Wake me up before you go go | Ethan

Ma réponse coulait de source, je savais comment je voulais que ça se produise, si ça devait arriver. C'était simplement étrange d'en parler à haute voix, de confier cette partie de mes réflexions à quelqu'un d'autre. Ça me menait à toutes sortes d'autres idées que j'avais en tête, prévoyance et craintes qui avaient meilleure allure sous la forme d'un secret. Pour moi, la question était si profonde, si nuancée, que la question d'Argus, toute bête, était une surprise. Alors, c'est quand même un truc que tu envisages, sur le long terme ? Je demeurai un instant interdit, incertain. Dis comme ça...

« Peut-être bien. »

Moi-même j'en avais presque des vertiges et pourtant je n'étais pas convaincu. Enfin, ça méritait réflexion... Je crois ? C'était un sujet si délicat. Est-ce que je l'envisageais vraiment ? Si oui, est-ce que je voulais vraiment qu'on le sache ? Est-ce que les gens prendraient leurs distances ? Ils devraient, au fond. Pourquoi avais-je répondu si vite ? Peut-être parce qu'autrement j'aurais pu mettre une éternité à mettre mes pensées en ordre à ce sujet.

« Enfin, pas que j'en aie envie. Bertram essaie de m'aider à contrôler tout ça, mais... Je sais pas. »

Ce n'est pas bien le mensonge, Ethan. Je savais très bien que je n'avais pas dit la vérité, qu'au fond j'en savais plus que j'en avais dit. Pas assez pour offrir une réponse définitive, mais assez pour savoir que ça ne couvrait pas la moitié de mes sentiments sur la question. Parce que, si ça arrivait, que je faisais du mal à quelqu'un, alors comment pourrais-je continuer de vivre, de me regarder dans le miroir, de ne pas sombrer dans une haine profonde de ma personne ? Au moins si j'arrivais à en faire quelque chose de positif, si mordre quelqu'un pour boire son sang pouvait être considéré comme telle alors peut-être, qui sait, réussirais-je à plus facilement accepter qui j'étais ? À réaliser que je pouvais avoir le contrôle sur mes décisions, sur la façon dont je décidais de me nourrir. Et que ça n'avait pas besoin de guider ma vie. Ouais, répondre je sais pas était quand même infiniment plus facile.

Du point de vue de mon ami, les choses semblaient plus simples. Forcément, il n'avait à y penser que dans le cadre de l'expérience humaine, comparant cela à d'autres activités qui, similairement, se pratiquaient dans l'intimité. En fait, tu te préserves pour la bonne personne. Je me renfrognai. Il n'avait pas nécessairement tort, mais mon estime de ma personne, et de ce que j'étais, n'était pas suffisante pour que je m'empêche de rouspéter au moins un peu.

« Tu dois vraiment revoir ta définition de mignon ! Bien qu'au fond ouais, je suppose que l'on peut dire que c'est ça... J'attends la bonne personne. »

J'avais répété ces derniers mots plus pour moi-même que pour réitérer son point. Peut-être était-ce plus vrai qu'il n'y semblait ? Peut-être attendais-je la bonne personne pour m'aider à accepter ma condition, ma nature ? Sauf que ce ne serait pas sain, de dépendre de quelqu'un d'autre pour mon acceptation de moi. Ce serait tellement plus facile, tellement plus immature, mais à partir du moment où j'avais assez de recul pour réaliser que ça causerait du tort à une personne potentiellement précieuse, je m'interdisais les solutions égoïstes. Ma vie aurait été tellement plus facile si j'avais eu seulement un peu moins d'intégrité.

« Ouais t'as raison, assez parlé de moi. C'est l'heure de mon cours privé d'astronomie. »