés par la fougue de l’enfant rebelle.
Son engeance aurait parfaite s’il n’y avait pas eu une seule tache au tableau.
Jamal –le fils raté.Moins doué qu’Ousmane, moins vif que Mahdi, et même moins imposant qu’Assa socialement car ce qu’il manquait en prouesses il tentait éperdument de le compenser en obéissance et en travail acharné pour rendre son père aussi fier que ses frères avaient pu le faire avant lui.
Mais malgré tout ce qu’il avait pu sacrifier de lui-même –une vie sociale et amoureuse, du temps libre pour se trouver une passion et profiter de son adolescence, ses propres sentiments qu’il réprimait systématiquement pour en pas être l’enfant incapable de se maîtriser en plus d’être l’enfant raté– il restait la déception de Membaye qui, par amour paternel maladroit et égoïsme assourdissant, n’avait de cesse d’exiger toujours plus de lui.
Rien n’était jamais assez.À vingt ans, Jamal était polyglotte et parlait couramment une vingtaine de langues communes, et une dizaine de langues magiques –anciennes et modernes. Il avait étudié la magie blanche, la magie noire, le vaudou, le chamanisme de toutes sortes, le druidisme et était devenu un Däbtära certifié par un maître éthiopien qui lui avait tout enseigné en parallèle de tous ses autres cours, et ce depuis l’âge de douze ans.
Mais Jamal, n’était jamais parvenu à devenir Animagus ; et Membaye ne savait souffrir l’échec, peut importe les autres victoires. Alors il lui refusa la seule et unique chose que Jamal avait osé lui demander de toute sa vie, et donna le poste de professeur qu’il convoitait à quelqu’un d’autre.
« Reviens me voir quand tu seras enfin un homme, fils. »
❦ ❦ ❦ ❦ ❦Il avait quitté sa famille
et Uagadou
et le pays tout entier.Laissant enfin sa colère et sa frustration s’exprimer, s’autorisant enfin le droit de céder à la pression, de ressentir des émotions –vingt ans de refoulement ça laissait des traces indélébiles à l’intérieur du cœur et pour la première fois Jamal se laissait enfin à vivre comme il l’entendait
ou presque.Toujours motivé par la réussite, mais cette fois dans l’espoir de prouver sa valeur à celui qui avait toujours fait l’aveugle devant lui, et plus dans l’espoir perdu de le rendre fier de lui –l’enfant demandeur d’attention était mort et enterré et c’était enfin l’adulte indépendant qui s’épanouissait hors de sa coquille. Pour s’éloigner le plus possible de sa famille, et réfléchir à son avenir, Jamal avait utilisé l’argent qui lui revenait de droit depuis sa majorité pour se payer hôtels et avions, portoloins et valises enchantées capables de l’abriter en cas de besoin. Il n’avait de comptes à rendre à personne, et se lança dans un tour du monde en solitaire qui lui apprit plus de choses en quelques mois que tous ses professeurs en une dizaine d’années.
La nuit de ses vingt-cinq ans, durant un soir d’orage, Jamal parvint enfin à devenir l’Animagus que son père avait toujours voulu qu’il soit.
La différence était que cette fois, c’était pour lui-même qu’il l’avait fait, et personne d’autre.
Son voyage s’éternisait ; il ne gardait contact régulièrement qu’avec Assa et se contentait d’envoyer une lettre par semestre au reste de sa famille.
Dix ans étaient passés à une vitesse ahurissante aux quatre coins du monde, ponctués très occasionnellement de retours brefs à la maison pour un anniversaire ou une autre occasion du genre.
Mais la lettre qu’Assa lui avait envoyé était différente cette fois, et l’urgence se lisait dans la précipitation qui faisait trembler les lettres couchées sur le papier.
« Quelque chose va se passer, il faut que tu rentres au plus vite. »
Alors Jamal décida de rentrer.