Tu ne te souviens pas de grand chose.
Juste de la peur qui avait t'avait éprit les tripes, t'aurais préféré mourir, même qu'on t'étripe.
Plutôt que de devoir affronter ton impuissance, assumer ton insuffisance. Comment pouvais-tu les protéger des monstres quand tu en étais toi même un ?
28 décembre 2028.La lune est haute et pleine. Ta colonne vertébrale se brise et tu laisses entrer la Bête dans ton esprit, tu la laisses t'envahir dans un râle d'agonie. Les doigts enfoncés dans la neige, le dos cambré comme vers le ciel, tes prunelles se teintent d'une couleur dorée comme le miel. Tu t'abandonnes, loin de chez toi. Mais tu n'as pas totalement abandonné, ton corps est sien mais ton esprit reste enclin à surveiller les alentours. Tu ne chasserais pas ce soir, mais tu refuses que ta famille ait à te voir comme ça.
Les flocons viennent caresser tes épaules et épouser ta silhouette immobile. La gueule entrouverte, tu respires bruyamment, observant cet environnement que tu connaissais. Avait-il changé depuis la dernière fois ? Découvrirais-tu de nouvelles odeurs ? Connaitrais-tu de nouvelles douleurs ?
***
La nuit battait son plein. Et en vrai tu regrettais ta chambre, car tes pattes s'enfonçaient dans la neige et tu te forçais à courir jusqu'à l'épuisement pour te réchauffer. Tu avais tellement couru que tu étais sorti du domaine des Kingsley, t'enfonçant toujours plus dans la forêt dans le noir. Tu n'étais pas du genre à flipper, mais le fait d'avoir pris de la potion te donnait cette lucidité qui pouvait déranger même le plus sain des hommes.
Et à la lueur de la lune, tu perçois un cri au loin. Déchirant mais pourtant si éloigné. Tu penses automatiquement à ta soeur, à ta mère, au manoir. Mais pourquoi seraient-elle en danger ? Tu n'étais pas là. Les heures passent et une drôle d'effluve parvient à tes narines. Celle du sang... Mais tu pouvais reconnaitre l'arôme entre mille. C'était le même sang que le tien. Lilibel.
Tu t'élances et percutes dans ta course une autre bête, son regard fou t'agresse et il te repousse violemment. Ton corps encore engourdi tombe dans la neige et tu observes en grognant son corps qui s'enfuit dans la brume. Le soleil allait se lever, et tu devais retrouver ton sac pour te changer. Ensuite tu rejoindrais le manoir le plus vite possible.
***
L'odeur de sang était de plus en plus présente, au fur et à mesure que tu te rapprochais de l'édifice. Tu pouvais déjà sentir que l'autre loup-garou était passé par là. Tout concordait et ton coeur allait exploser.
La baie-vitrée explosée, une bonne partie du mur détruit, tu atteins la terrasse, te précipitant dans la maison.
—
« Maman ! Lilibel ! »Tu sens leur présence mais l'angoisse te fait diverger. Tu n'arrives pas réellement à les localiser dans la maison. Traversant la salle à manger, tu finis par tomber sur eux. Ta soeur était à genoux, bordant le corps allongé de votre père. Il était grièvement blessé au niveau de la poitrine et du visage. Une attaque qui lui laissera une trace.
—
« Putain, qu'est-ce qu'il s'est passé ici ? Maman ?! »Ta mère était au telephone, dans tout ses états, ne cessant de répéter votre adresse en sanglotant. Elle se tourna vers le patriarche, toujours conscient, en t'ignorant.
—
« Ils seront là d'une minute à l'autre ! Ils vont transplanter dans le domaine directement ! Chéri, tu dois les laisser entrer... La barrière.. »—
« Je sais.. hmm.. »Il se redressa. A croupi, tu te penchas sur Lilibel pour caresser son épaule.
—
« Soeurette, tout va bien ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ? »Malgré sa blessure, ton père te poussa violemment de son pied en hurlant.
—
« Ne la touche pas ! Ta soeur est blessée par ta faute ! Tu as laissé ce monstre entrer dans la maison ! C'est toi qui l'a attiré ici ! »—
« Ce n'était pas moi ! Je l'ai.. Comment est-ce qu'il a pu entrer ? »—
« Je ne l'explique pas non plus.. peut-être que c'est toi qui lui a ouvert un passage ?! »—
« Mais tu es complètement con ! J'étais dans la forêt toute la nuit ! Et pourquoi est-ce que ... »Tu compris en cet instant que la rage aveugle de ton père envers ta nature n'avait fini de s'étendre. Il se laisse tomber, un genou à terre et sa main pressant contre son torse. Son visage était maculé de sang. Mais étrangement, celle qui t'inquiétait réellement était Lilibel. L'émoglobine avait tâché sa peau diaphane, et elle demeurait silencieuse et immobile. Comme un cadavre, en état de choc.
—
« Lili.. »—
« Ta soeur est blessée. Elle a failli mourir, parce que tu n'étais pas là pour empêcher cette chose de pénétrer notre maison. »—
« Quand vas-tu comprendre que je n'ai jamais voulu de tout ça ?! »Les médicomages venaient d'arriver. Tu avais senti des présences fouler le terrain enneigé du domaine.
Ton père était à deux doigts de perdre connaissance, il tenait à peine debout. Et Lilibel n'avait toujours pas bougé, ni même réagi. Tu avais voulu la prendre contre toi pour l'emmener dehors, mais ton père avait pointé faiblement sa baguette vers toi.
—
« Père. »—
« Dégage d'ici. Et ne reviens pas. Tu n'as plus ta place ici. »—
« Hors de question que je m'en aille maintenant. J'accompage Lil' à l'hopital. »—
« NON ! Un monstre a déjà approché ma fille pour aujourd'hui ! Je t'ai ordonné de partir ! »Après un dernier regard vers ta mère et vers la silhouette prostrée de ta soeur, tu as décidé de prendre ton sac et ta fierté.
Et t'as dégagé.
Accueil
