"Brick by brick we'll take it all. The higher the throne, the further the fall. Gravity will finish what we started."
Tu as pris le chemin de Pré-au-Lard.
Rentrant pour les fêtes, Aegaeon t’attendait là bas comme bien souvent. Tu n’as eu le droit, pas plus de deux fois, de fêter Noël à l’école, sans compter les deux années au Japon, où bien entendu tu n’es pas rentré. Pour la dernière fois, tu as attendu le plus longtemps possible, le jour du réveillon. Alors que le soleil disparaît déjà au loin, se noyant dans les eaux profondes du Lac Noir. Tu sais que tu arriveras juste à temps, déjà douché, tu n’auras plus qu’à enfiler le costume qu’on t’aura choisi pour la soirée. C’est là que tout te semble étrange, on ne t’a jamais laissé ou très peu le choix durant toute ta vie et un jour, cela sera à toi de prendre toutes ces décisions plus farfelues les unes que les autres. Tu n’es pas prêt et à la fois, il te tarde. Il te tarde Felix, de ne plus ressentir cette ascendance sur toi.
Aegeon est là, il t’accueille avec son sourire vampirique et tu souris toi aussi. Il reste la personne qui a montré le plus de tendresse à ton égard dans ce manoir. Il a donc ta reconnaissance et bien entendu ton plus profond respect.
Tu t’installes dans la voiture et lui, juste en face de toi. Elle décolle et tu sais que vous ne mettrez pas longtemps à arriver à Hyperion. Vous n’échangez que des banalités, sur la météo et notamment sur ce qu’il s’est produit avec le portail vers Uagadou. Il te demande pour tes études, mais plus comme un parent le ferait, pour s’assurer, car Aegaeon sait que tout ce passe bien.
Ce n’est qu’en gravissant les marches menant à l’entrée, qu’une question bien intéressante te traverse l’esprit. Cessant d’avancer, le regard vermeille du vampire se pose sur toi. Tu comprends que vous n’êtes pas en avance et que tes caprices font toujours autant hurler Ramsay ; tant mieux. Ta bouche s’ouvre Felix et tu fais un pas en avant.
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Peut-être qu’un jour, tu me diras pourquoi un vampire de ton âge… bien que je n’ai pas la moindre idée de l’âge que tu as, sert une famille de sorciers depuis plus de trois-cent ans ?Aegaeon sourit et esquissa un haussement d’épaules. Mouvement qui te surprit quelque peu, généralement Felix, c’est toi qui hausse des épaules, non pas le serviteur si bien éduqué qu’il est. Son regard se baissa, mais son sourire demeura intact.
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Cela fait cent-cinquante ans que personne ne m’a posé cette question monsieur.Tu restes prostré.
Peut-être profondément choqué par cette réponse. Personne, en cent-cinquante ans… tu comprends que pas une seule âme résident dans ce foutu château ne sait et ne souhaite semble-t-il, savoir pourquoi. Le vampire te sourit à nouveau et tu fais signe de la main, d’avancer et d’entrer, car il tient la porte. Tu te presses et t’excuses une fois dans le hall.
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Quelqu’un comme vous n’a pas à s’excuser ; puis-je me permettre de vous conseiller de monter vous changer ? Vous connaissez Sir Ramsay…▬
Que trop bien… Un soupire t’échappe.
Aegaeon, pourras-tu me raconter ton histoire ?▬
Bien sûr, en temps voulu, je le ferais monsieur.Tu acquiesces Felix et monte jusqu’à tes appartements, pas plus surpris que cela de ne croiser personne.
Légèrement en retard, notamment à cause de tes cheveux qui ne daignent pas rester fixés sur ton crâne, tu arrives un peu précipitamment dans la salle à manger. Ouvrant la bouche pour t’excuser, tu t’arrêtes, constatant que tu es seul. C’est comme si pour la première fois depuis que tu es arrivé, tu te rendais enfin compte du silence qui règne en ces lieux. C’est si rare à Noël. C’est si… inhabituel. D’un pas lent, tu avances jusqu’à la table et constates que le couvert n’est mis que pour trois. La place de Ramsay en bout, la tienne à sa droite et une en face de toi. Tu étais si intrigué, que tu n’as pas entendu Aegaeon arriver. Quand il tira la chaise de ton grand-père, tu sursautas. Le vampire se décala et là, tu ouvris si grand la bouche, que tu manquas d’en perdre la mâchoire inférieure.
Il était là, les cheveux vaguement coiffés, en robe de chambre, la mine grise et… il te semblait si faible que tu en eux le souffle coupé. Ramsay s’installa et fini par lever les yeux vers toi. Le bleu cristallin de son regard n’était lui pas différent, toujours aussi vif et perçant.
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Comptes-tu t’ébahir encore longtemps face à la vieillesse flagrante d’un homme Morpheús ?Les mots étaient les mêmes : narquois et durs, mais sa voix restait moins forte. La flamme s’éteignait et tu n’en as jamais autant eu pris conscience que ce soir. Rapidement, tu t’installas et alors qu’Aegaeon allait bouger, Ramsay le stoppa, lui apprenant que la troisième assiette qu’il avait commandé était la sienne. Le vampire et toi, avaient échangés un regard des plus surpris, mais face à l’insistance du regard du maître de maison, le serviteur s’assit… ne préférant sûrement pas préciser que la seule chose dont il se nourrissait était liquide, rouge et de préférence à trente-sept degrés.
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Qu’avez-vous ?L’inquiétude était palpable dans ta voix. Tu avais bien reçu cette lettre de ta grand-mère il y a de cela presque deux mois, mais… ton grand-père était aussi riche de Crésus, si ce n’est pas plus, il pouvait faire venir tous les médicomages les plus renommés : alors pourquoi il te semblait que sa vie ne tenait plus qu’à un fil ?
Un rire échappa à Ramsay et il se mit à tousser.
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Serais-ce de la peur que je perçois dans ta voix ? Ne la montre jamais Morpheús, plus jamais. Tu déglutis, il était toujours aussi flippant.
Ils ne savent pas et je dois avouer que je suis fatigué de tous les voir graviter tel des mouches autour de moi.▬
C’est leur métier d’essayer de vous sauver.Tu fronces les sourcils Felix.
Cela ne ressemble pas à ton grand-père de se laisser crever, d’abandonner aussi facilement… à vrai dire, tu ne l’as jamais vu perdre et encore moins, ployer et baisser les bras. Son regard se plante dans le tien.
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Ils ne peuvent pas, c’est trop enraciné et je le répète, ils en savent trop peu. La seule chose qu’ils font, c’est essayer tant bien que mal de me donner du temps, mais à quel prix ? Je reste en vie et je me décrépite, il n’est pas question que je parte ainsi !Tu le reconnais bien là ; ne pas vouloir finir comme un débris. Il veut s’en aller avec la même fierté qui l’a suivie tout au long de sa vie. Tu trouverais ça beau si seulement il n’avait pas été aussi odieux avec toi, si seulement cela ne voulait pas dire que tu devais prendre sa place… Tu as le souffle court Felix, les yeux écarquillé et pourtant, tu demandes :
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Combien de temps ?▬
Deux à trois semaines sans le traitement.Tes yeux se décalent vers Aegaeon assit en face de toi. Tu es cramponné à la table Felix, la boule au ventre. Tu seras de retour à l’école dans deux à trois semaines, ton année sera à six mois d’être finie et… tu deviendras patriarche.
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Tu es prêt.▬
Non, loin de là.▬
Tu te mens à toi-même Morpheús. Tu es juste incapable d’être pleinement toi, tu refoules tout ce que tu as appris dans le seul but de ne montrer que ta différence. Oui, tu es différent de bien des Gaunt et de bien des sang-purs, mais tu ne peux pas le nier, tu en es un aussi.▬
NON !Tu t’es levé d’un seul coup.
Toute ta vie il t’a laissé pensé que tu pouvais être un foutu bâtard qu’on a gardé, mais non, non, comme s’il avait toujours su, tu es le sang-pur qu’il désirait, l’hérité qu’il voulait, alors que toi tu ne veux rien et tu ne l’a pas demandé. Ramsay s’enfonce un peu plus dans son siège, te jugeant de son regard inquisiteur. C’est comme s’il arrivait à te regarder de haut, en étant assit, alors que toi tu es debout. Instinctivement, tu tentes de mettre en pratique ce que tu as appris avec Fenry, bloquer ton esprit. Un rire lui échappe.
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Je vois que tu t’entraînes à devenir occlumens, c’est bien, mais pas encore assez et sache que je n’ai pas besoin de cela pour savoir. Rassis-toi Morpheús, tu as passé l’âge de jouer à l’enfant rebelle, soit l’adulte qui écoute ses aînés, car bientôt… tu seras seul et plus personne ne seras là pour t’épauler.▬
Je ne serais jamais seul contrairement à vous. Il ricane une nouvelle fois et tu te ré-installe.
Je vous écoutes, que savez-vous ?▬
Ta mère est une brillante occlumens, elle a toujours été brillante… elle m’a rendue si fier contrairement à ses frères et…▬
C’est parce que vous étiez si fier d’elle que vous l’avez exilé ?Les bras croisés sur le torse, tu le défies du regard.
Il te foudroie avec le sien. Le couper était un affront des plus graves et tu le sais très bien Felix, pourtant tu l’as fait. Il va probablement te faire vivre le pire Noël de toute ta vie, en guise d’adieu, autant que cela ne soit pas une partie de plaisir pour lui non plus.
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J’ose espérer qu’un jour tu apprendras à te taire et à attendre, car tout finit par arriver à ceux qui savent se montrer patient.Un sourire mauvais étire les lèvres de Ramsay.
Une nouvelle leçon de morale, encore une…
Tu n’as qu’une envie, te lever et partir, pourtant tu saisie à quel point cette conversation est importante ; tu as trop peur qu’il meurt sans tout t’avoir dit et cela t’effraie bien plus que tu ne le montre. Tu comprends aussi, que pendant si longtemps, tu as cru que c’était Morpheús qui fuyait, mais non, c’était Felix. Ce n’est pas Morpheús qui bafoue les sang-purs, mais Felix… Trop perdu dans tes pensées, tu ne cherche plus du tout à le couper et tu préfères même l’écouter parler.
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Je sais que ton père est Felix Priam Avery, le grand amour de ta mère. C’était une fierté, autant pour sa famille que pour moi, pas de mariage à arranger, ils s’aimaient d’un amour fou et… il s’est fait mordre par un loup-garou. Ils étaient fraîchement mariés, mais comment faire ? Aucune des deux familles ne pouvaient tolérer la possibilité que le gène de loup se déclenche chez un des enfants, bien que cela soit d’une très grande rareté avec un seul parent porteur. Leur amour plus fort que le reste, ils ont fuit. Nous les avons cherché, pendant un temps incalculable, mais Pearl s’est toujours montré très douée dans les sortilèges de dissimulation. Il reprend son souffle avant de poursuivre.
Peut-être étais-tu dans son ventre avant le drame, cela seule ta mère le sait… mais la matriarche Avery et moi étions certains d’une chose : ils avaient fuit, rien ne les empêchaient de vivre et de fonder une famille. Charlie et moi avons donc conclu un pacte. Tu te redresse Felix, captivé par ce qu’il te dit.
Les enfants de sexe féminin prendraient le nom d’Avery et ceux de sexe masculin, celui de Gaunt. Personne n’était au courant à l’exception de…▬
Vous saviez et pourtant… vous avez été infect avec moi, j’espère que vous en avez conscience !La colère gronde en toi, elle te ravage.
Tu n’aurais jamais pu être un Avery, à cause d’un putain de pacte à la con car ta mère et ton père avaient pris la fuite. Ils voulaient juste être ensembles, vivre ensemble. Les larmes roulent sur ton visage et Ramsay ne sourit plus, il ne se met à pas non plus à rire. Aegaeon ne cligne même plus des yeux.
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Je le sais et je me le devais. Provoquer la possible bête qu’il y avait en toi, vérifier que tu étais nor…▬
J’aurais voulu l’être ! Avoir la satisfaction de me transformer pour vous déchiqueter dans la cave ! Arracher chaque bout de votre chair infâme ! Ton poing s’abat sur la table.
Dites-moi pourquoi l’enfant de Pearl Gaunt et Felix Avery était si important pour que vous vous donniez tous autant de peine ?! Il y a forcément une raison pour que vous ayez pris un risque si grand ! JE VEUX LE SAVOIR ! MAINTENANT !Instinctivement, tu as sortie ta baguette de la poche dans laquelle elle se trouve dans ta veste de costume et tu la pointes en direction de ton grand-père. Pendant un instant, tu te demandes si tu aurais le cran de le faire et surtout, est-ce que ta baguette te laissera faire ?
Tu allais le presser de parler, au moment même où ses lèvres se sont entrouvertes.
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L’amour véritable, tout simplement. La réponse te laisse pantois et il s’en rend bien compte, alors il poursuit.
Les sang-purs ne font pas des mariages d’amour, ou très rarement, là c’était différent et l’amour est une magie très ancienne, relevant de la Vieille Magie elle-même. Aucun chef de famille n’aurait abandonné un enfant issu d’une union aussi rare.▬
Vous m’avez brisé pour des idéaux ?!▬
Non, je t’ai forgé pour que tu sois prêt à affronter ce monde cruel.▬
Le monde est beau, c’est vous qui êtes cruel.Il ne releva rien, peut-être parce qu’il concédait, tu avais raison. La douleur de la vérité t’accablait et pourtant, tu l’avais tant attendue, cette vérité qui dérange. Tu n’étais qu’un bien Felix, comme une espèce de relique qu’on désirait ardemment dans sa collection. Tes genoux fléchissent et tu te rassois lourdement sur ta chaise.
De longues minutes s’écoulent avant que tu ne demandes :
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Pourquoi avoir fait croire que j’étais votre fils ?▬
Pour te protéger.La sincérité qui résonne dans la voix de Ramsay et dans son regard, te fais exploser de rire Felix. Tous ces mensonges et ces coups ne pouvaient avoir pour simple explication la protection ; c’était tout simplement impossible. Tu étais face à un homme complètement tordu, dans une famille de gens tout aussi biscornus que lui.
Il était visiblement très sérieux.
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Jasmin, le frère de Charlie, n’a jamais su que tu existais comme étant son petit-fils et la mort de son fils l’a terriblement affecté, surtout la façon dont il est mort et… tu sais. Oui tu sais, la morsure tout ça tout ça, tué par des chasseurs de loups-garous.
Tu te serais possiblement retrouvé dans un conflit qui ne t’aurais rien apporté de bon, alors il était plus simple de te faire passer pour mon fils.▬
Une fois de plus, il était plus simple de mentir.Ramsay soupire, mais il n’ajoute rien.
Le silence ce fait et le repas commença, enfin, comme si tout le château avait retenu son souffle durant la crise. Tout le monde semblait faire comme si la tempête était passée, mais en toi elle continuait de s’agiter. Tu ne mangeas presque pas Felix, trop préoccupé par toutes ces révélations pour réussir à avaler quoique ce soit. Le dessert arriva et tu ne pu t’empêcher une remarque :
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Vous avez congédié tout le monde pour avoir cette conversation, n’est-ce pas ?Ramsay porta son verre de vin à ses lèvres, il avait retrouvait son sourire vicieux. Tu avais envie de lui bondir dessus, de le gifler, voire de l’étrangler. Tu espérais sincèrement qu’il le voyait dans ton esprit, cette rage qui bouillonnait. Si c’était le cas, il n’en montra rien.
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Entre autre. Je sais que tu ne sais toujours pas gérer tes excès de rage Morpheús, mais quand cela retombera, tu prendras conscience. Je vais mourir. Vite, très vite et tu seras là, à ma place. La tâche ne sera pas simple et tu te devais de savoir. Il sembla juger la tranche de bûche dans son assiette avant de poursuivre.
Tu as toujours cru que ne pas savoir qui tu étais vraiment et je veux dire par là, d’où tu venais, te ferait à jamais défaut, serait un manque… il était temps que cela cesse.Il avait raison.
Tu devais le reconnaître, mais tu n’étais pas obligé de le montrer, ni de l’afficher. Tu goûtas la bûche de Noël, pas mauvaise, mais tout te semblait terriblement fade ce soir. Délicatement tu te redressas et regardas en premier Aegaeon avant de laisser tes yeux glisser sur Ramsay.
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Veuillez m’excuser, mais j’ai besoin d’être seul un instant.▬
Demain la famille sera là, soit prêt.▬
Ne vous excusez pas monsieur.Tu acquiesças et quittas la pièce, d’un pas vif et rapide ; défaisant ton nœud papillon, comme s’il t’étouffait alors que tu étais clairement à bout de souffle.
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HRP : brrr la suite arrive soon dans le prochain poste /o/