fight like a woman | JAMAL

Cela faisait déjà une semaine que Jamal avait réussit l’exploit qu’était de convaincre Orphan Scamander à l’embaucher en remplacement du professeur Holmes. Il commençait tout juste à prendre ses marques et ses repères dans ce nouveau rôle qu’il n’avait jamais encore endossé auparavant, à apprendre les visages et les noms de chaque personne qui croisait son chemin dans cette ruche grouillante qu’était Poudlard.
Mais il ne s’inquiétait pas trop à ce sujet ; avec ses voyages, il avait appris à retenir les noms et les visages plus rapidement qu’en vingt ans passés dans l’enceinte montagneuse d’Uagadou.

Il était venu se poser quelques instants dans la pièce qui servait de salle des professeurs –c’était le premier coin calme à cette heure de la journée qui lui était venu à l’esprit– pour profiter d’un trou dans son emploi du temps et écrire la lettre qu’il avait brûlé d’écrire à son père depuis qu’il avait signé le contrat de travail que le directeur de Poudlard lui avait donné.
J’ai réussi là où toujours tu me voyais échouer.

Concentré sur la tournure de ses phrases, pleines de fierté et de sel à la fois, il ne sourcilla pas quand la voix de sa collègue résonna dans la pièce, trop bruyamment pour ne pas être une pique directe au seul homme présent dans la salle –lui-même.
Jamal avait l’habitude des critiques ; il avait grandit en se forgeant une carapace d’acier trempé autour du cœur dans l’espoir de ne plus les laisser entailler sa chaire plus profondément que nécessaire.
Jamal savait aussi aussi ménager ses effets ; dans un silence de plomb et sans lever une seule fois le regard vers la professeure d’astronomie, il laissa plusieurs longues secondes s’écouler le temps de mettre le point final sur le parchemin qu’il plia ensuite en quatre pour le glisser dans une enveloppe qui terminera sa course, d’ici la fin de la journée, accrochée à l’une des serres de son hibou, direction toute vers Uagadou.

« Vous semblez avoir quelque chose de bien pesant sur le cœur, mademoiselle Ypsilàntis, fit-il d’un ton calme en scellant l’enveloppe. Une fois la lettre rangée dans la poche intérieur de sa veste, il daigna enfin lever vers la jeune femme un regard neutre de toute expression, bonne ou mauvaise. Je préfère qu’on me critique en face plutôt que dans le dos donc je vous en prie, dites-moi ce qui ne va pas. »

Un sourire poli s’étira sur ses lippes dont l’un des coins marquait un pli légèrement amusé.

La première réponse de la professeure d’astronomie eu le don de prendre Jamal de cours et le laisser pour le moins béat. Il n’avait jamais pensé que ce simple mot pouvait être offensant –probablement car en tant qu’homme, il n’avait jamais eu à porter des appellations différentes en fonction de son soit-disant statut marital, ce qui, en y repensant, semblait effectivement injuste.
Il la laissa néanmoins continuer sans l’interrompre. Son instinct lui disait qu’elle risquait de ne pas apprécier la chose, même si c’était dans le but de s’excuser qu’il le faisait –et Jamal avait suffisamment été traumatisé par Wanda Dujanga lors de ces années étudiantes qui avait le don de terrifier tous les élèves qui avaient le malheur d’interrompre une femme en train de parler, et depuis cela lui était resté fermement collé à la peau.

« Si vous y tenez. Je m’interrogeais sur la décision de Scamander, celle de vous embaucher, qu’il a prise en si peu de temps. »

Elle s’approchait de lui en prononçant ces mots, et le sourire narquois qu’elle affichait ostensiblement lui sembla bien trop outrancier pour ne pas être lourd de sentiments plus amers, cachés sous la carapace d’insolence –Jamal n’avait pas besoin d’être psychologue pour le remarquer.
Mais ce n’était pas parce qu’il était doué de compréhension qu’il acceptait qu’on lui manque de respect pour autant.

« À sa place, j’aurais attendu que vous fassiez vos preuves. Je veux dire, autre que faire une irruption fracassante dans la grande salle à travers un mystérieux portail, sous une forme qui n’est pas l’originale. Scamander est dépassé par les évènements, il a tendance à se laisser facilement impressionner, même si ça n’en vaut pas la peine.
— C’est drôle, ce n’est pas du tout l’impression qu’il m’a donné lorsqu’il m’a attaqué par surprise dans son bureau pour me tester, répondit Jamal avec toujours autant de calme, mais un sourire tout aussi narquois sur le visage. Heureusement pour moi que vous n’êtes pas directrice de l’école. »

Jamal se pencha sur son bureau en posant les coudes dessus pour plus de confort, et son sourire se fit moins acerbe quand il se rappela qu’il ne s’était toujours pas excusé.

« Je vous demande néanmoins de bien vouloir m’excuser pour tout à l’heure, je n’avais pas dans l’intention de vous offenser, Madame Ypsilàntis. Il m’a toujours semblé plus poli en anglais de s’adresser à une femme avec le terme ‘mademoiselle’ mais j’imagine m’être trompé, j’en suis navré. »

Jamal après tout, ne souhaitait que de bien s’entendre avec ses collègues pour que les murs de l’éducation lui soient plus chaleureux que du temps où il était lui-même élève.

« Je les accepte. »

Jamal se voyait rassuré ; sa faute avait été pardonnée, et il pouvait désormais défendre sa légitimité sans craindre de passer pour quelqu’un qu’il n’était pas.
Devoir se justifier lui posait problème dans le principe ; il ne devait rien à personne et ne voyait pas pour quelles raisons lui devait fournir des explications quant à son embauche récente et pas les autres professeurs. Mais d’un autre côté, il sentait de la colère et de la frustration chez sa collègue, et se disait qu’elle avait probablement des raisons personnelles et douloureuses pour éprouver pareille animosité envers quelqu’un qu’elle ne connaissait pas.
Jamal n’aimait pas alimenter les conflits quand il sentait qu’il pouvait y avoir meilleure conclusion –et c’était le cas avec la professeure d’astronomie.

« Pardonnez-moi à mon tour, je me suis permise de lancer les hostilités sans que n’ayons officiellement été présentés. Calypso. Comme ça, vous ne vous tromperez plus entre Madame et Mademoiselle.
— Enchanté Calypso, fit-il en serrant la main qu’elle lui tendait, brièvement mais avec sincérité. Vous pouvez m’appeler Jamal également, comme ça vous pourrez vous pourrez vous adresser directement à moi si vous avez d’autres critiques à me faire entendre. »

La pique en référence au début de leur échange était voulue, mais son sourire et son ton narquois disaient qu’il ne lui en tenait déjà plus rigueur.

« Je ne sais pas si cela vous rassure ou non mais si j’admet que mon intégration au corps enseignant a été décidée très vite, j’ai quand même subit l’entretien d’embauche de Scamander comme n’importe qui d’autre –avec questions pièges, legilimancie désagréable et j’en passe. Les circonstances ont fait que je me trouvais au bon endroit au bon moment et qu’il fallait vite quelqu’un pour remplacer monsieur Holmes en cette période mouvementée qui plus est, voilà tout. »

Il avait beau garder beaucoup de réserve dans son jugement du directeur et qu’il savait ne pas pouvoir lui faire pleinement confiance, il ne pensait pas qu’il était le genre d’homme à embaucher quelqu’un sous ses ordres en ne se basant que sur un nom de famille un peu célèbre ou une autre chose superficielle du genre. Qu’il soit le fils du directeur de Uagadou n’y avait sûrement rien changé, et Jamal voulait croire que c’était ses compétences qui avaient convaincues Orphan.

« J’espère en tout cas avoir été pris pour mes qualités et pas autre choses, mais je vois mal Scamander engager des incompétents dans son école, vu son exigence… »